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Édito
par drapher

Quelques clés pour les réactionnaires qui s’ignorent

Etre réactionnaire c'est à la portée de tout le monde

Le terme « réactionnaire » ou « réac » est revenu en grâce par la magie médiatique. Et c’est une bonne chose, puisque cette catégorisation permet en réalité de mieux comprendre ce qui agite ceux qui composent la société, des plus modestes aux plus en vue. Il ne faudrait pas se méprendre : être réactionnaire n’est pas être « de droite », n’est pas forcément lié à un conservatisme bien défini.

Le terme « réactionnaire » ou « réac » est revenu en grâce par la magie médiatique. Et c’est une bonne chose, puisque cette catégorisation permet en réalité de mieux comprendre ce qui agite ceux qui composent la société, des plus modestes aux plus en vue. Il ne faudrait pas se méprendre : être réactionnaire n’est pas être « de droite », n’est pas forcément lié à un conservatisme bien défini. De nombreux « gauchistes » ou assimilés à une forme de pensée « progressiste » et pétrie de bon sentiments « fraternalistes », sont des réactionnaires qui s’ignorent. Et c’est bien là que la bât blesse : quand les réac sont à peu près partout, montant au créneau de leurs causes idéologiques fabriquées [en ligne] sans aucune colonne vertébrale, le pouvoir politique en place ricane et sait qu’il a les mains libres. Ouvrons les portes de la pensée réactionnaire actuelle avec les clés de déchiffrement des contradictions des foules déculturées.

Toi aussi défends la police quand ça t’arrange

Soyons clair : que l’on puisse penser que des forces de police, les palais de justice, sont un « mal nécessaire » dans une société pas assez mûre pour s’en passer, n’est pas être réactionnaire. L’anarchie est une utopie qui n’est pas visiblement encore réalisable en France, pays de l’infantilisation des citoyens et de la démocratie d’apparat à base de monarchie républicaine ploutocratique. Mais si le réactionnaire du XXème siècle était simplement un défenseur aveugle des forces de l’ordre et de répression au service du pouvoir, il n’en est plus de même aujourd’hui.

Le réac 2.0 aime la police quand ça l’arrange, et la déteste de la même manière quand ses actions (à la police) ne sont plus en accord avec ses idéaux. Disons-le : être réactionnaire c’est entre autres pouvoir défendre sans vergogne la violence policière, juger les actes d’autrui à l’aune de ses propres conviction politiques, philosophiques ou religieuses sans nuances et surtout en étant prêt à ce que la fin justifie les moyens. Même si ces moyens sont censés être à l’opposé des conviction « politiques » que l’on développe en ligne ou ailleurs.

Les attentats terroristes de janvier et novembre 2015 sont un cas d’école : des foules de jeunes gens — de tous bords — sont venues applaudir les sniper et autres forces d’intervention, se sont réjouies de l’assaut de l’hypercasher et de la mort du meurtrier retranché. Se sont réjouies et félicitées. Ils auraient pu simplement prendre acte, regretter que l’un des meurtriers de l’équipe de Charlie Hebdo n’ait pas été capturé vivant, mais non, et c’est bien là l’une des clés d’un fonctionnement des réactionnaires qui est présente. La peur, la mise en cause de ses propres intérêts menant à une adhésion positive envers l’action répressive du pouvoir est l’une des caractéristiques qui leur sont propre : il leur est insupportable d’envisager perdre une miette de leur confort et de leur avantages, et se mettent à soutenir et défendre la police quand ça les arrange eux, tout en conchiant les même forces de police si celles-ci participent à une répression qui heurte leurs « convictions ».

Le réac est convaincu et affiche sa façon de penser en permanence

Défendre le logiciel libre, lutter contre la surveillance du net mais pratiquer la vidéo surveillance chez soi et tracer un voleur de bicyclette (oui, une bicyclette, pas un vélo) pour le livrer aux flics, illustre assez bien la pensée réactionnaire actuelle. Faire de la délation publique sur Twitter d’un chauffeur de taxi en affichant la photo de sa plaque d’immatriculation et appeler son entreprise à le virer tout en voulant porter plainte contre lui après une altercation, n’est pas mal non plus dans le genre. Surtout quand on prétend vouloir défendre les révolutions arabes et autres causes des minorités et des féministes.

Le réac 2.0 ou moderne est un convaincu : de penser juste, d’être du bon côté, de défendre les bonnes causes et affiche ses convictions avec la volonté d’un taureau en rut alliée à la réflexion d’une huître. Les commentaires outrés des gauchistes numériques défenseurs du droit d’asile et anti-Collomb, face à la destruction du MacDo parisien par des black blocs, dessinent bien les contours de cette pensée réactionnaire : les petits bourgeois du co-working veulent bien que l’on conteste, mais pas trop non plus. On ne sait jamais si des actes concrets allaient bousculer un peu leur confort et les mettre en situation de devoir vivre vraiment des conséquences de la contestation… Et puis surtout : la violence, même sur du matériel est insupportable pour le réac, qui estime que cette violence est l’apanage des mercenaires de la fonction publique envers la population et qu’eux seul au fond ont le droit d’en faire usage. Le tout, c’est de le faire savoir et de montrer son indignation envers des « casseurs » qui détruisent des symboles du capitalisme, parce qu’en réalité, le capitalisme, même le pire, ils ne sont pas prêts à le contester, ni même envisager pouvoir s’en passer. Le réac défend le système dans lequel il vit. Il l’aime, même quand il le critique. Et le matériel, pour le réac, c’est sacré : normal, sa vie est centrée la plupart du temps sur de la consommation matérielle.

Les nouveaux réactionnaires sont des pitres de salon

Qu’ils soient politiquement ancrés à droite ou à gauche, au centre, ou se disent apolitiques, les nouveaux réactionnaires ne sont en fin de compte que des pitres de salon qui affichent leur satisfaction ou leur indignation, qui à la tévé, qui sur les réseaux sociaux. Juger la société est leur passe-temps préféré sans jamais agir ou penser hors des clous enfoncés par les ténors de l’ordre établi. Les limites qu’ils établissent sont celles qui balisent leur univers étriqué et conformiste. Ils peuvent militer pour l’accueil des réfugiés ou à l’inverse la fermeture des frontières, le fond de leur pensée commune est le même : ils croient que l’organisation de la société par les politiques qu’ils ont élu est l’alpha et l’oméga du vivre ensemble, le tout bien encadré par l’ordre et la technique. Leur capacité à faire bouger les lignes, créer, inventer est à peu près aussi importante que l’empathie que développe Emmanuel Macron à l’égard de la population qu’il toise depuis son olympe électoral.

Pour comprendre comment des pensées anti-réactionnaires se développent, avec des actes réellement créatifs, dans la durée, il faut aller à Notre-Dame-Des-Landes. Au Larzac aussi. Et dans quelques endroits discrets, en ville ou à la campagne. Avec des individus qui ont décidé de ne pas marcher dans la combine, font autrement, sans céder aux sirènes de la pensée massifiée et conforme. Des gens qui restent eux-mêmes, résistent aux propagandes de tous bords et refusent de se faire manipuler en n’étalant pas leur opinion personnelle ou leur pseudo combat comme d’autres étalent leurs déjections sur les murs. Mais il y en a peu. Et c’est compliqué…

Au fond, les réactionnaires conformistes sont majoritaires, et c’est ainsi que la société qu’ils créent chaque jour devient un peu plus irrespirable. Le Français mérite donc son Macron. Il l’a d’ailleurs élu en se précipitant aux urnes la peur au ventre sous les injonctions de « la presse des 7 milliardaires ». L’histoire est un perpétuel recommencement…

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