Quand le ministre de la Recherche met à l'aise le syndicat d'extrême-droite UNI
L'ascenseur fourni à ce courant par le pouvoir est désormais disponible sur tous les fronts
Le 12 octobre 2024, Patrick Hetzel a participé à un événement organisé par l'Union Nationale Inter-Universitaire, les “fachos” de la fac. La venue du ministre de la Recherche, lui-même un réac, n’est pas surprenante, mais marque une étape supplémentaire dans la dédiabolisation des mouvements d'extrême droite.
Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est connu pour ses positions conservatrices, ses réformes néolibérales touchant les universités et même par son basculement dans l’anti-science pendant le covid, où il défendait l’utilisation de l’hydroxychloroquine. Ancien enseignant-chercheur, Hetzel s'est rapproché des milieux politiques de droite sous Fillon et Sarkozy, contribuant à la loi LRU qui a entraîné des difficultés budgétaires pour les universités et une dépendance accrue aux financements privés. Député pendant plus de dix ans, il s’est opposé à des avancées sociétales telles que le mariage pour tous et la PMA, et a bloqué une loi sur la fin de vie en 2021. En 2023, il a proposé de criminaliser les blocages universitaires et dénoncé le « wokisme » et les « dérives islamo-gauchistes » dans l’enseignement supérieur. Récemment arrivé au gouvernement, le fait que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche accepte l'invitation de l'UNI n'est pas inattendu. Cela s'inscrit dans un continuum de reconnaissance envers les mouvements d'extrême droite dans les facultés françaises.
Bien évidemment, l’UNI lui a exprimé sa gratitude sur Twitter : « Merci d’être aux côtés de l’UNI, monsieur le ministre ! ». L’UNI, qui n’a plus aucun représentant au Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) depuis 2010, ne dispose que d’un seul des 11 sièges réservés aux étudiants au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).
L’UNI, un glissement idéologique vers l'extrême droite ?
L'UNI a été fondée pendant les événements de Mai 68, une période de contestation générale en France, à l’initiative d'étudiants hostiles aux mouvements révolutionnaires de l'époque. Son but initial était de contrer l'influence des mouvements de gauche et des organisations communistes dans les universités, comme l'Union des Étudiants Communistes (UEC). L'organisation se définissait dès ses débuts comme une force conservatrice et anti-révolutionnaire. Dans les années qui suivirent sa création, l'UNI s'illustra dans de nombreuses manifestations contre les réformes universitaires jugées trop « progressistes », et dans une défense farouche de l'université publique contre ce qu'elle considérait comme l'infiltration idéologique de la gauche radicale.
Au fil des décennies, l’UNI a continué de se positionner comme un acteur majeur du mouvement étudiant de droite dure, mais certains de ses membres ont été accusés de sympathies avec des courants plus radicaux, notamment ceux proches de l'extrême droite. Ce phénomène de rapprochement avec les milieux d’extrême droite est observé à plusieurs moments clés de l’histoire de l’organisation.
« L'UNI entretiendra des relations extrêmement étroites avec le MIL – Mouvement Intiative et Liberté – (même responsable national, Jacques Rougeot, et même adresse) créé en 1981, mais surtout actif à partir de 1986, qui, à la différence du SAC, a pignon sur rue et se veut un mouvement de réflexion, non un service d'ordre... Le MIL, qui existe toujours aujourd'hui, fait figure de lobby très conservateur et ultra droitier au sein de la mouvance gaulliste. Dès sa création, il constitue "un curieux laboratoire idéologique où se croisent les influences hétérogènes de la droite libérale (façon reaganisme années 1980), d'un catholicisme réactionnaire et d'un gaullisme rigide. On y sert un discours musclé sur la préférence nationale, le combat contre l'avortement, la défense de l'école libre, le rejet des valeurs “gauchistes”, un ensemble qui n'a rien à envier au programme frontiste" », écrivait l'universitaire François Audigier.

Dans les années 90, alors que le Front National (FN) de Jean-Marie Le Pen gagne en popularité, l'UNI a été accusée de ne pas toujours condamner les liens de certains de ses membres avec le parti d'extrême droite, des liens qu'elle entretient d'ailleurs toujours aujourd'hui. Dans la même décennie, l'organisation universitaire a même formé des alliances avec le GUD, et ensemble, ils ont mené des actions musclées dans les facultés.

L'UNI a-t-elle glissé vers l'extrême droite au fil du temps ? Non, cette union étudiante s'est toujours positionnée comme le défenseur des traditions républicaines et de la nation, mais dans sa version la plus réactionnaire, ce qui a permis à plusieurs membres du FNJ d'y être bien accueillis. En effet, l'UNI était et reste en accord avec certaines idéologies prônées par l'extrême droite : nationalisme, une vision sécuritaire de la société, intégrisme, opposition à l'immigration, à l'islam et au multiculturalisme.
L'UNI et le fascisme : un flirt constant avec l'extrême droite violente
La liste d'événements et de déclarations au sein de l'UNI en lien avec l'extrême droite radicale est impressionnante. La liste des membres de l'UNI ayant participé à des actions violentes est également longue. Si, au début des années 2010, l'UNI tremble et qu'en 2013, Olivier Vial évoque une UNI qui ne se plie pas à l'extrême droite, des dizaines d'affaires montrent que le syndicat sert toujours de passerelle entre les facultés et les groupuscules de l'extrême droite radicale. De plus, leurs publications sur les réseaux sociaux corroborent l'utilisation d'une sémantique et d'une rhétorique clairement empruntées au vocabulaire de l'extrême droite : « racailles », « anti-France », « ennemis de la France », « islamo-gauchistes », « gangrène islamiste », etc.

Ces dernières années, les alliances avec le RN, Reconquête, ainsi qu'avec des groupuscules d'extrême droite radicale montrent à quel point le syndicat étudiant se moque de l'image que les gens peuvent avoir de lui en tant que mouvement fascisant. Il semble que la « bataille culturelle », fomentée par les théoriciens fascistes français, ait réussi à se cimenter sur le long terme au sein du mouvement.
Les liens que l’UNI entretient avec les groupuscules ne sont pas à négliger. En 2021, Romane Albanel, alors responsable locale de l'UNI et candidate aux élections du Crous à Pau, est aussi militante à l'Action française. En 2022, elle se présente comme candidate du parti Reconquête dans la 3e circonscription Pyrénées-Atlantiques. Romane est toujours militante à l’Action Française. Également en 2022, les militants de l'UNI Avignon n'hésitaient pas à publier sur le réseau social Instagram des photos d'une soirée où l'on pouvait identifier un drapeau orné de la fleur de lys et le geste néonazi à trois doigts, appelé Salut de Kühnen.

Dans un billet de blog publié sur Mediapart, un étudiant lyonnais explique comment l'UNI tente de se faire passer pour la « droite modérée » à Sciences Po. Le texte qui évoque l'histoire de l'UNI et ses liens avec l'extrême droite montre clairement que la stratégie identitaire du mouvement ne se limite pas à ses propositions ciblant exclusivement l'étudiant blanc, mais inclut également des attaques et actions de propagande qui visent les étrangers, alors que l'université est un espace ouvert non seulement aux Français, mais aussi au monde : « Droit de vote aux immigrés, que reste-t-il aux Français ? », « Trop d'immigration nuit à l'assimilation », « Migrants débarqués, Europe en danger ». Cela heurte premièrement l’image des facs, et deuxièmement, que dire des Français qui n'hésitent pas à compléter leurs études supérieures ailleurs ? Enfin, cette obsession identitaire masque mal un racisme que ne dit pas toujours clairement son nom.

Nice, Aix-en-Provence, Amiens, Nantes, Bordeaux ou Rennes : ces dernières années, plusieurs membres de l'UNI ont été ou sont affiliés à des groupuscules fascistes et néonazis dans leur région. En octobre dernier, l'Union Pirate et Solidaires dénonçait le dépôt d'une liste par l'UNI, affirmant que cette organisation entretenait des liens avec un groupuscule d'extrême droite radicale local. Dans la foulée, Rémy Perrad, porte-parole de l'UNI, avait nié ces affirmations, alors qu'un fil publié par l'Assemblée Générale Antifasciste de Rennes présentait plusieurs photos démontrant les liens entre l'UNI et le groupuscule d'extrême droite ultra-violent l'Oriflamme.

L'UNI est rattrapée par son propre passé et par les actions de ses militants qui affichent fièrement leur allégeance idéologique au fascisme et au néonazisme le plus sordide. Les alliances et sympathies avec des groupes nationalistes ne sont pas nouvelles, et l'organisation elle-même, malgré ses dénégations répétées, se retrouve régulièrement au cœur de polémiques liées à l'extrême droite radicale. Récemment à Nantes, un de leurs membres est suspendu pendant 9 mois après des violences sur un étudiant. De plus, certains de leurs militants, dans leur carrière professionnelle, finissent par être affiliés à des partis politiques racistes, xénophobes, homophobes et transphobes qui, de leur côté, parviennent à se dédiaboliser.