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par Antoine Champagne - kitetoa

Pour l'Académie des sciences, le plastique c'est pas fantastique !

Dans un rapport, son comité des sciences de l'environnement pousse un cri d'alarme

Peut mieux faire ! C'est la conclusion d'un rapport qui sera publié la semaine prochaine. Les efforts actuels « sont insuffisants pour empêcher une accumulation massive de ces déchets dans les écosystèmes continentaux et océaniques au cours des prochaines décennies », notent les scientifiques.

Décharge sauvage du plateau de l'Arbois, à proximité immédiate de la gare d'Aix TGV. - © Cyril Marcilhacy

C'est un sujet connu, le plastique pollue. L'Académie des sciences est sur le point de publier un rapport qui dresse le bilan de la nocivité de cette matière autrefois vantée dans une chanson comme « fantastique » et propose quelques recommandations pour ralentir la catastrophe annoncée par une production toujours en hausse et des rejets sur terre, sur mer et dans les rivières. Reflets vous les dévoile en avant première.

« Difficiles à recycler et difficilement digérables par les micro-organismes, ils sont une source de pollution pour l’environnement dès lors qu’ils sont produits massivement pour des utilisations à durée brève, souvent inférieure à l’année, ou à usage unique. Considérés alors comme déchets, ils sont jetés dans des décharges, souvent mal contrôlées, ou transportés dans des centres de tri où seule une faible fraction sera effectivement recyclée. Une grande part des plastiques utilisés est rejetée dans l’environnement où ils se dégradent et polluent continents, eaux douces et océans », prévient l'Académie. Dans son rapport, l'Académie renvoie à nombreuses études sur les impacts de la prolifération du plastique et de sa dissémination dans les milieux naturels, notamment les océans. Mais aussi sur l'impact toxicologique

On pourrait recouvrir l'Europe d'un film plastique

Le plastique, né il y a environ un siècle, est désormais partout. La production est passée de 1,5 million de tonnes en 1950 à plus de 350 millions de tonnes aujourd’hui. « Les plastiques sont devenus indispensables, comme en témoigne la croissance impressionnante en moins d’un siècle de la production annuelle mondiale, qui passe de 1,5 million de tonnes en 1950 à plus de 350 millions de tonnes aujourd’hui. Cela représente une quantité importante : si 40% de cette production annuelle consacrée à l’emballage était transformé en film alimentaire d’une épaisseur de 10 microns, ce film pourrait couvrir chaque année la surface entière de l’Europe. La demande de plastiques n’est pas uniforme. Ainsi, en 2015, elle était par habitant d’environ 100 kg/an en Corée, 80 kg/an aux États-Unis et de 60 kg/an en Europe, à comparer avec 40 kg/an en Chine, 10 kg/an en Inde et seulement 5 kg/an en Afrique. La production des plastiques double tous les douze ans environ, cette croissance rapide étant étroitement liée au développement économique. »

« Le marché mondial des plastiques concerne en volume environ pour 40% l’emballage, 20% le bâtiment, 10% l’automobile, 6% l’industrie électrique et électronique, 3% l’agriculture ; les 21% restant se répartissent en des applications diverses telles que les objets domestiques, l’ameublement, les sports et loisirs, la médecine, etc. » Problème, pour des raisons de coût, notamment, la production se concentre autour de quelques familles de plastiques dits « de commodité » (80%) difficilement dépolymérisables.

Le rapport rappelle que le plastique est difficilement recyclable. Les bouteilles transparentes, par exemple, ne peuvent être que très difficilement recyclées pour la même utilisation, car la matière perd de ses propriétés lors de cette opération. Mais la Suisse est un excellent élève, puisque le pays arrive à recycler 100% des bouteilles plastiques. Comme quoi, c'est possible.

A défaut de les recycler, l'Académie préconise l'incinération des plastiques. «L’incinération propre des déchets plastiques, à défaut de pouvoir les intégrer dans un cycle économique fermé, permet d’éviter leur dissémination et de récupérer au moins une partie de l’énergie qui a été nécessaire à leur fabrication. Le but ultime est en tout état de cause d’éviter les plastiques dans les décharges, car l’écrasante majorité des polymères synthétiques n’est pas biodégradable. »

Elle demande aussi l'arrêt des transferts de plastiques depuis l'Europe vers les pays en développement. De 2008 à 2016, quelque 31 millions de tonnes de déchets plastiques ont été exportés depuis l'Europe vers la Chine et des pays du Sud-Est asiatique, note l'Académie. « Compte tenu de la qualité médiocre des conditions de prise en charge des déchets dans les pays en voie de développement, tout transfert de déchets des pays industrialisés vers les pays moins avancés est incompatible avec un objectif de développement durable pour les sociétés humaines. »

Pour mieux maîtriser l’économie des plastiques, l'Académie des sciences recommande :

  • de poursuivre les efforts individuels et collectifs pour réduire la pollution à la source en appelant à la sobriété de consommation, notamment en matière d’emballages, en améliorant le tri et en incitant les industriels à mettre en place des programmes de recherche et développement visant à remplacer les plastiques de commodité par des polymères plus facilement dépolymérisables ;

  • de prévoir le recyclage des plastiques dès leur conception pour faciliter le passage à une économie circulaire ;

  • de développer des polymères à faible impact environnemental, susceptibles de se biodégrader dans les milieux continentaux et marins sous l’action des micro-organismes;

  • de lancer un programme de recherche ambitieux, national et international dans le cadre de l’ISC, pour comprendre le cycle biogéochimique des déchets plastiques rejetés dans l’environnement, déterminer les flux et les tailles des particules transportées dans l’air, les eaux douces et les eaux marines et ainsi prévoir leur devenir ;

  • de mieux évaluer l’impact des produits de dégradation des plastiques sur la faune et sur la santé des êtres humaines en étudiant le comportement des micro- et nanoplastiques aux concentrations effectivement présentes dans les milieux naturels et en faisant appel à des recherches épidémiologiques ;

  • d’étudier la possibilité de bloquer les déchets plastiques en les insérant dans des matériaux de longue durée de vie, comme ceux utilisés en fort tonnage pour la construction des bâtiments.

7% du plastique mondial recyclé

En résumé, l'Académie lance un appel aux autorités et aux fabricants. Sera-t-il entendu ? « L’utilisation des plastiques affecte dangereusement la planète car ils donnent naissance à des déchets variés potentiellement toxiques qui ont maintenant envahi la totalité de ses enveloppes superficielles, les surface continentales, les eaux douces, l’atmosphère et les océans. Les plastiques sont utiles et il serait vain de prétendre les supprimer. Pour limiter la pollution dont ils sont responsables, il est nécessaire d’entreprendre simultanément des actions citoyennes à tous les niveaux de responsabilité de la chaine production-utilisation pour aller vers une économie circulaire et de lancer un grand plan de recherches pluridisciplinaires pour comprendre tous les aspects de cette pollution, afin de la maîtriser ».

Au plan mondial, sur les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produites jusqu’en 2016, seulement 28% ont fait l’objet d’une utilisation durable. Seulement 7% ont été recyclés, 9% ont été incinérés et la majorité (55%) a été jetée dans des décharges souvent mal contrôlées, voire abandonnée dans des décharges sauvages, s'alarme le rapport. On n'en a pas fini avec la pollution plastique...

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