Porte-Parole du Parti socialiste et « en même temps » Gobal Data Protection officer chez Palantir
Le grand écart d'une avocate avec un soutien inconditionnel du parti
Le macronisme déteindrait-il ? Julie Martinez, porte-parole (bénévole) du Parti socialiste pour les questions d'IA est en même temps salariée de Palantir, une société connue pour être l'une des pires en matière de gestion des données personnelles. Qui plus est, Palantir multiplie les alliances avec l'exécutif américain. Peut-on faire cohabiter trumpisme, libertarianisme, extrême droite et PS ? Oui...

C'est un discret post sur Bluesky qui nous a mis la puce à l'oreille. L'Humanité à publié hier un article qui relate comment Julie Martinez, une jeune avocate de formation cumule deux rôle a priori antinomiques : porte parole du PS en charge de l'intelligence artificielle et Gobal Data Protection officer chez Palantir.
Palantir, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est un monstre né dans la foulée du 11 septembre. L'idée est de mettre l'informatique (aujourd'hui on dit l'IA parce que c'est le buzzword du moment) au service de la data. Partant du principe que l'on collecte de plus en plus de données, il faut réfléchir aux moyens permettant de la rendre utilisable, exploitable. En anglais, on dit la rendre accionable. Et ça marche. Palantir vient se connecter aux systèmes d'information de ses clients et mouline leurs données. Aux États-Unis, la donnée, y compris très personnelle est une marchandise comme une autre. Tout se vend, tout s'achète, tout se mouline, se recrache et se réinjecte.
Palantir est aussi connue pour une liste de controverses aussi longue qu'un jour sans pain. Elle a aidé la NSA pour ses programmes d'espionage illégaux dénoncés par Snowden, un de ses salariés avait prêté main forte à Cambridge Analytica, qui avait influencé le Brexit ou la première élection de Trump avec des données personnelles de 87 millions d'utilisateurs « volées » sur Facebook. Elle est épinglée à de nombreuses reprises pour ses liens avec l'agence ICE afin d'aider à identifier et à expulser les migrants. Palantir a été épinglée à plusieurs reprises par Amnesty International. Sa relation avec le gouvernement israélien pour lui fournir des outils liés à des missions de guerre pose évidemment question alors que les massacres à Gaza se poursuivent.
Alexander Karp explique à une personne qui l'accuse de tuer des Palestiniens avec ses produits et ses contrats avec Israël qu'il tue surtout des terroristes et que ce la première cause des morts à Gaza, c'est le Hamas (À partir de 4:00).
Quand à Peter Thiel, membre du conseil d'administration, co-fondateur de Palantir et désormais conseiller de Trump, il doute que « la liberté et la démocratie » soient « compatibles ». Tout un programme.
Il y a quelques jours 404 Media révélait que l'agence ICE avait payé des dizaines de millions de dollars à Palantir pour obtenir une classification de la population :
« Selon les documents examinés par 404 Media, l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) a versé plusieurs dizaines de millions de dollars au géant Palantir pour modifier une puissante base de données et un outil de recherche de l'ICE afin de permettre "une analyse complète des populations connues" et de mettre à jour les priorités de ciblage et d'application de la loi de l'outil.
Les documents montrent que Palantir travaille activement à la mise à jour de l'infrastructure technique qui sous-tend les efforts de déportation massive de l'administration Trump.
Cette nouvelle intervient après que des agents de l'ICE ont arrêté un étudiant titulaire d'une carte verte lors de son entretien pour devenir citoyen américain ; que des agents en civil ont interpellé une étudiante dans la rue pour l'expulser, bien que le département d'État n'ait trouvé aucune preuve qu'elle était liée à l'antisémitisme ou au Hamas comme le prétendait l'ICE ; et que les présidents américain et salvadorien aient éludé la question de savoir qui allait rapatrier un homme qui avait été expulsé par erreur vers une méga-prison étrangère. Trump a également appelé à expulser des citoyens américains vers le Salvador.
Dans le même temps, Palantir diffuse des publicités dans les universités américaines qui disent : "L'heure de vérité a sonné pour l'Occident. Notre culture est tombée dans un consumérisme superficiel tout en abandonnant son objectif national. Trop peu de gens dans la Silicon Valley se sont demandé ce qu'il fallait construire et pourquoi. Nous l'avons fait". »

Cette publicité signée du patron de Palantir, Alexander Karp dit aussi : « Nous avons créé Palantir pour assurer l'avenir de l'Amérique, pas pour bricoler à la marge. Dans les usines, dans les salles d'opération, sur les champs de bataille, nous construisons pour dominer. »
Dominer : toute une philosophie de vie, un mantra qui laisse rêveur. Bien éloigné en tout cas des positions humanistes supposées du Parti socialiste.
Être en charge de la protection des données personnelles (DPO) chez Palantir, c'est un oxymore. C'est un peu comme être en charge de la protection des données personnelles chez Meta ou Google : une mission impossible. Pourquoi pas un poste de chargé de la mise en place d'énergies propres chez Total en remplacement des énergies fosiles ? DPO, c'est traditionnellement le poste infernal. Toute la boite vous déteste parce que vous essayez de lui faire respecter la loi sur les données personnelles. Et ça, c'est très mauvais pour le business. Même à La Poste ou à la Société Générale, vous êtes le type qui empêche de faire du bon business en rond. Tout le monde évite de vous parler des opérations sensibles, tout le monde espère que vous ne serez pas présent à la réunion de brainstorming sur le prochain produit à base de data. Alors chez Palantir, tout le monde doit se balader avec des gousses d'ail en colliers avant d'entrer dans le bureau du DPO. Au cas où. On n'est jamais trop prudents dans un environnement pareil.
Interrogé par l'Humanité sur ce « en même temps » de sa porte parole le PS assume ce grand écart : « travailler pour Palantir n’est pas un non-sujet, reconnaît son directeur général Foran Vadillo. Mais je suis presque rassuré que des profils comme celui de Julie Martinez soient recrutés par ce genre de sociétés ».
Travailler pour Trump n'est pas un non sujet, mais chez Reflets, nous serions rassurés qu'Olivier Faure devienne son ministre des expulsions.
Julie Martinez estime pour sa part que « l’entreprise "accompagne la lutte contre les extrémismes", soutient les Ukrainiens, s’engage "contre le trafic de bébés" ». On dirait la plaquette marketing de Palantir. Un beau discours qui ne déparerait pas dans un post sur Likendin. La jeune femme, grande fan de l'entreprenariat, dit à l'Humanité être «coriace et redoutable », ce qui devrait effrayer Alexander Karp et n'en doutons pas, contenir ses dérives techno-solutionistes.
Dans une vidéo sur Youtube, elle explique son rôle au sein de Palantir : « comment accompagner des boites qui arrivent en Europe avec des règlementations qui peuvent les restreindre, c'est ce que je fait chez Palantir ». C'est joliment dit.