Parcoursup, un outil dont on ne peut pas... mesurer l’intérêt !
Le collectif "Nos services publics" s'est penché sur la plateforme
Le constat du collectif sur Parcoursup est édifiant : le système contribue a augmenter le stress des élèves, désorganise l’année scolaire, le travail des enseignants et ne permet pas de mesurer de véritable amélioration par rapport à son prédécesseur. "Peut mieux faire" !

La plateforme Parcoursup d’admission des élèves dans l’enseignement supérieur, qui a remplacé Admission Post-Bac (APB), continue de susciter des critiques. Comme la précédente d’ailleurs, lorsqu’elle réalisait un tirage au sort pour l’affectation de 0,5 % des candidats. Le Collectif Nos services publics que nous avions déjà évoqué dans nos colonnes a voulu faire le point sur Parcoursup, dans une note d’une trentaine de pages édifiantes. Tout d’abord, le changement de perspective. Parcoursup met en place une logique de classement des élève alors qu’APB privilégiait une logique d’affectation des élèves selon leurs préférences. Les experts planchent ensuite sur les effets de ce changement sur les élèves et sur le coût pour l’enseignement secondaire, largement mis à contribution pour le « classement » des élèves. Enfin, le collectif note une forte progression du nombre d’étudiants intégrant des formations privées qui bénéficient de la mise en avant dans Parcoursup, sur le même plan que l’enseignement public.
« La mise en place de Parcoursup en 2018 a conduit au remplacement d’un dispositif dans lequel l’affectation des lycéens dans l’enseignement supérieur était réalisée sur le fondement d’une hiérarchisation de leurs choix, par un système de classement des élèves par les formations, y compris non-sélectives. Cette évolution de l’algorithme est loin de se cantonner à une question technique. D’une part, elle a pour conséquence directe de laisser un postulant sur deux sans réponse au premier jour des résultats de l’algorithme, et de créer des listes d’attente parfois considérables pour l’entrée dans les formations. D’autre part, elle entraîne des surcoûts massifs directement liés à l’exigence de classement, en particulier dans l’enseignement secondaire où 2,5 millions d’heures par an sont utilisées au détriment de la formation des jeunes. Enfin, elle conduit à supprimer toute capacité d’évaluer le système d’affectation comme d’adapter les capacités de l’enseignement supérieur aux souhaits des lycéens - puisque ceux-ci ne sont plus connus », explique le rapport du Collectif Nos services publics. En termes de coûts pour l’enseignement secondaire, le collectif s’est livré à un calcul approximatif, mais qui donne des ordres de grandeur : « Les personnels doivent parvenir, en l’espace de moins de deux mois, à ordonner près de 12 millions de vœux formulés par plus de 900 000 candidat·e·s. Ce procédé est non seulement très coûteux – environ 2 600 000 heures de travail, soit l’équivalent de 100 millions d’euros de budget uniquement pour classer les candidatures ». Une paille...
Le temps passé par les enseignants, les élèves et leurs parents pour permettre à Parcoursup de fonctionner a également des effets sur l’organisation de l’enseignement dans le secondaire.
« Dans les faits, cette exigence d’une plus grande articulation entre les résultats du baccalauréat et la procédure d’inscription dans le supérieur a bouleversé les rythmes scolaires dans l’enseignement secondaire sous au moins trois aspects : le rétrécissement de l’année scolaire, l’ajout de nouvelles missions sans moyens supplémentaires et la dégradation des rapports pédagogiques entre élèves, familles et enseignants autour des enjeux de notation. Le classement de l’élève est d’abord soumis au jugement de son ou sa professeur.e principale, qui doit évaluer, commenter, noter et même classer les élèves dont il ou elle a la responsabilité, en remplissant la "Fiche Avenir" de l’élève, l’une des pièces de son dossier. Chacune des décisions prises est laissée à la libre appréciation des personnels pédagogiques, sans faire l’objet de cadrage : un élève pourra donc être considéré comme disposant d’une autonomie "très satisfaisante" par un enseignant, d’"assez satisfaisante" par un autre sans que personne ne sache précisément à quoi correspondent ces évaluations. Lors de la clôture de la phase d’enregistrement des dossiers, ce sont donc plus de 600 000 appréciations qui auront été effectuées par plus de 19 000 enseignants différents. », note le collectif.
Le constat du collectif sur les éventuels bienfaits de Parcoursup est loin d’être enthousiasmant : « Que l’on retienne le taux de décrochage, la vitesse d’affectation des candidat·e·s ou la qualité de l’appariement, les résultats de Parcoursup par rapport à APB sont au mieux similaires, et au pire dégradés. (…) Parcoursup répond en amenuisant fortement le rôle des jeunes dans leur orientation, sur des critères discrétionnaires et opaques, sans débat à la hauteur des enjeux. » Un triomphe !
Par ailleurs, la note souligne que « "Parcoursup" a modifié les modalités d’inscription dans l’enseignement supérieur, introduisant des ruptures importantes avec les pratiques antérieures » notamment « en Licence, où le seul critère académique d’admission était l’obtention du baccalauréat, premier diplôme universitaire dont la valeur principale était le droit d’accès à l’université. » Bienvenue dans un mode où les politiques sont obnubilés par le concept de gouvernance algorithmique. Un monde où le solutionnisme technologique érigé en doxa complique au lieu de simplifier. Digne des (regrettés) Shadocks.
De fait, « Au sein de chaque unité de formation et de recherche (UFR, anciennement "facultés"), une commission d’examen des voeux est donc désignée parmi les professionnels concernés. Elle a la charge de classer toutes les candidatures, par exemple en paramétrant un algorithme local de classement, selon les informations renseignées sur la plateforme (notes dans les différentes matières, localisation géographique, filières du baccalauréat ou encore lycée d’origine) et selon des pondérations déterminées localement. Après validation finale des vœux par les lycéennes et lycéens, elle a la charge de classer toutes les candidatures reçues, sans ex-aequo, en discriminant le cas échéant selon des critères... tout à fait étrangers à la formation ! Une fois ce tri réalisé, un algorithme national est déclenché, qui va appliquer différents quotas : boursiers, mobilité académique, ou filières du Bac. En 2020, la Cour des comptes recensait 15.000 algorithmes locaux au sein du dispositif Parcoursup », précise le rapport. Same player loose again.
Le privé grand gagnant ?
Autre point qui pose souci, les bénéfices tirés par le secteur privé de la présentation de leurs filières dans Parcoursup, sur le même plan que les filières du secteur public. Ce dernier, ne proposant pas plus de places, pâtit de la montée en puissance du privé. Le collectif dénonce « l’espace croissant pris par les formations privées dans le système d’enseignement supérieur français et l’indifférenciation croissante, dans et par Parcoursup, entre les formations supérieures reconnues par l’État et celles « hors contrat ». En 2022, la carte des formations de la plateforme recense ainsi 13.337 formations dispensées dans des établissements publics et 7.955 formations privées. Sur ces près de 40 % de formations privées, un tiers sont « hors contrat » et sont pourtant présentées par Parcoursup sur un pied d’égalité avec les formations reconnues nationalement. Ce faisant, l’État organise de facto l’indifférenciation entre les formations qu’il reconnaît et les autres, et donc la diminution de la valeur de sa propre compétence de régulation ».

In fine, « quatre ans après sa mise en service, les bénéfices de la nouvelle procédure d’orientation sont difficiles à estimer. La répartition des nouveaux inscrits dans les différentes filières n’a pas fondamentalement changé et il est impossible de savoir si les élèves sont plus, ou moins, satisfaits de leur orientation », constate amèrement le Collectif Nos services publics .