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par Antoine Champagne - kitetoa

OFF Investigation en accès libre sur Reflets : Patrimoine de Macron, où sont passés les millions ?

Depuis 2014, les déclarations de patrimoine et d’intérêt d’Emmanuel Macron suscitent beaucoup de questions

Alors qu'il avait mené des deals monumentaux pour le compte de la Banque Rotschild and co et qu'il avait donc obtenu des rémunérations conséquentes, l'actuel président était moins riche que Benoit Hamon ou Nathalie Arthaud en 2017. Dans l'épisode 8 de leur enquête sur Emmanuel Macron, les journalistes de OFF Investigation enquêtent sur le patrimoine du président.

Episode 8 de l'enquête de OFF Investigation sur le président Emmanuel Macron.

Redressement suite à non paiement de l’impôt sur la fortune, non déclaration d’une créance de 350 000 euros sur son épouse Brigitte, « claquage » de près de 1,5 millions d’euros en trois ans (un Smic par jour), déclaration peu crédible sur les honoraires perçus chez Rothschild and co lors d’un « deal » de 9 milliards d’euros conclu en 2012, depuis 2014, les déclarations de patrimoine et d’intérêt d’Emmanuel Macron suscitent beaucoup de questions. Etait-il réellement plus pauvre que Benoit Hamon et Nathalie Arthaud lors de la présidentielle de 2017 alors qu’il avait fait fortune au sein de la banque Rothschild and co? A-t-il toujours dit la vérité sur son patrimoine ? Enquête…

Depuis qu’il est devenu ministre de l’économie, en aout 2014, les déclarations de patrimoine et d’intérêts d’Emmanuel Macron font polémique. Cette année là, il déclarait un modeste patrimoine de 156 000 euros, moins que Nathalie Arthaud ou Benoit Hamon ! Sans Philippe Poutou et ses 31 000 euros de patrimoine, Macron aurait été le plus pauvre des candidats à la présidentielle de 2017. Autre invraisemblance : bien que propriétaires d’un appartement à Paris acheté 890 000 euros en 2007 et d’une maison au Touquet qui sera évaluée à 1 453 000 euros en 2015, le couple Macron parvint à ne jamais payer l’impôt sur la fortune entre 2008 et 2014.

Mais en se penchant sur le patrimoine du couple, le fisc estima en 2015 que la maison du Touquet, appartenant à Brigitte Macron, avait été sous-évaluée de 253 000 euros. Du coup, les Macron durent payer l’ISF pour trois années de retard (4174 euros de redressement pour 2013 et 2264 euros pour 2014). Une fois élu à l’Elysée, Emmanuel Macron supprima l’impôt sur la fortune et le remplaça par un plus conciliant « Impôt sur le fortune immobilière », au risque de renforcer un sentiment d’injustice déjà très présent dans la « France d’en bas » et de contribuer au déclenchement de la révolte des « Gilets jaunes » en novembre 2018 (4500 blessés, des millions d’euros de dégâts).

Une créance « oubliée » ? Autre souci dans la déclaration de patrimoine 2014 d’Emmanuel Macron : il y inscrit au passif une dette de 350 000 euros qu’il doit au Crédit Mutuel suite à un emprunt contracté en novembre 2011 pour effectuer des travaux dans la maison du Touquet. Problème : ce bien immobilier appartenant en propre à son épouse Brigitte, les sommes consacrées par Emmanuel Macron pour sa rénovation (350 000 euros selon sa déclaration de patrimoine 2014, 500 000 euros selon des informations communiquées au Journal du dimanche par le « camp Macron » en 2017) s’apparentent soit à une libéralité pour son épouse (mais elles n’ont pas été déclarées comme telles), soit à un prêt à son épouse. Mais dans ce cas, Emmanuel Macron n’aurait-il pas du inscrire à l’actif de son patrimoine une créance de 350 000, voire 500 000 euros sur son épouse? Son patrimoine net n’aurait alors plus été de 308 000 euros, mais de 658 000, voire 808 000 euros. Or selon la loi, “Ne pas déclarer, fournir une évaluation mensongère de son patrimoine ou omettre une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts est un délit puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende . Une peine d’inéligibilité de 10 ans peut également être prononcée ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique.”

Saisie de ce problème au printemps 2017 par Maître Jean-Philippe Delsol, un avocat fiscaliste président de l’Institut de recherches économiques et fiscales (IREF), la HATVP a estimé que rien de permettait de mettre en doute les déclarations de patrimoine d’Emmanuel Macron.

Un smic par jour dépensé ? Autre invraisemblance : comment croire que le patrimoine d’Emmanuel Macron se limitait à 156 000 euros en 2014, alors qu’il avait gagné plus de 3 millions d’euros à la banque Rothschild entre 2008 et 2012 ? Si c’était vrai, cela voudrait dire qu’il a dépensé près d’un SMIC par jour entre 2009 et 2012.

Questionné à plusieurs reprises sur ces invraisemblances, Emmanuel Macron a répondu qu’il avait « fait des travaux » et qu’il s’était « désendetté ». Mais dans sa déclaration de patrimoine 2014, il indiquait pourtant que les travaux de la maison du Touquet avaient été financés grâce aux 350 000 euros empruntés au Crédit Mutuel en novembre 2011 ! Quand à l’hypothèse d’un désendettement, difficile de croire qu’elle puisse expliquer la disparition des millions gagnés chez Rothschild and co, puisque ce « désendettement » est intervenu suite à la vente de l’appartement parisien d’Emmanuel Macron, pour 980 000 euros en 2015. En outre, ce « désendettement » n’était que partiel, puisqu’en 2017, il déclarait devoir encore 246 000 au Crédit Mutuel et 53 000 euros d’indemnité de rupture à la fonction publique. Re-saisie de ces questions en 2017, cette fois par l’association Anticor, la HATVP bottait à nouveau en touche.

Pfizer/Nestlé : le « deal » oublié ? Dernière invraisemblance : comment croire que lors de l’acquisition de la branche nutrition infantile de l’Américain Pfizer par le géant suisse Nestlé, un énorme « deal » à 9 milliards d’euros dans lequel Emmanuel Macron avait joué un rôle clé en 2012 au sein de la banque Rothschild and co, il n’ait perçu que quelques centaines de milliers d’euros d’honoraires, comme il l’affirmait dans sa déclaration d’intérêt en 2014 ? Pour plusieurs experts que nous avons rencontrés, il est difficilement imaginable qu’il n’ait pas gagné beaucoup plus. Selon le site américain « Marge and aquisition source », les banques d’affaires perçoivent en moyenne entre 0,5% et 1.5% des « deals » supérieurs à 500 millions d’euros. Appliqué au « deal » Pfizer/Nestlé, ce ratio donnerait une commission pour Rothschild and co de 45 à 135 millions d’euros. Emmanuel Macron ayant amené le client Nestlé chez Rothschild and co (il avait sympathisé avec son patron, Peter Brabeck, à la commission Attali en 2007) et joué un rôle déterminant pour convaincre le board de Nestlé de mettre sur la table 500 millions de plus que Danone pour remporter l’affaire, plusieurs experts que nous avons interrogés estiment hautement improbable qu’il n’ait perçu que quelques centaines de milliers d’euros dans cette affaire. Selon une personnalité historiquement proche de la banque Rothschild and co qui a accepté de témoigner à condition que nous préservions son anonymat, l’écart entre les honoraires déclarés par Emmanuel Macron pour l’année 2012 (environ 720 000 euros de Bénéfices industriels et commerciaux) et le montant réellement perçu dans le « deal » Pfizer/Nestlé pourrait s’expliquer par le fait que chez Rothschild and co, banque Franco-Britannique, les honoraires des associés-gérants (« Fees », en anglais) leurs sont parfois versé dans des trusts à l’étranger.

L’Elysée et Rothschild and co murés dans le silence Interrogés sur tous ces points, le communicant Olivier Labesse (DGM conseil), missionné par la banque Rothschild and co pour nous répondre, nous a déclaré : “Les honoraires versés à l’entreprise pour une opération de conseil, quelle que soit sa nature, sont du ressort du client. Ils n’ont donc pas vocation à être rendus publics ». Quand à la présidence de la République, en sept mois d’enquête pour notre série « Emmanuel, un homme d’affaires à l’Elysée », elle n’a jamais répondu à une seule de nos questions, même quand nous évoquions l’hypothèse qu’Emmanuel Macron ait pu recevoir des « fees » dans un « trust » à l’étranger suite au « deal » Pfizer/Nestlé. Un refus de prendre en considération le journalisme d’investigation fréquent chez les Macronistes, mais problématique en démocratie.

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