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par Antoine Champagne - kitetoa

Nouriel a parlé : we are doomed !

On ne voudrait pas vous déprimer, Nouriel Roubini le fait très bien

Nouriel Roubini, c'est l'oracle. Il avait prévu la crise des Subprime, c'est dire... Bref, même si l'économie est très loin d'être une science exacte, lorsque Nouriel raconte un truc, ça vaut le coup de tendre une oreille pas trop distraite...

Nouriel Roubini - Kjetil Ree - Wikipedia - CC BY-SA 3.0

« Après la crise financière de 2007-2009, les déséquilibres et les risques qui pèsent sur l'économie mondiale ont été exacerbés par des erreurs politiques. Ainsi, plutôt que de s'attaquer aux problèmes structurels révélés par l'effondrement financier et la récession qui s'en est suivie, les gouvernements ont pour la plupart aggravé la situation, créant ainsi des risques majeurs qui ont rendu une autre crise inévitable. Et maintenant qu'elle est arrivée, les risques sont encore plus grands. Malheureusement, même si la Grande Récession conduit à une reprise en forme de U sans éclat cette année, une "Grande Dépression" en forme de L suivra plus tard dans cette décennie, en raison de dix tendances inquiétantes et risquées »... L'homme qui parle ainsi, laissant présager un avenir bien sombre, n'est pas un illuminé. Il s'agit de Nouriel Roubini. L'économie n'est pas une science exacte, loin de là et en dépit de tous les artifices mathématiques dont on l'habille. Nouriel Roubini pourrait tout à fait faire des prédictions façon boule de cristal et se planter lamentablement. Le hic, c'est que Nouriel Roubini doit une bonne partie de sa notoriété au fait d'avoir prédit la crise des Subprime en 2005... Il était bien seul à évoquer l'apocalypse financière à cette époque-là.

Alors, que voit Dr. Doom (son surnom) pour les années à venir, post-coronavirus ? Des choses pas rassurantes.

1) Il anticipe des déficits publics énormes (10% et plus du PIB) a un moment ou le niveau de la dette publique de nombreux pays est déjà élevé, si ce n'est « insoutenable ». « La perte de revenus pour de nombreux ménages et entreprises signifie que le niveau d'endettement du secteur privé deviendra lui aussi insoutenable, ce qui pourrait entraîner des défaillances et des faillites massives ». La reprise sera encore plus anémique que celle qui a suivi la précédente crise de 2008, souligne-t-il.

2) « La crise COVID-19 montre qu'il faut allouer beaucoup plus de dépenses publiques aux systèmes de santé et que les soins de santé universels sont des nécessités, et non des luxes », explique Nouriel Roubini. Mais DR. Doom ne peut s'empêcher de voir là une source d'inquiétude : « comme la plupart des pays développés ont des sociétés vieillissantes, le financement de telles dépenses à l'avenir rendra encore plus importantes les dettes implicites des systèmes de santé et de sécurité sociale non financés d'aujourd'hui ».

3) L'augure nous annonce par ailleurs un risque non négligeable de déflation.

4) Mais aussi, par la suite, un phénomène de stagflation

Bref, deux cauchemars des économistes...

5) Le phénomène de relocalisation des emplois qui devrait intervenir ne devrait pourtant pas nous réjouir car, explique Nouriel Roubini, les entreprises vont accélérer l'automatisation, réduire les salaires. Ce qui, analyse-t-il va attiser le populisme, le nationalisme et la xénophobie.

6) « La pandémie accélère des tendances à la balkanisation et à la fragmentation qui étaient déjà bien engagées. Les États-Unis et la Chine se découpleront plus rapidement, et la plupart des pays réagiront en adoptant des politiques encore plus protectionnistes pour protéger les entreprises et les travailleurs nationaux des perturbations mondiales. Le monde post-pandémique sera marqué par des restrictions plus strictes sur la circulation des biens, des services, des capitaux, de la main-d'œuvre, des technologies, des données et des informations. C'est déjà le cas dans les secteurs des produits pharmaceutiques, des équipements médicaux et des denrées alimentaires, où les gouvernements imposent des restrictions à l'exportation et d'autres mesures protectionnistes en réponse à la crise ».

7) « La réaction brutale contre la démocratie renforcera cette tendance. Les dirigeants populistes tirent souvent profit de la faiblesse économique, du chômage de masse et de l'accroissement des inégalités. Dans des conditions d'insécurité économique accrue, il y aura une forte impulsion à faire des étrangers les boucs émissaires de la crise. Les cols bleus et de larges cohortes de la classe moyenne seront plus sensibles à la rhétorique populiste, en particulier aux propositions visant à restreindre l'immigration et le commerce ».

8) Nouriel Roubini est persuadé que la Chine et les Etats-Unis sont dans une impasse géostratégique. « Alors que l'administration Trump fait tout son possible pour rendre la Chine responsable de la pandémie, le régime du président chinois Xi Jinping va doubler ses efforts en affirmant que les États-Unis conspirent pour empêcher l'essor pacifique de la Chine. Le découplage sino-américain en matière de commerce, de technologie, d'investissement, de données et de dispositions monétaires s'intensifiera ».

9) Alerte, c'est la cyberguerre ! Nouriel Roubini prédit de possibles affrontements, cyber et réels entre les Etats-Unis et ses rivaux... « Pire encore, cette rupture diplomatique ouvrira la voie à une nouvelle guerre froide entre les États-Unis et leurs rivaux - non seulement la Chine, mais aussi la Russie, l'Iran et la Corée du Nord. À l'approche des élections présidentielles américaines, il y a tout lieu de s'attendre à une recrudescence de la cyberguerre clandestine, qui pourrait même conduire à des affrontements militaires conventionnels ».

10) Enfin, Dr. Doom nous la joue Nicolas Hulot et à juste titre, évoque les risques climatiques et écologiques : « un dernier risque qui ne peut être ignoré est la perturbation de l'environnement, qui, comme l'a montré la crise COVID-19, peut causer bien plus de dégâts économiques qu'une crise financière. Les épidémies récurrentes (VIH depuis les années 1980, SRAS en 2003, H1N1 en 2009, MERS en 2011, Ebola en 2014-16) sont, comme le changement climatique, essentiellement des catastrophes causées par l'homme, nées de normes sanitaires et de santé insuffisantes, de l'abus des systèmes naturels et de l'interconnectivité croissante d'un monde globalisé. Les pandémies et les nombreux symptômes morbides du changement climatique deviendront plus fréquents, plus graves et plus coûteux dans les années à venir ».

L'économiste tente bien d'achever son article par une touche positive... Et si, nous trouvions des dirigeants compétents ? Sans doute un peu compliqué, mais au fond, pourquoi pas ?

« Ces dix risques, déjà importants avant le lancement de COVID-19, menacent maintenant d'alimenter une tempête parfaite qui plongera l'ensemble de l'économie mondiale dans une décennie de désespoir. D'ici les années 2030, la technologie et un leadership politique plus compétent pourraient être en mesure de réduire, de résoudre ou de minimiser nombre de ces problèmes, donnant naissance à un ordre international plus inclusif, plus coopératif et plus stable. Mais toute fin heureuse suppose que nous trouvions un moyen de survivre à la prochaine Grande Dépression ».

Vous repenserez, espérons-le à cet article le jour où vous devrez glisser un bulletin dans l'urne et si, par un hasard improbable, se présentait un candidat compétent, qui n'est pas auto-centré et ayant un égo surdimensionné.

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