Néo-luddites de tous les pays...
A l'époque, c'était un certain Jacques Vaucanson qui œuvrait dans leurs dos. Ce "prototype" de l'ingénieur, expert minutieux et dominant, fut nommé "inspecteur des manufactures de soie" trois ans plus tôt. Il était chargé de s'inspirer des méthodes ancestrales des artisans, de les modéliser par de savantes formules, pour pouvoir les retraduire de manière reproductible. Un ingénieur avant l'heure...
«Par justice pour l’humanité, nous pensons de notre Devoir Sacré de vous avertir qu’au cas où vous ne Prendriez Pas des mesures pour Enlever les Machines d’Apprêt Dans un délai de Sept Jours [...] votre fabrique avec tout ce qu’elle Contient sera Mise à feu à coup Sûr. [...] Nous ne Désirons Point vous Causer le Moindre Tort, mais nous avons la ferme Détermination de Détruire Et les Machines d’Apprêt et les Métiers Mécaniques quels qu’en soient les Propriétaires [...]»
C'est avec une certaine délectation que nous reproduisons ici une lettre anonyme déposée chez un fabricant textile de Stockport, dans la région de Manchester. Elle est datée du 19 avril de l'an de grâce... 1812. Il y a 200 ans, au jour près.
Elle fut signée "Général Justice", mais elle émane à n'en pas douter d'un des bataillons du mystérieux Ned Ludd, chef d'une armée de l'ombre composée de tisserands anglais qui se révoltaient contre la dépossession de leurs savoir-faire par l'arrivée massive de machines à filer et à tricoter. Les "luddites" agissaient dans un "triangle" situé au cœur des campagnes anglaises, siège d'une révolution industrielle embryonnaire, entre Manchester au nord-ouest, York à l'est et Nottingham au sud. Parfois, les tracts étaient signées "Forêt de Sherwood", la célèbre forêt de Robin des Bois, dont le mythe servi aux soldats de Ned Ludd pour assoir sa légitimité.
A la même période, une autre missive...