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par Antoine Champagne - kitetoa

Mon pauvre Paulo, la situation se dégrade...

A force d'écrire des choses sur la crise financière qui secouait le monde depuis l'explosion de celle des subprimes, il m'avait semblé utile de vulgariser un peu tous ces concepts macro-économiques abscons. J'avais donc entrepris fin 2010 de raconter comment j'avais expliqué la crise financière à Paulo, un habitué du Bar des Amis ou je bois régulièrement mon café. C'était un résumé de tout ce que j'avais pu raconter précédemment sur Aporismes.com ou sur Kitetoa.com.

A force d'écrire des choses sur la crise financière qui secouait le monde depuis l'explosion de celle des subprimes, il m'avait semblé utile de vulgariser un peu tous ces concepts macro-économiques abscons. J'avais donc entrepris fin 2010 de raconter comment j'avais expliqué la crise financière à Paulo, un habitué du Bar des Amis ou je bois régulièrement mon café. C'était un résumé de tout ce que j'avais pu raconter précédemment sur Aporismes.com ou sur Kitetoa.com. Mais en prenant le temps d'expliquer calmement les répercussions à venir. Par la suite, au fil des innombrables "sommets de la dernire chance" pour sauver la Grèce, l'Irlande, le Portugal, tous pays qui disait-on quelques semaines avant, n'avaient pas besoin d'être sauvés, je racontais que tout cela n'était que marketing et écrans de fumée. L'Europe, mais aussi les Etats-Unis ou la Chine sont au bout d'un cycle. Tout s'écroule doucement, mais très sûrement. Il n'y a qu'une solution pour sauver ce qu'il reste du système capitaliste et personne ne prendra le risque de la mettre en oeuvre : désarmer le secteur financier. Tant que l'on a une bombe, on a tendance à s'en servir. Enlevez-là à son détenteur, il parait tout de suite moins arrogant et ne fait plus de mal à une mouche.

Alors mon vieux Paulo, il faut qu'on reprenne la discussion où on l'avait laissée.

A l’époque, l’on avait évoqué le fait que la zone euro était en train d’imploser en raison d’une crise de la dette des Etats. Elle-même résultant en partie de la crise des subprimes. Je t’expliquais que les CDS reflétaient une véritable aversion au risque de la part des investisseurs face à la dette grecque, alors que Nicolas Sarkozy et ses petits copains européens avaient déjà annoncé avoir sauvé la zone (et non pas semé la zone). Je te disais même : « Avant l’annonce du plan de soutien à la Grèce, les CDS de ce pays étaient à 954 points de base. Ils viennent d’atteindre aujourd’hui 1008.69 points de base. ». C’était fin 2010. A la fin du dernier trimestre 2011, les CDS de la dette grecque étaient à 8453.3 points.

 

 

Comme tu le vois, les marchés ont été grandement « rassurés » par les moulinets de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, par les annonces du FMI et de Bruxelles…

 

 

A l’époque, je te disais que les rodomontades de Nicolas Sarkozy sur l’encadrement des bonus, la régulation du capitalisme, la fin des paradis fiscaux étaient risibles. Tu vois mon Paulo que tout ça s’est confirmé.

 

Et alors, aujourd’hui on en est où ?

 

Il y a quelques jours, l’agence de notation Standard & Poor’s a annoncé un abaissement de la note de la France. De AAA (la meilleure), on passe à AA+. Le niveau en dessous. Avec perspective négative, ce qui veut dire que l’on pourrait reperdre un cran dans quelques mois. Tu l’as lu dans le Parisien, Nicolas Sarkozy avait annoncé que si la France perdait son triple A, il était mort. Que cette note était « un trésor national ». Son conseiller visionnaire Alain Minc disait même en octobre : « Nicolas Sarkozy est accroché au AAA de la France de manière totale, il joue sa peau d'une certaine façon. C'est un choix profond. Il ne peut pas se permettre une dégradation. ». Et pourtant, à mesure que l’inéluctable se profilait, Nicolas Sarkozy et ses relais indiquaient que tout cela n’était pas si grave. Plusieurs axes de communication étaient retenus. D’une part, la dégradation serait due à la perspective d’une victoire socialiste en 2012 (ça ne mange pas de pain) d’autre part, les Etats-Unis ont été dégradés et ils empruntent aujourd’hui à moindre coût que lorsqu’ils bénéficiaient du triple A.

Pour ce qui est du danger rouge, oups, pardon, rose, enfin, socialiste, quoi, le président de l’Assemblée nationale avait frappé fort en expliquant : « 2012 sera une année de vérité, notre pays est à l'heure des choix. Il peut soit poursuivre une politique courageuse de modernisation et de restauration de notre compétitivité, soit exhumer un programme archaïque et utopique. Ne nous y trompons pas: si nous ratons ce rendez-vous de la responsabilité et du courage, les conséquences économiques et sociales pourraient être comparables à celles provoquées par une guerre ». Dites, si une guerre ça n’inquiète pas une agence de notation, qu’est-ce qui pourrait l’inquiéter ? Bernard Accoyer a dû oublier que la gauche a réussi là où on ne l’attendait pas, c’est à dire la macro-économie, et échoué en partie là où on l’attentait :  le social…

 

 

Pour ce qui est d’emprunter moins cher, c’est chose faite. La première émission française post-dégradation a été faite à un taux moins important que la précédente. Ce que ne disent ni la presse qui a relayé cette information ni le gouvernement, c’est qu’il s’agit d’une émission à court terme. Or personne ne pense que la France fera défaut dans les mois à venir.

Ce qui est certain, c’est que cela fait belle lurette que les marchés ont intégré l’idée que le triple A de la France n’en était pas un. En tout cas pas le même que celui de l’Allemagne puisque les deux pays n’empruntent pas au même taux depuis longtemps et que le différentiel entre les deux s’aggrave. Une nouvelle dégradation dans les mois à venir serait du plus bel effet. On imagine les marchés insensibles…

Et puis Paulo, il y a les journalistes béats qui relayaient en boucle la hausse de la bourse de Paris le lundi après la dégradation. C’est t’y pas la preuve que tout ça, ce n’est pas si grave, comme le disent François Fillon, Nicolas Sarkozy, François Baroin et consorts ? Enjoy your rally… Ca risque de ne pas durer toujours.

Parce que si la France et sa dégradation ont accaparé la Une des media, il y a d’autres petits soucis qui devraient inquiéter notre bon président. Celui qui nous disait : « inutile de réinventer le fil à couper le beurre. Toutes ces théories économiques… moi-même, parfois je suis un peu perdu. Ce que je veux c’est que les choses marchent ». Perdu, il l’est.

Que ça marche… C’est moins sur. Avec une dette française augmentée de plus de 600 milliards, nos enfants ne vont pas rigoler.

 

 

Si l'on en croit le Canard Enchaîné de demain (page 2), deux jours avant la dégradation, Nicolas Sarkozy paradait en conseil des ministres sur le fait que tout allait mieux, l'Europe, l'économie française... La dégradation n'était pas à l'ordre du jour... Quelle vision... La "Eagle Vision"...

 

Mais revenons aux signes inquiétants. As-tu vu mon Paulo, que la Grèce est à nouveau au bord du défaut ? Et cette fois, pour de bon ? Non ? Et bien si. As-tu vu que l’Italie est dans une situation proche de celle de la Grèce lorsque la crise grecque a commencé ? Non ? Et pourtant, le nouveau président du Conseil italien, Mario Monti, vient de demander à l’Allemagne de « faire quelque chose » pour son pays. Il n’a pas manqué de préciser que si on laissait les pays en grande difficulté se débrouiller à base de plans d’austérité drastique, il y aurait un retour de bâton. Tu sais, le truc des 99% qui se révoltent contre les 1%...

L’Espagne a été dégradée aussi et ça, c’est un peu ennuyeux aussi. Parce que si l’on connaît un peu l’état de l’économie du pays, on sait que ça va dégénérer rapidement.

Les investisseurs payent pour parquer leur argent en Allemagne, histoire d’être sûrs de récupérer leurs mises si l’euro s’écroulait. Les banques, un peu partout en Europe réfléchissent à des plan de sauvegarde pour faire face à un éventuel effondrement de l’euro…

Alors si l’on résume, on a la Grèce qui est chaque jour un peu plus près du gouffre, l’Italie qui s’en rapproche dangereusement, l’Espagne qui n’est pas en très bonne posture, le Portugal qui va bien mal… On en passe. Le rally, à ton avis, Paulo, il va durer longtemps ?

Allez, bonne année 2012 mon Paulo… C’est une cuvée spéciale, tu vas voir. Nicolas Sarkozy y voit des raisons d’espérer. C’est dire si elle va être chouette.

 

 

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