Mayotte : le gouvernement choisit la méthode forte
Pour Dominique Voynet, l'opération n’est pas acceptable sur le plan éthique et ne peut pas fonctionner
Alors que l'opération Wambushu démarre vraiment avec la destruction du bidonville de Talus 2, interview croisée de Fahad Idaroussi Tsimanda, enseignant et docteur en géographie des risques et vulnérabilités et de Dominique Voynet, ancienne ministre, qui a créé et dirigé l’ARS de Mayotte pour décrypter une crise très complexe.
Comment expliquez-vous la situation très préoccupante à Mayotte?
Fahad Idaroussi Tsimanda : Il faut faire un peu d’histoire pour comprendre comment on en est arrivé à cette cocotte-minute qu’est l’île. Avant la présence française, chaque île de l’archipel des Comores était indépendante. Anjouan a souhaité à plusieurs reprise dominer Mayotte. Le sultan de Mayotte finit par vendre son île à la France pour une bouchée de pain pour garantir sa protection en 1841. Puis la France colonisera les quatre îles des Comores. En 1975, les 3 îles proclament leur indépendance, sauf Mayotte. En 1976, les Mahorais confirment leur souhait de rester Français. Mayotte devient un département d’outre-mer en 2011. Alors que les Comores basculent dans l’instabilité, Mayotte augmente sa qualité de vie. Elle devient donc attractive. Il est urgent de faire quelque chose car la population atteint 600.000 habitants.
Dominique Voynet: Il est démagogique de dire qu’il y a 600.000 personnes sur l’île. Le recensement officiel donne 270.000 habitants, le chiffre réel estimé à partir de la consommation d’eau, de riz, des services de santé est de 350.000 personnes, ce qui est déjà énorme. Le fait est qu’on manque de place à Mayotte, la bande littorale est étroite pour vivre. Les équipements publics ont été conçus pour 150.000 habitants. Cette situation extrêmement difficile a des causes multifactorielles. On constate une société à deux vitesse: d’un côté une population éduquée, avec un niveau de vie élevé,...