Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Fabrice Epelboin

Martine à la plage : le feuilleton de l’été

Après avoir vu une infowar rondement menée étriller le candidat naturel du PS, la remplaçante à peine levée du banc de touche s’aperçoit avec effroi que le torrent de merde – le terme vient d’un outsider du PS, pas de moi – se détourne de son lit pour parfumer d’effluves délicates sa campagne à peine entamée.

Après avoir vu une infowar rondement menée étriller le candidat naturel du PS, la remplaçante à peine levée du banc de touche s’aperçoit avec effroi que le torrent de merde – le terme vient d’un outsider du PS, pas de moi – se détourne de son lit pour parfumer d’effluves délicates sa campagne à peine entamée.

La réaction de la dame de Solférino ne se fait pas attendre, et sort tout droit du XXe siècle : la menace juridique, censée calmer les ardeurs de la presse osant relater une quelconque rumeur concernant Martine, ou pire encore, une information.

Seul problème, d’ailleurs bien identifié par Martine : les pédonazis de l’internet à l’égo surdimensionné, incarnés par ce qui est bien plus difficile à censurer : Facebook et Twitter, pointés du doigt récemment (laissant entrevoir au passage un revirement à 180° de l’approche que le PS à d’internet, ce qui s’est confirmé récemment par l’intervention publique d’un responsable du parti que Dominique Wolton lui même aurait applaudi à tout rompre).

Les spécialistes du torrent de merde numérique (de tout bords) regardent le spectacle et leurs réactions divergent. Il y a ceux – qui participent activement à tout cela – qui se marrent, en attendant de voir comment Martine va faire inculper un botnet de faux comptes Twitter cachés derrière Tor et des VPN, ou mettre en garde à vue les multiples fans-pages Facebook mises en place depuis des lustres, et attendent patiemment le moment propice pour déverser la boue, et les autres, qui sortent les popcorns et se préparent à un spectacle grandiose où les Bisounours, tels des lapins sur une autoroute de l’information, se feront écraser les uns après les autres.

Car si le nouveau PS post-DSK n’aime pas internet, la réciproque est vraie. Non pas qu’internet ait la moindre opinion politique, il est neutre (enfin, pour l’instant), mais ceux qui savent s’en servir, eux, n’aiment pas Martine, et se préparent à une partie de ball trap spectaculaire : un fusil à la main, pour ceux qui roulent pour le camps d’en face, ou armés de popcorns, pour ceux que Martine a pris pour des cons et qui se garderont, selon toute vraisemblance, d’interférer (vas-y Nono, le champ est libre).

La stratégie de Martine – la censure en passant par un juge – est redoutable… Au XXe siècle, ça aurait marché parfaitement. Manque de pot, on est au XXIe depuis une bonne dizaine d’années, ce que les dirigeants politiques actuels semblent, à gauche tout du moins, superbement ignorer. S’il est évident qu’un certain contrôle des média traditionnels est un atout maitre pour orienter l’opinion publique, dans la plupart des démocraties oligarchies, une élection se joue au centre, sur ces quelques pourcents d’indécis. Sur ce segment de la population, internet devrait avoir un impact décisif, et le censurer revient souvent à censurer la pensée : les questions que se posent ces connards d’internautes à l’égo surdimensionné dénoncés par Martine.

Nul besoin d’aller sur Twitter scruter les pokemons de la iForce (l’arbre qui cache la forêt) pour sonder les Français, et inutile d’affirmer que l’on les connaît mieux que quiconque. Il existe des outils de veille redoutablement efficaces qui montrent de façon d’autant plus crue qu’ils sont algorithmiques, les véritables interrogations (au sens propre) de madame Michu. Certes, c’est une conne, mais que voulez vous Martine, tout le monde n’a pas fait l’ENA.

La preuve par le Google-predictivesearch-LOL

Là, difficile Martine d’accuser Twitter, Facebook ou même Google, il ne s’agit que d’un outil prédictif basé sur les requètes – et donc les interrogations – des Français (parce que franchement, Martine, à l’étranger, autant DSK pouvait susciter de l’intérêt, autant là, il est aisé d’affirmer que sorti des frontières de l’hexagone, tout le monde s’en fout, ce que Google Trends confirme par ailleurs).

Allons plus loin dans le LOL pour passer au LULZ : alors que Martine se réveille à peine et voit avec effroi les odieuses rumeurs fleurir ça et là, et que ses amis se font dessus à l’idée que l’épée de Damoclès qu’ils ont au dessus de la tête puisse fondre sur eux à la moindre sortie d’une information délicate (on apelle cela un leak), il est temps de réaliser que le dispositif qui s’abat sur l’ex patronne du PS est en place depuis… mi février…

La preuve par le Google-trend-LULZ

5 mois pour réaliser qu’il y a un problème, et pas la moindre idée d’où il vient ni de la façon dont il est orchestré, ça fait beaucoup, Martine. Car ces ‘sources’ (du torrent de merde, j'imagine) sont à coup sûr un leurre – un de plus – destiné à faire perdre un peu de temps (nécessaire) à une stratégie de campagne qui, dans les années 80, aurait eu toutes les chances d’être efficace. Le temps, Martine, s’est considérablement accéléré, et c’est un vrai problème (d’ailleurs fort justement repéré par le responsable cité au début de ce billet, pastichant Wolton, qui fait parti des rares à comprendre la catastrophe à venir et se retrouve du coup dans une situation bien inconfortable).

DSK vient d’ailleurs de mesurer à quel point sur internet, tout est une question de timing (une leçon apprise par les hacktivistes depuis belle lurette). Une pipe maquillée en viol : un mois, une requalification en viol (prescription de 10 ans) d’une supposée agression sexuelle (prescription de 3 ans) : quelques semaines, de quoi rater le train de la primaire socialiste : priceless, pour le plus grand bonheur de Martine, qui réalise désormais qu’elle aussi, va avoir droit au même traitement.

La suite est facile à prévoir : l’usine à merde qui alimente le torrent du même nom (parce qu'en réalité, Martine, il n'y a pas une ou des sources, c'est plus compliqué que ça internet), va se doubler d’autres dispositifs, comme celui, encore plus vil, de diffuser des informations embarrassantes que Dominique Wolton, en passe de devenir l’idéologue numérique du parti, qualifierait de ‘volés’.

Sortez les popcorn, on va bien rire, et faites vous une raison, quel que soit le vainqueur, le vrai perdant sera l’internet libre. Le discours officiel est lui, facile à anticiper, au hasard, une intervention de Wolton sur France Culture, d’où est extrait cette citation LOLesque, où ce qui sert d’intellectuel confond allègrement information et marketing (5:35).

[+reflets(mp3):wikileaksWoltonpourEric-NET6866be3e-4121-46d2-b5c2-b890+] « Le propre de la démocratie ce n'est pas de révéler, le propre de la démocratie, c’est d’avoir des journalistes qui à partir des informations, des faits, décident eux arbitrairement, intelligemment, de construire des informations […] et les exposent au public qui peut les accepter ou les refuser »

(le lien hypertexte est un ajout cynique de ma part)

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