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par Yovan Menkevick

Manuel de politique française pour les nuls (2)

La droite française 1. Les différents courants de la droite On ne va pas remonter jusqu'à l'après seconde guerre mondiale, c'est un manuel de politique pour les nuls, faut pas pousser non plus. Disons que le Gaullisme s'est arrêté en 1976 avec la création du RPR, ce sera plus simple.

La droite française

1. Les différents courants de la droite

On ne va pas remonter jusqu'à l'après seconde guerre mondiale, c'est un manuel de politique pour les nuls, faut pas pousser non plus. Disons que le Gaullisme s'est arrêté en 1976 avec la création du RPR, ce sera plus simple. Le Gaullisme est une sorte de "philosophie politique" que le général en question a mise en place et qui est surprenante : c'est une politique de droite par la mentalité : conservatrice, autoritaire, mais d'un point de vue économique le gaullisme refuse autant le capitalisme pur que le socialisme révolutionnaire. C'est une sorte de centrisme par rejet des deux camps doctrinaux droite/gauche. Economie planifiée, aménagement du territoire, "capitalisme social" par la redistribution dans les entreprises : le gaullisme est une voie assez unique au sein de la droite française. Mais il y a même des gaullistes de gauche, c'est dire. Pour aller à l'essentiel, quand Jacques Chirac crée le RPR en 1976, il se revendique du gaullisme. Il n'en est rien puisque l'orientation de ce parti (le RPR) sera atlantiste (à l'opposé de De Gaulle) et prônant le libéralisme économique dès les années 80. On parle donc souvent de néo-gaullisme à propos du RPR de Chirac.

En parallèle, un ancien ministre de De Gaulle, Valery Giscard d'Estaing va gagner les législatives en 1978 grâce à un tout nouveau parti,  l'UDF, parti de centre-droit issu du courant radical. L'idée principale de l'UDF est de réunir des centristes et la droite non-gaulliste pour contrer Chirac. Et tenter de gagner contre Mitterand à la présidentielle de 1981. l'UDF est un parti de droite libérale (d'un point de vue économique) bien que "centriste" dans sa composante de départ, avec à sa tête VGE, et devient très vite l'alliée du RPR après la défaite de 81. On trouve donc la dénomination UDF-RPR aux élections cantonales de 82, puis ensuite aux européennes de 84, régionales de 92, législatives de 93…

2.L'action politique de la droite en général

L'Europe, la libéralisation économique (capitalisme libéral), le désengagement de l'Etat, la baisse des impôts, la privatisation des outils de production : tous ces critères réunissent plus ou moins la droite française jusqu'à il y a peu. En 1986, Chirac est nommé premier ministre par Mitterand suite à la victoire RPR des législatives. La politique de la droite à l'époque, inspirée de celle de Thacher puis de Reagan mène aux privatisations des entreprises suivantes sous la mandature de Jacques Chirac entre 1986 et 1988 :

Saint-Gobain, 1986 (8.4 milliards de FF). Paribas, 23 janvier 1987, mise en bourse de 100 % du capital (OPV), (12.8 milliards de FF).TF1, 16 avril 1987, Bouygues devient actionnaire de référence, (4.4 milliards de FF). Crédit commercial de France, 7 mai 1987, mise en bourse de 100 % du capital, (2.2 milliards de FF). Compagnie générale d'électricité (la CGE devient Alcatel-Alsthom puis Alcatel en 1998) 23 mai 1987, mise en bourse de 100 % du capital, 2,5 millions de souscripteurs, 5.4 milliards de FF). Société générale, 27 juin 1987, mise en bourse de 100 % du capital, (17.2 milliards de FF). Havas, 1987, (2.8 milliards de FF). Mutuelle générale française, 1987. Banque du bâtiment et des travaux publics, 1987 (0.4 milliard de FF). Matra, 1988, (1 milliard de FF). Suez (groupe) (14.9 milliards de FF).

Sur l'Europe, la droite française n'a pas été très claire jusqu'au milieu des années 90. Chirac est un pro-européen qui a été rapidement contesté à ce niveau là par les gaullistes d'origine, souverainistes donc, comme Philippe Séguin, Alain Carignon, Michel Barnier, François Fillon (oui, oui, François Fillon…). En 1992 la signature du traité de Masstricht qui scelle dans le marbre l'Union européenne voit une dissension naître : Séguin et Pasqua appellent au "Non", Chirac, Balladur appellent au "Oui". Les centristes d'origine (UDF) comme Balladur sont clairement fédéralistes à l'inverse des gaullistes d'origine. Mais tout ça va vite changer : des RPR comme Sarkozy vont soutenir Balladur en 1995 contre Chirac (trahison), puis revenir ensuite dans le giron du même Chirac (girouette opportuniste) et du RPR. Au final, mis à part les Séguinistes, plus personne n'est souverainiste à droite au XXIème siècle (hormis quelques figures marginales comme Dupont-Aignan ou Pasqua mais qui n'ont pas de poids politique).

La droite française, depuis 30 ans est clairement libérale, suivant l'orientation de Thacher et Reagan, tout en assumant des composantes gaullistes sociales, composantes gaullistes qui ne trouveront pour autant pas de débouchés politiques concrets. Le discours de la droite française, quand elle est au pouvoir, se veut gaulliste, tout en agissant à l'inverse du modèle gaulliste : le recul de l'âge de la retraite proposé par Balladur et Juppé, acté par Sarkozy-Fillon, les privatisations en série, l'action politique d'orientation atlantiste et de plus en plus libérale (privatisation de l'énergie) le démontrent. C'est à partir de 2002, avec la la fusion du RPR et d'une partie de l'UDF dans un nouveau parti, l'UMP qu'une direction de la droite française encore plus marquée est prise.

3. La "nouvelle droite" depuis 2002

Si avec le RPR et l'UDF, nous avons eu pendant 30 ans une droite libérale, mais qui ne s'assumait pas entièrement dans ce rôle et tentait de "faire un peu de gaullisme social" pour contenter les gaullistes d'origine ; avec l'UMP en 2002, les choses changent. Les membres de courants les plus ultra-libéraux, issus des mouvements d'extrême droite des années 60-70 (mouvement occident particulièrement) ont trouvé un écho auprès des nouveaux ténors de l'UMP, et plus particulièrement de Nicolas Sarkozy. Gérard Longuet, Alain Madelin et Patrick Devedjian en sont les fers de lance. La nouvelle droite va donc creuser un sillon politique.

Sachant que le néo-libéralisme de Georges.W Bush n'est plus honteux, que l'Union européenne est libérale, ce sillon devient même une idéologie forte de cette nouvelle droite française : il faut libérer la finance de toutes contraintes, pousser encore plus à la dérégulation des marchés, baisser les protections et les contraintes du droit du travail, abaisser les aides sociales, repousser l'âge de la retraite, inciter à la capitalisation par fonds privés, privatiser le maximum de services et les quelques entreprises d'Etat encore dans son giron, réduire les fonctionnaires et les coûts sociaux des services publics de l'Etat en général. C'est à cet instant que l'UDF disparaît pour être remplacé par deux petits partis : le Nouveau centre et le Modem puisqu'une grosse partie des membres UDF rallient l'UMP déclaré "le grand parti de la droite".

Dans le même temps, avec l'extrême droite française qui a réussi à accéder au deuxième tour de la présidentielle de 2002, l'UMP décide de récupérer cet électorat en reprenant à son compte ses grands chevaux de bataille : immigration et sécurité. C'est donc une droite "dure" et ultra-libérale, proche des discours du FN qui démarre, freinée par un Chirac un peu vieillissant et dépassé par la jeune garde menée par Nicolas Sarkozy. Mais comme l'économie dérégulée est à la mode dans le monde occidental par les profits colossaux que les multinationales engrangent  depuis une bonne décennie dans le cadre de la mondialisation triomphante, rien ne vient freiner cette "nouvelle voie" très assumée à droite. Au point que Nicolas Sarkozy fera la promotion des subprimes américains pour la France quelques mois avant la crise financière du même nom, mais c'est un détail.

Tout va s'accentuer après l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence française en 2007. Les quelques réflexes gaulliens de Chirac et ses soutiens sont désormais écartés au profit de la "real-politique" nommé pragmatisme par celui qui se veut le président de tous les français et s'est fait élire sur le "travailler plus pour gagner plus". Le plus étonnant dans ce changement assez brutal opéré est de voir une partie de l'ex UDF (recomposé en 2002, lors de la création de l'UMP) en deux partis, Nouveau centre et Modem rejoindre le gouvernement dominé par le chef de l'Etat. Le Nouveau centre s'allie à l'UMP alors que Bayrou à la tête de son Modem rentre quasiment dans l'opposition (mais reste à droite). Pour finir, un nouveau courant au sein de l'UMP (déclaré comme collectif) est créé en 2009, la droite populaire : une sorte de sas entre le Front National et l'UMP composé des membres de l'UMP les plus réactionnaires appelant à un durcissement de la politique d'immigration, à l'augmentation de la surveillance des populations "à risques" ou la mise en place de milices citoyennes délatrices (voisins vigilants)…

4. Où en est la droite aujourd'hui ?

Il est très difficile de définir l'orientation politique de la droite française en 2012 tellement ses revirements ont été importants depuis le début de la crise financière de 2008 : l'UMP au pouvoir a procédé à un durcissement de sa politique pro-capitaliste tout en remettant en cause, tout du moins dans les discours du chef de l'Etat, ce même capitalisme censé être devenu "fou" (discours de Toulon en 2009 par exemple).

L'UMP a ensuite déclaré vouloir reprendre en main les déficits publics (alors qu'une grande part de la dette était causée par les cadeaux fiscaux opérés pendant 3 ans causant une augmentation de la dette de 600 milliards d'euros). Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mesure phare du mandat de Sarkozy n'économisait qu'une part infime des dettes causées par le manque de recettes publiques, mais pour autant la politique appliquée semble être toujours celle débutée en 2007 : néo-libérale et désormais nationaliste, proche des fondamentaux de l'extrême droite. Ne restent que les radicaux menés par Jean-Louis Borlo dont nous n'avons pas beaucoup parlé puisque fondus dans l'UMP durant ces cinq dernière années comme le Nouveau centre et qui semblent vouloir prendre un peu de distance avec le durcissement établi.

Quant au Modem, il navigue entre la volonté d'être un parti de la droite catholique sociale, se revendiquant humaniste mais se rapproche au gré des événements ou bien des thèses socialistes ou bien de celles de l'UMP ou du Nouveau centre, cherchant un équilibre au milieu de tous les courants dits "modérés" : le Modem est un parti capitaliste régulateur mais "fédéraliste et européiste" et désormais économiquement nationaliste (produire français), progressiste tout en étant conservateur. Pas évident de suivre la ligne du Modem.

Il reste à côté de tout ça la "Droite populaire", cet objet étrange, sorte de courroie de transmission entre l'extrême droit frontiste et l'UMP, UMP qui semble se rapprocher de ses thèses plutôt que s'en écarter.

C'est donc une droite UMP qui se droitise en fustigeant l'Europe au moment des élections tout en la mettant en avant durant toute la mandature, qui attaque le capitalisme dans les mots mais protège les intérêts du dit capitalisme financier dans les faits, revendique la croissance comme moteur de progrès social tout en appliquant des politiques d'austérités établies comme facteur de décroissance : il y a comme un flottement politique en 2012 à quelques jours du premier tour de la présidentielle pour la droite UMP et ses alliés. Pas certain que le "grand parti fédérateur de la droite républicaine" arrive à supporter toute cette contradiction… Les cartes risquent d'être rebattues à la sortie de la présidentielle. Et bien malin celui qui pourrait aujourd'hui dire comment…

Le troisième volet à suivre sur la gauche française détaillera les orientations des différents partis la constituant ainsi que de leur évolution au cours des 30 dernières années.http://reflets.info/manuel-de-politique-francaise-pour-les-nuls-1/

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