Manifestation des gilets jaunes à Paris le 27 avril - Acte XXIV
Paroles de flic
Deux cortèges se faisaient concurrence ce samedi. L'un annonçait la fusion des syndicats et des gilets jaunes et a terminé sa course place d'Italie, l'autre faisait le tour des médias. Entre deux averses, on a papoté avec un policier.

A force de suivre les cortèges de gilets jaunes, on finit par connaître pas mal de monde. On se salue entre journalistes, entre manifestants et journalistes, entre policiers et journalistes. C'est notamment le cas avec un groupe de policiers croisé il y a quelques mois en sortant d'une nasse à l'Étoile. Ils blaguaient en mangeant leur compote de pomme comprise dans leur ration et avaient l'air particulièrement détendus, en comparaison avec leurs collègues qui avaient la gâchette de LBD facile, quelques rues plus loin. Ils entamaient volontiers la conversation avec des manifestants et continuaient de rigoler. C'était une scène assez incongrue dans la mesure où tous leurs collègues étaient passablement énervés et n'avaient aucune envie de discuter avec des gilets jaunes, à part pour leur asséner des coups de matraque ou leur envoyer quelques kilos de gaz lacrymogènes. On a re-croisé ce groupe rigolard et détendu plusieurs fois au fil des actes. Aujourd'hui, entre deux averses, on a pu discuter. Paroles de flic...
"C'est dingue, commence-t-il, ce matin, pas de RER, problème de SNCF... Du coup j'ai dû venir en voiture. La préfecture ne nous rembourse pas nos trajets. Moi je pense qu'ils le font exprès pour empêcher les gens de venir sur les manifestations. C'est dégueulasse. Je me demande si le TGV de Marseille est arrivé".
La conversation se poursuit sur un ton décontracté : "Il a fait n'importe quoi Macron. C'est comme s'il voulait que les problèmes de fond soient effacés par l'affrontement entre les forces de l'ordre et les gilets jaunes. Très vite on parlait plus que de ça tous les samedis. Tant de blessés d'un côté, tant de blessés de l'autre. Comme un écran de fumée. Il fallait une réponse politique à un problème politique, la répression ça ne fait qu'envenimer les choses".
A quoi nous faisons remarquer que la négation des violences policières par l'exécutif en dépit des images que tout le monde peut voir, contribue à tendre la situation. Notre policier opine mollement. Terrain miné... "Et puis Benalla, ça n'a pas aidé. Il n'a pas trouvé sa panoplie dans un magasin. C'est la hiérarchie qui lui a filé son brassard, son talkie. C'est une honte. Une fois, comme ça, sur l'autoroute, il y avait une Mercedes qui me faisait des appels de phare, avec un deux-tons, je me suis bien douté que ce n'était pas quelqu'un de chez nous. C'est n'importe quoi.
Une averse de grêle nous oblige à trouver un abri. "Aujourd'hui, c'est la pluie qui a raison des manifestants, ils partent tous se mettre à couvert". Sans doute la goutte d'eau qui fait déborder le vase... "De toutes façons, les gens sont de plus en plus tendus en France. Même avec un sourire, on n'arrive plus à décrisper une situation, ça part tout de suite en cacahouète. Moi je voyage beaucoup parce que des gens de ma famille vivent à l'étranger, je trouve qu'ailleurs, les gens sont beaucoup plus détendus".
Un membre du syndicat policiers en colère passe faire le tour des popotes, histoire de voir si "tout va bien".
"Il parait qu'ils ont prévu de tenir jusqu'au 14 juillet", dit-il.
Peut-être même plus...?

















