Manifestation des gilets jaunes, 21 septembre 2019 à Paris
Reportage photo et vidéo
Le préfet a mis les petits plats dans les grands pour cette "rentrée" de plusieurs mouvements (gilets jaunes, marche pour le climat). Tout a été fait pour éviter la mise en place d'une vraie manifestation. A quel prix ?

Tout avait commencé la veille au soir. Le groupe de gilets jaunes qui déclare les manifestations en préfecture depuis un bon moment a annoncé vendredi soir que toutes ses propositions de parcours avaient été refusés par la préfecture. Un signal. Le préfet à poigne, Didier Lallement, donnait ainsi le ton. Pas de manifs encadrées. Il ne laissait qu'un choix aux manifestants : renouer avec les manifs sauvages. C'est pratique parce que cela, aux yeux de l'exécutif et des chaînes d'info en continu, cela justifie les dispersions systématiques et pourquoi pas violentes, de tous les attroupements. Cela évite aussi de montrer dans la capitale, toujours visitée en cette fin septembre ensoleillée par bon nombre de touristes, un long cortège jaune, s'étalant sur des kilomètres. Pire, que ce cortège de gilets jaunes rejoigne celui de la marche pour le climat, ce que nombre d'organisations souhaitaient.

Eh bien la stratégie a fonctionné. Dès 7h30, la police était place de la Madeleine ou le premier rendez-vous avait été donné. Fouilles systématiques, filtrage, interdiction de rester sur la place... Quelques gilets jaunes s'étaient attablés au café. Contrôle d'identité... Peu après 9h, un premier attroupement se forme mais est rapidement dispersé.
Le cortège de quelques dizaines de personnes s'éparpille puis se reforme. Finalement, les forces de l'ordre poursuivent les manifestants. Quelques lacrymogènes sont utilisés devant la gare Saint-Lazare. A cet instant, la stratégie des forces de l'ordre pour la journée est exposée : nasse systématique de tout attroupement, puis le mot d'ordre "on percute" qui sous-entend : on disperse avec beaucoup de testostérone parce qu'on le vaut bien.
Ce jeu du chat et de la souris, les gilets jaunes vont le jouer toute la matinée sur les Champs-Elysée, quitte à épuiser les forces de l'ordre. Elle ont des consignes et ne laissent rien passer. Le moindre attroupement, le moindre chant entonné, déclenche immédiatement une nasse, puis une dispersion vers les rues perpendiculaires aux Champs. Parfois à coup de boucliers, souvent a coups de lacrymos.
Il faut reconnaître aux gilets jaunes une certaine détermination. Les centaines de blessés, les centaines de personnes poursuivies sur le plan judiciaire, la stratégie de la peur utilisée depuis des mois, l'annonce d'une journée tendue où toute tentative de manifester sur les Champs-Elysées serait réprimée, rien n'y a fait. Ils étaient là, encore et toujours pour demander le départ d'Emmanuel Macron.
Du côté du parc du Luxembourg, la manif pour sauver le climat a également révélé la volonté, dans la salle de commandement, de pourrir la situation. Prétextant la présence de black bloc dans la manifestation (ce n'est pas la première fois pourtant depuis novembre 2018), les forces de l'ordre ont arrosé la manifestation de gaz lacrymogènes. Résultat, la manif est repartie dans l'autre sens, retour à la case départ. Car à Luxembourg, une nasse est organisée pour bloquer les manifestants. Ceux-ci se retrouvent donc bloqués tandis que derrière eux, les lacrymos pleuvent. L'air devient vite irrespirable et a plusieurs reprises, le cordon policier rompt. Le pire aurait pu arriver avec un mouvement de foule. Il y avait des enfants et des vieillards. Peu à peu, les manifestants sont invités à s'exfiltrer par les côtés. Ils ne se font pas prier tant la situation (chaleur, gaz) est compliquée. Même les organisateurs appellent à arrêter la manif, qui n'a même pas commencé. Il est environ 16h quand nous mettons un terme à notre reportage.
Sur le papier, cette stratégie est gagnante pour le préfet Didier Lallement, pour Christophe Castaner, pour Edouard Philippe et Emmanuel Macron. Pas de grosse manifestation, pas de jaune partout sur les images (peu portaient leur gilet). Mais sur le fond, l'exécutif s'est mis à dos les manifestants plutôt calmes de la marche pour le climat, les gilets jaunes qui sont toujours aussi énervés et en ont toujours autant assez de respirer des gaz lacrymogènes et de ne pas pouvoir manifester. La cocotte continue de chauffer, le couvercle est toujours aussi bien vissé.


















En vidéo... (Ne ratez pas la fin)...