Manifestation contre le projet de retraites du 17 décembre à Paris
Reportage
La troisième grande manifestation à l'appel des syndicats s'est déroulée dans le calme et a réuni énormément de monde à Paris. Le cortège s'est étendu de la République à la Bastille sans discontinuer. La présence policière était massive.
La détermination des manifestants n'a pas baissé d'intensité mais c'est dans une ambiance plutôt joyeuse que s'est déroulée la manifestation du 17 décembre à Paris. Dans le cortège UNSA, on croise des civils travaillant au ministère des Armées. "Si le gouvernement lâche l'âge pivot, on arrêtera sans doute la grève", dit l'un. "Mais nous, contrairement à la CFDT, on n'est pas pour la retraite à point, on ne souhaitait pas cette réforme. Pour nous une adaptation du système existants nous semble suffisant." Une manifestante ajoute : "Si la valeur du point est calculée annuellement, on risque de perdre." Un de ses camarades conclut : "A l'UNSA, chaque fédération est autonome et décide de sa position, donc on ne sait pas comment ça va évoluer."
La CFDT s'est mise en fin fin de cortège. Comme si elle manifestait un peu à regret. Quand on s'annonce comme journaliste, la gêne est palpable. "On ne parle pas aux journalistes, il faut qu'on trouve un responsable..." Mais vous vous pensez quoi de la position de votre syndicat ? "Il faut que je trouve un responsable..."
Un porte banderole dit : "On est sur la ligne Berger. Après je ne veux pas en dire plus... Personnellement je ne veux pas répondre à la question."
Un peu plus loin, plusieurs militants acceptent de parler. Ils travaillent dans le privé, dans la vente de produits multimédia. "Je vous le dis tout net, il faut retirer toute la réforme. Toutes les réformes de ce gouvernement sont une catastrophe. Que le gouvernement s'en aille et laisse les groupes privés gouverner directement, on ne verra pas la différence !" Il conclut en riant : "Evidemment ce n'est pas le discours de mon syndicat."
"On est dans la méfiance dit une militante CFDT qui travaille au groupe d'assurance GAN. On veut une réforme sociale. On refuse l'âge pivot, le malus à vie, on veut que la pénibilité soit vraiment prise en compte. On a été échaudés avec la reforme chômage, alors on est dans la méfiance. Le gouvernement ne devrait pas faire n'importe quoi, vue la colère populaire."
"A la CFDT, on n'est pas tous d'accord. Moi je suis contre la retraite à point, la valeur du point va baisser". "Non", rétorque un collègue à peine plus optimiste. "Il sera gelé."
A la question, l'âge pivot est-il un coup du gouvernement, ils hésitent : "On espère que le gouvernement ne se sert pas de nous pour faire passer sa réforme. Si c'est un coup du gouvernement, c'est un mauvais calcul."
Dans l'immense cortège qui s'étend pendant un temps de la place de la République à la place de la Bastille, on trouve beaucoup de personnel de santé. Un groupe vient du Groupe hospitalier Est francilien.
"On voudrait la possibilité d'une retraite progressive. On ne peut pas être aide soignante à plein temps à 60 ans. Et puis nos conditions de travail se dégradent. La dimension relationnelle du soin a disparu. On parle désormais de patientelle, l'hôpital se privatise." dit l'une.
Josiane va bientôt prendre sa retraite. Elle a fait les calculs, elle aura 1400 € après 33 ans de service, dont une partie à temps partiel. "Ca va être dur..."
"Je crois que s'il y a une gestion paritaire du nouveau système, il n'y aura pas de baisse du point, dit un homme, chasuble CFDT sur le dos. Après, on voudrait plus de justice. Mais au fond, je suis pessimiste. C'est la première fois depuis longtemps qu'on est dans une situation comme ça. Ca me fait penser à 1995. La CFDT est dans l'ouverture, mais à t-on raison ?", conclut-il dubitatif.
Un peu plus tard, devant le cortège de tête, on croise une haie de forces de l'ordre. Sur la trentaine de policiers, seul un arbore son RIO. "Pourquoi portez-vous votre RIO alors que vos collègues ne le portent pas ?". Un peu gêné, il répond : "il faudrait leur demander à eux. Moi je fais ce que l'on me dit de faire". "Oui, mais si vous le portez, c'est un choix personnel ?". Un sourire et un long silence seront la seule réponse. A Bastille, un autre policier masqué et sans RIO évoque sa situation lorsqu'une passante évoque l'accord passé par les syndicats policiers avec le ministre Christophe Castaner : "Les syndicats majoritaires ne représentent pas tout le monde. C'est comme les politiques, ils vous représentent ? Moi je n'ai pas reçu la lettre dont vous parlez. Cette réforme, je suis contre. Nous on est entre le marteau et l'enclume. Mais si on arrête, qui vous protègera ?". Why so serious ?
