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par Antoine Champagne - kitetoa

Lubrizol : une chance d'incendie ou d'explosion une fois tous les 10.000 ans au maximum

Pas de bol... Deux incidents en quelques années

Ayez confiance, en dépit des apparences, l'explosion, puis l'incendie, qui ont secoué l'usine Lubrizol à Rouen sont sans danger pour la population, selon les autorités.

Incendie de l'usine Lubrizol à Rouen le 26 septembre 2019 - D.R.

La journée de jeudi aura été marquée par l'incapacité de la presse à faire abstraction de la mort de Jacques Chirac, au moins en partie, pour couvrir l'explosion d'une usine classée "Seveso seuil haut" et l'incendie qui a suivi. La population sonnait pourtant l'alarme sur les réseaux sociaux, montrant des retombées noirâtres, alertant sur des difficultés respiratoires... Les autorités, martèlent encore aujourd'hui que tout cela est sans danger. Il faudra les croire sur parole.

Mais avec circonspection quand même...

D'une part parce qu'il y a le pathétique précédent du "nuage de Tchernobyl". D'autre part, selon la fiche d'information du public Seveso concernant l'entreprise Lubrizol, le risque d'explosion ou d'incendie "sur les installations ont une probabilité d'apparition relativement faible (évaluée au maximum à une fois tous les 10.000 ans)".

Fiche d'information du public Seveso (ministère de la transition écologique et solidaire) - Copie d'écran
Fiche d'information du public Seveso (ministère de la transition écologique et solidaire) - Copie d'écran

Pas de bol quand même. Il a fallu que ça tombe en 2019.

Sur le site des "services de l'Etat en Seine-Maritime", vers lequel pointe le ministère de la transition écologique et solidaire, on cherche désespérément le "module seveso". Avec un peu de chance il sera retrouvé dans les jours à venir, ou le lien du ministère sera modifié, qui sait ?

Site de la préfecture de Seine-Maritime ce matin - Copie d'écran
Site de la préfecture de Seine-Maritime ce matin - Copie d'écran

En cherchant bien, on trouve tout de même quelques informations sur l'accident.

Sur le site du ministère, quelques lignes pour expliquer qu'Elisabeth Borne est, bien entendu, sur le pied de guerre. Mais pas de détails sur l'accident.

Difficile de trouver des informations officielles sur l'étendue de la zone touchée dans l'usine. Le chiffre de 10% circule mais nous n'avons pas pu le confirmer.

De fait, le numéro de téléphone de l'usine Lubrizol à Rouen est redirigé sur une boite vocale. Au cas ou des journalistes ou la population auraient aimé avoir des réponses à des questions...

C'est dommage parce que nous aurions souhaité leur poser des questions sur une des lignes de la fiche concernant leur établissement découverte par un internaute sur le site de l'Inspection des installations classées.

On peut y lire dans la rubrique "Activité" les lignes suivantes : "RADIOACTIVES (UTILISATION, DEPOT, STOCKAGE) SOURCES SCELLEES CONFORMES : 6882 Mbq".

Impossible de déterminer s'il s'agit de matières radioactives, si elles sont réellement présentes sur le site, si elles ont été touchées par l'incendie. Mais le mot radioactif à lui seul, invite à un éclaircissement de la part de l'entreprise et des autorités. Contacté, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a promis de nous rappeler. Nous actualiserons cet article si une réponse intervenait. Edit du 27 septembre 2019 - 15h25 : L'IRSN nous renvoie sur les pompiers de la région qui ont couvert l'incendie. Nous leurs demandions à quoi correspondait l'activité citée dans la fiche Seveso et si du matériel radioactif avait été impacté par l'incendie. Impossible d'obtenir une réponse. "Contactez les pompiers"... Edit du 27 septembre 2019 - 15h48 : Les pompiers de Seine-Maritime nous renvoient sur la préfecture qui nous renvoie aux déclarations du préfet à BFMTV et face à la précision de notre dernière question, raccroche : "j'ai des téléphones qui sonnent de partout, au revoir, je dois vous laisser". Pierre-André Durand, le préfet, est catégorique : "je confirme qu'il n'y avait pas de produits radioactifs. C'est à dire que pour tout son process de fabrication, cet établissement n'avait pas de produits radioactifs. Il avait en revanche des appareils de mesure qui comportent un élément radioactif scellé et qui n'ont pas présenté de difficulté". C'était donc ça. Ouf... Edit du 29 septembre 2019 - 21h36 : Nous avons profité du week-end pour interroger un spécialiste. Selon lui, ces matières peuvent en effet correspondre à ce que l'on peut trouver dans des appareils de mesures. Si ces appareils, scellés, n'ont pas été détruits par l'incendie, il n'y a aucune raison pour qu'il y ait une fuite. Si cela avait été le cas, cela aurait été problématique, précise-t-il. Jean-Yves Lagalle, le directeur du Service départemental d'incendie et de secours de Seine-Maritime, a indiqué qu'il avait fait intervenir un camion spécialisé et qu'il n'y avait pas de radioactivité sur le site.

Nous avons tenté de joindre le service de l'inspection des installations classées au ministère de la transition écologique et solidaire. Nous pensions naïvement que le lendemain d'un tel incident il y aurait quelqu'un au bout du fil... Nous avons abandonné après 5 minutes d'écoute du disque nous demandant de patienter pendant que l'on recherchait notre correspondant.

Encore une fois, il ne faut pas s'inquiéter. Les autorités sont rassurantes et en y regardant de plus près, le risque est tout à fait minime. Nous avons consulté le plan de prévention des risques technologiques autour de l'entreprise Lubrizol établi par le préfet de la Seine-Maritime en mars 2014 et il est formel. Les aléas toxiques sont confinés dans une zone très rapprochée autour de l'usine, tout comme les "risques de surpression", c'est à dire liés au souffle d'une explosion. Il y a comme une frontière infranchissable.

Aléas toxiques - Copie d'écran
Aléas toxiques - Copie d'écran

Aléas de surpression - Copie d'écran
Aléas de surpression - Copie d'écran

Rassurés ?

Lubrizol est toutefois assez coutumier des incidents industriels. L'usine avait déjà été le cadre d'un incident olfactif majeur. Le 21 janvier 2013, une fuite de gaz mercaptan était intervenue : une odeur nauséabonde s'était répandue jusqu'à Paris, et même jusqu'aux rives de la Grande-Bretagne. Ni une ni deux, la justice se penchait sur cet événement et Lubrizol était condamnée à la folle somme de 4000 euros d'amende. Dur, pour une entreprise dont le chiffre d'affaires dépassait le milliard d'euros en 2017...

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