Liban : l'effondrement d'un État ?
Crises économique, politique, sociale, sanitaire… Le pays pourra-t-il un jour s’en sortir ?
Entre la pandémie, l'explosion du port de Beyrouth, la crise économique ou encore politique, le Liban sombre chaque jour un peu plus. Et tout peut encore empirer. Pour Jihane Sfeir, historienne, professeure à l’Université Libre de Bruxelles et spécialiste de l’histoire du monde arabe contemporain, aucune alternative ou amélioration ne semble se profiler. Interview.
Reflets : Le Liban est sorti début février d’un confinement très strict, qui avait entrainé d’importantes manifestations dites de la faim. Mais ce n’est que l’une des nombreuses crises auxquelles fait face le pays : faillite, pauvreté, crise sociale… Quel est votre sentiment vis-vis de la situation libanaise ?
Jihane Sfeir : Je suis très pessimiste pour l’avenir du Liban. La révolution du 17 octobre 2019 a amené quelques espoirs quant à un changement probable et même des démissions. Mais, finalement les seigneurs de la guerre [civile] sont toujours là et se partagent le pouvoir. Ils ont établi leur économie de guerre, le partage du territoire et gèrent le Liban comme si c’était leur boutique. Tant que cette classe politique formée par les chefs de guerre civile sera là, rien ne changera. Michel Aoun, le président libanais, en fait partie, mais c’est le Hezbollah, avec qui il est allié, qui gère réellement le pays. Il n’y a qu’à voir l’assassinat de Lokman Slim [intellectuel libanais, défenseur de la démocratie, opposant virulent et notoire du Hezbollah, retrouvé mort par balles le 4 février 2021]. L’enquête, comme souvent, ne mènera à rien. Et je ne vois pas comment on pourrait sortir de cette impasse politique, liée à une crise économique sans précédent. Même pendant la guerre civile, les Libanais n’ont pas connu ça. Le pays est dans un état de déliquescence complet ! L’état est en faillite, la corruption généralisée, et les services publics essentiels, tels que l’...