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Dossier
par Ricardo Parreira

Les néonazis attaquent à Paris

Une agression qui aurait pu faire plus de victimes

Ce dimanche 16 février, alors que la section parisienne de Young Struggle – organisation de jeunes socialistes et internationalistes implantée à travers l'Europe – organisait la projection d'un film antifasciste à Paris, dans les locaux de l'ACTIT, elle a subi une attaque ultra-violente menée par une vingtaine de néonazis. Ces derniers étaient armés de bâtons et de couteaux. Un blessé finit à l'hôpital.

Un déferlement de violence à Paris - © Reflets
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L'ACTIT est une association culturelle des travailleurs immigrés de Turquie, créée en 1999, qui accueillait une soirée cinématographique avec le collectif Young Struggle Paris. Le film choisi était Z, du réalisateur Costa-Gavras. Pour Reflets, Ali* explique : « Young Struggle est une organisation de jeunes socialistes et internationalistes implantée à travers l'Europe. En France, il y a trois sections : une à Paris, une à Nancy et une à Rennes ». Pour ce collectif révolutionnaire, Young Struggle a « pour objectif d'organiser et de politiser la jeunesse sous le prisme du socialisme, dans les lieux de travail, d’études et les quartiers ».

Affiche de l'evenement - Instagram - Young Struggle
Affiche de l'evenement - Instagram - Young Struggle

Sur leur page Instagram on peut lire également : « Young Struggle vise l'émancipation de toutes et tous. La libération de notre classe ne pourra pas se faire sans une révolution des femmes, sans la fin des LGBTIphobies et du racisme. »

Une attaque très violente

Aujourd’hui, lundi 17, le canal Telegram Memoria, dont le contenu est raciste, violent et néonazi, publie la vidéo du tabassage d’un militant de Young Struggle Paris, accompagnée du titre : « Six nationalistes en garde à vue après avoir rendu visite aux antifas du groupe Young Struggle. » Pour tenter de justifier leur attaque, ils diffusent une fake news, prétendant qu’il existerait un lien entre l'ACTIT, Young Struggle et le Parti communiste marxiste-léniniste (MLKP) turc.

Ali raconte à Reflets le déroulement des faits : « Aux alentours de 17h40, alors que la projection du film arrivait à sa fin, des participants ont entendu du bruit à l'extérieur du bâtiment. Deux de nos camarades sont descendus pour vérifier ce qu'il se passait. À peine avaient-ils ouvert la porte qu’ils se sont retrouvés face à une vingtaine de fascistes cagoulés et armés, qui ont fait irruption dans l’enceinte. »

La vidéo du tabassage, partagée par des néonazis sur Telegram, a été filmée par une voisine. Les images, d’une violence inouïe, montrent clairement que l’objectif de ces militants était de blesser.

Face au déferlement de violence, la deuxième personne, précise Ali, « parvient à fermer la deuxième porte donnant accès à l’intérieur du bâtiment où se déroule l’événement. Le pire a pu être évité, mais notre camarade, qui s’est fait attraper et a subi les violences, a été pris en charge par les pompiers après leur fuite, puis transporté à l’hôpital. Il en est sorti le lendemain avec trois jours d’ITT, qui seront prolongés. Il a reçu trois coups de couteau : un dans la main et deux dans le dos. »

Les néonazis revendiquent leur opération

La porte fermée, les néonazis prennent la fuite, mais non sans laisser leur marque : un autocollant « KOB veille », une croix celtique, et à l’extérieur, plusieurs d’entre eux crient : « Paris est nazi », « Lyon est nazi » et « La rue, la France, nous appartient ».

La croix celtique est l’un des symboles les plus utilisés par les néonazis et l’extrême-droite. Bien qu’ayant des origines païennes, comme la svastika, elle a été adoptée à des fins politico-idéologiques par les nazis et le parti collaborationniste norvégien Nasjonal Samling. En France, une version stylisée de ce symbole est reprise dès 1936 par le Parti populaire français et sous le régime de Vichy, notamment dans les mouvements de jeunesse.

Autocollants laissés par des néonazis pendant leur attaque. - Young Struggle
Autocollants laissés par des néonazis pendant leur attaque. - Young Struggle

Après la Seconde Guerre mondiale, Jeune Nation l’utilise dès 1949, suivi par Occident en 1964, puis par divers mouvements nationalistes comme Ordre Nouveau, GUD, L’Œuvre française ou Troisième Voie. La croix celtique devient ainsi un emblème central du nationalisme français. Elle est également adoptée par des groupes néonazis internationaux, tels que Blood and Honor, ainsi que par des hooligans, qui y voient un symbole de la « race aryenne », du nationalisme blanc et de l’antisémitisme.

Au-delà de son histoire, ce symbole est utilisé comme un dog whistle, sous forme de tags ou d’autocollants, afin d’intimider les locaux des partis de gauche ainsi que les associations de défense des minorités discriminées.

KOB veille

Le Kop de Boulogne est un club de supporters du Paris Saint-Germain. Ils sont plutôt appelés le « Kop of Boulogne » et leur structure est née le 2 août 1978 à la suite d’une modification des tarifs au stade du Parc des Princes. « KOB veille » fait référence aux slogan utilisé par de l'Organisation de l'armée secrète, qui est une organisation terroriste clandestine créée le 11 février 1961 pour la défense du colonialisme français en Algérie.

Affiches OAS - 1960
Affiches OAS - 1960

En observant les alliances historiques entre militants d'extrême droite parisiens, parmi les néonazis ayant attaqué l'événement de la Young Struggle Paris qui se revendiquent du KOB, il n'est pas impossible que l'on retrouve des hooligans de la Jeunesse de Boulogne (néonazis affiliés aux Zouaves de Paris dissous), des militants du GUD qui a été dissous en 2024, ainsi que d'autres groupuscules parisiens, tels que Luminis et les jeunes de la Division Martel dissoute, qui s'entraînent aujourd'hui au sein des Active clubs.

Image issue du canal Telegram AC.
Image issue du canal Telegram AC.

Alors que leurs groupes respectifs sont de fait dissous, ces opération coups de poing font partie d’une stratégie des groupuscules d’extrême droite radicale pour recruter et former de nouveaux groupes. Cela montre que les dissolutions par le gouvernement ne servent à rien, si ce n’est à ralentir temporairement les activités de ces groupes, qui finissent toujours par se réorganiser autrement.


*Le prénom a été modifié.

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