Journal d'investigation en ligne
par Antoine Champagne - kitetoa

Les marchés peuvent-ils nous sauver de Donald Trump ?

La réponse est malheureusement mitigée…

Qui est plus puissant que n’importe quel pays, y compris les États-Unis ? Les marchés financiers. Le monde de la finance peut faire plier n’importe qui en attaquant une monnaie, une économie. Ses ressources sont bien plus importantes. Est-il une porte se sortie de la folie que déploie le président Américain ? Oui et non.

Wall Street n'approuve pas la politique économique de Donald Trump
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La dernière enquête de la Banque des règlements internationaux sur les marchés des monnaies date de 2022. Il y a trois ans, chaque jour, s’échangeaient sur des places quelque 7.500 milliards de dollars.

Cela veut dire que sur une année (251 jours ouvrés), mille huit cent quatre-vingt-deux billions cinq cents milliards (oui, on sait, ça ne veut plus rien dire) de dollars s’échangent. En comparaison, le PIB des États-Unis atteint à peu près 24.000 milliards de dollars sur un an. Le PIB français représente quant à lui 3.000 milliards par an. Les réserves des États-Unis (en or et en dollars), ce sont 773,420 milliards de dollars en 2023.

Quelques chiffres difficile à appréhender en raison de leur taille permettent de voir où se situe le réel pouvoir. Nous avons souvent écrit qu’il fallait désarmer les marchés financiers avant qu’ils ne précipitent l’humanité dans une crise gravissime. Mais peut-on s’accommoder de cette puissance en espérant qu’elle sera le seul antidote à la folie d’un homme qui précipite la chute de son pays, les États-Unis et celle du reste du monde dans sa suite ? En d’autres termes, puisque la logique et la rationalité n’atteignent pas les couches inférieures du cerveau de Donald Trump, faut-il compter sur les marchés financiers pour le faire plier ?

La décision de mettre en pause son projet irrationnel d’augmentation des tarifs douaniers mercredi 9 avril a déclenché une hausse sur les places boursières. Jusqu’à quand ?

L’ambiance sur les marchés actions était jusque-là détestable, le Dow Jones, indice de Wall Street a effacé ses gains sur un an, le Nasdaq, le marché des valeurs technologiques s’effondrait chaque jour un peu plus. Au total, depuis la prise de fonction de Donald Trump, 11.000 milliards de dollars se sont évaporés sur les marchés actions. Les marchés européens sont en chute libre, mais un peu moins que les marchés asiatiques. Plus anecdotique, les 500 personnes les plus riches des États-Unis ont quant à elles vu leur fortune fondre de 208 milliards après l’annonce de hausse de tarifs douaniers par Donald Trump.

L'obligataire inquiète plus Donald Trump que les marchés actions

La déprime des marchés actions a bien entendu déteint sur les marchés obligataires. Les rendements longs des obligations souveraines se sont envolés. Cela traduit une forte inquiétude des investisseurs sur la dette américaine. Le dollars baisse. Bref, les investisseurs ne considèrent plus (actuellement) la dette ou la monnaie américaine comme des valeurs refuge. Même en temps de crise. Ils cherchent des liquidités partout où ils le peuvent. Signe de tempête qui vient. Cela a-t-il finalement fait plier Donald Trump ?

Le président américain a eu beau répéter qu’il provoquait une chute des marchés volontairement, il ne convainc que lui-même. Les électeurs, y compris les siens, sont en train de réaliser que ses décisions stupides sur la base de conseillers farfelus trouvés sur Amazon sont en train de réduire en poussière leurs plans de retraites. Plus de la moitié des Américains détiennent des actions, souvent via le biais de fonds leur permettant de préparer leur retraite (par capitalisation).

Comment Jared Kushner a trouvé Peter Navarro, l'homme par qui les tarifs douaniers sont arrivés - Vanity Fair
Comment Jared Kushner a trouvé Peter Navarro, l'homme par qui les tarifs douaniers sont arrivés - Vanity Fair

Face à la folie et la bêtise, on pourrait espérer une réaction rationnelle du monde de la finance : une pression très forte vendeuse, des marchés en chute libre, jusqu’à ce que Donald Trump soit contraint de revoir sa copie. C’est oublier deux choses : les marchés ne sont pas rationnels au sens ou on l’entend et Donald Trump l’est encore moins, son QI ne lui permettant sans doute pas de prendre des décisions réfléchies.

Les marchés ne sont pas rationnels au sen où le commun des mortels l’entendent. Par exemple, tout comme les dirigeants de la plupart des pays, y compris de l’Europe, il intègrent les mauvaises nouvelles. Explication : l’annonce des tarifs douaniers de Trump provoquent une panique mais quelques jours plus tard, lorsque Trump propose des « deals » avec les pays qui seraient prêts à accepter ses demandes, les marchés et les dirigeants acceptent que la hausse des tarifs est désormais inéluctable (ce qui est factuellement faux) et se disent que l’annonce de deals est un moindre mal, peut-être même une bonne nouvelle. Bilan, les marchés sont brièvement repartis à la hausse. Avant de repartir à la baisse, puis à la hausse lorsqu’une pause de quatre-vingt-dix jours est annoncée mercredi.

Or, une personne rationnelle sait que l’on ne peut pas négocier avec quelqu’un qui s’adonne au chantage comme le ferait un Don Vito Corleone. Lorsqu’il vous a mangé l’avant-bras, il va vous dévorer en entier.

En outre, l’entité floue « Les Marchés » a tendance à profiter de la situation. Des baisses conséquentes deviennent des « opportunités ». On vend quand les niveaux sont élevés en essayant de sortir le dernier, on achète quand les cours sont au plus bas en misant sur une remontée.

Or les courbes donnent raison à cette tactique. Sur un an, le Dow Jones a perdu 2,43 % sur un an mais il a gagné 59,95 % sur cinq ans et 2.897,46 % depuis 1985… La correction actuelle n’est que temporaire. On note la remonté des cours dès l’annonce d’une pause dont on ne sait absolument pas si elle durable ou pas, Donald Trump étant totalement désordonné et imprévisible.

The Art Of The Deal
The Art Of The Deal

L’homme est persuadé d’être un génie. Il a pourtant du mal à aligner des phrases contenant plus de 4 mots et ayant un réel sens. Il ne souffre aucune contradiction. Il est sujet aux « fixettes », souvent complètement illogiques, à tel point que sous sa première présidence, des conseillers s’affairaient à lui faire « oublier » les plus incongrues de ses lubies.

Extrait du livre Peur, Trump à la maison blanche de Bob Woodward.
Extrait du livre Peur, Trump à la maison blanche de Bob Woodward.

Ce n’est pas une personne rationnelle et il est totalement improbable que l’on entende dans sa bouche un jour qu’il ait pu se tromper. Errare humanum est, perseverare diabolicum (l'erreur est humaine, persévérer est diabolique). Trump est un homme persévérant dans l’erreur car il est persuadé d’avoir raison.

Il n’a aucune sens des affaires, n’en a d’ailleurs jamais eu. CNN explique par exemple que les iPhones produits par Apple principalement en Chine vont augmenter de 43 % pour les Américains. Et si Apple rapatriait la fabrication de ses téléphones aux USA, leur prix passerait à 3.500 dollars. En attendant, la valeur boursière de l’entreprise a perdu 25 % depuis janvier. Une vraie réussite. Samedi, L'administration américaine annonçait exempter de surtaxe les smartphones et les ordinateurs.

La pression des marchés (plus largement du monde de la finance) ne peut fonctionner réellement sur Donald Trump. En revanche, elle peut être efficace par rebond. Si les investisseurs institutionnels (les zinzins dans le jargon des financiers) ne déclenchent pas un rebond important en voulant profiter des opportunités, si la logique économique s’impose, il se pourrait que les grandes entreprises mais également le peuple américain parviennent à changer le cours de l’histoire qui s’écrit aujourd’hui.

Trump semble donc reculer (pour quatre-vingt dix jours au moins) mais déjà il maquille son recul en disant que c’est une réussite économique puisque les indices repartent à la hausse.

Cela n’augure cependant rien de bon sur le plan social. Ses actions sont déjà catastrophiques pour les plus fragiles. On peut s’attendre à plus de racisme et de néo-fascisme dans les mois à venir, comme une sorte d’exutoire à son échec sur les tarifs douaniers.

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