Les journalistes s’indignent des projets qui visent à intercepter leurs communications
Ils ont raison mais le combat est déjà perdu
Raté. À l’échelon européen, la France voulait inclure les journalistes dans les personnes pouvant être « écoutées » et justifiait cela par la nécessité de pouvoir défendre la nation. La mobilisation a porté ses fruits et la presse est exclue de cette curiosité indécente. Mais ce n’est qu’une victoire de papier. On vous explique.
Cette volonté française d’autoriser à l’échelon européen la surveillance des journalistes au nom de la « sécurité nationale » n’est pas une nouveauté. La France a toujours eu une position qui la rapproche plus d’une dictature ou d’un État policier que d’une démocratie en matière d’interceptions ou de lutte contre la cryptographie. Disclose a révélé il y a quelques jours la manœuvre portée par Paris :
Pour comprendre la manœuvre en cours, il faut remonter au 16 septembre 2022. À l’époque, la Commission européenne présente un projet de loi sur la liberté des médias. Dans son article 4, le texte initial interdit l’utilisation de logiciels espions contre des journalistes et des médias, sauf dans le cadre « d’enquêtes sur [dix] formes graves de criminalité » (terrorisme, viol, meurtre — cf. encadré en fin d’article). Ces technologies, qui permettent d’intercepter les e-mails et messages sécurisés, pourront aussi être utilisées au « cas par cas, pour des raisons de sécurité nationale ».
Inconcevable pour la France qui, dans un document interne au Conseil de l’UE, écrit le 21 octobre 2022 qu’elle « refuse que les enjeux en matière de sécurité nationale ne soient traités dans le cadre d’une dérogation ». Le gouvernement d’Elisabeth Borne, alors représenté par sa conseillère culture exige d’ajouter « une clause d’exclusion explicite » à l’interdiction de surveiller les journalistes. En clair, la France veut pouvoir entraver le travail de la presse, quand elle l’estime nécessaire...