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par Antoine Champagne - kitetoa

Lendemain de cuite pour l'Europe

L'Europe a été sauvé à peu près vingt-quatre fois depuis le début de la crise financière mondiale. A chaque fois, un sommet de la dernière chance permettait aux politiques de faire des annonces creuses pour se faire mousser. A chaque fois que l'on croyait le mur à quelques centimètres, les politiques parvenaient à refiler un petit coup de storytelling que les marchés avalaient, gagnant ainsi quelques semaines, quelques mois parfois.

L'Europe a été sauvé à peu près vingt-quatre fois depuis le début de la crise financière mondiale. A chaque fois, un sommet de la dernière chance permettait aux politiques de faire des annonces creuses pour se faire mousser. A chaque fois que l'on croyait le mur à quelques centimètres, les politiques parvenaient à refiler un petit coup de storytelling que les marchés avalaient, gagnant ainsi quelques semaines, quelques mois parfois. Il y a quelques indicateurs qui déclenchent automatiquement un sommet de la dernière chance. Comme des taux d'intérêts de la dette d'un des pays membres qui frise avec les 7%. Ce fut le cas de l'Espagne il y a quelques mois. La fameuse annonce de Mario Draghi : il allait faire racheter sans limites mais sous conditions la dette des pays en difficulté. Personne sur les marchés n'a osé verbaliser l'incongruité : illimité et sous conditions sont des mots qui ne vont pas très bien ensemble. De même, personne n'a verbalisé le fait que le MES et le FESF, les deux fonds de soutien qui doivent aider les pays en difficulté sont financés en grande partie par... Les pays en difficulté.

Chez Reflets, on persiste : le système est au bord du gouffre. Parfois, le train fou ralentit, parfois, des petites mains construisent des rails supplémentaires au dessus du vide. Mais le plongeon final est inéluctable.

Quand un particulier est surendetté, la Banque de France lui dit ceci :

1) Vous pouvez être en situation de surendettement si vous ne parvenez plus, malgré vos efforts et de façon durable :     - à rembourser vos mensualités de crédits     - et/ou plus généralement à faire face à vos dettes non professionnelles.   2) Votre situation de surendettement peut avoir différentes origines, notamment :     - un nombre trop important de crédits     - une baisse durable de vos ressources à la suite par exemple d’une perte d’emploi, d’une séparation ou d’une maladie.

Dans les cas de surendettement des particuliers, on fait en sorte de les aider à se sortir du cercle vicieux avant qu'il ne soit trop tard.

Quand un pays est surendetté, on lui propose de s'endetter un peu plus pour rembourser sa dette. Utilisez une petite pincé de bon sens pour évaluer la situation : comment cela va-t-il finir ?

Mal.

La crise actuelle s'accompagne d'une aggravation de la situation des citoyens. Le chômage explose, les salaires stagnent, l'inflation, même maitrisée est toujours là. Dans les pays les plus touchés, on vit avec 600 euros de salaire minimum. Dans d'autres, moins touchés par la crise, il n'y a même pas de salaire minimum. L'harmonisation européenne, cela ne marche pas pour tout...

Face à la crise, à "la pression des marchés", les politiques appliquent de vieilles recettes qui ne marchent pas mais qui font partie du storytelling permettant aux marchés de continuer à fonctionner : plus de libéralisation, plus de privatisations, moins de pouvoir pour le législateur qui l'abandonne volontairement, un droit social raboté, des prestations sociales diminuées, plus d'austérité ( c'est à dire moins d'argent dans le porte-monnaie des citoyens). Le tout entrainant une stagnation qui finira probablement en dépression. Tout cela est connu, acté par des économistes de renom, étalé sur des dizaines de pages de journaux, y compris dans les colonnes de Reflets.

Après moi, le déluge

Ce que les politiques, qui jouent à "après moi le déluge", ne veulent pas comprendre, c'est qu'un jour, à force d'amoindrir l'espoir des populations, ils devront rendre des comptes. Et pas forcément de manière pacifique. Quand un peuple n'a plus d'espoir, il n'a plus peur de rien.

Lorsque les citoyens comprennent que leur travail n'est plus rémunéré, que leurs retraites servent à payer la dette du pays, que l'argent dont on dit qu'il se fait rare, coule à flots infinis sur les marchés, de haut en bas (des banques centrales vers les banques, et in fine, atterrissent  dans les poches de quelques banquiers insatiables), mais s'arrête bien au dessus d'eux, ils deviennent nerveux.

A force de refuser d'agir, à force de ne pas vouloir désarmer les marchés -le législateur peut le faire et il l'a d'ailleurs déjà fait- nous allons assister à un écroulement du système actuel. Certains l'appellent de leurs voeux. Pourquoi pas après tout, tout est éphémère à l'échelle de l'histoire de l'humanité. Le communisme n'a pas survécu à l'épreuve du temps, le capitalisme ne fera sans doute pas exception. Tout ce qui monte, finit par redescendre. Tout est rond dans l'univers...

Ce qui est moins certain, c'est la nature positive de ce qui prendra le relais. Il y a peu de chances pour que le système qui adviendra soit une panacée. Loin de là.

L'étincelle ?

Il ne manque qu'une petite étincelle, qu'un peu plus de désespoir et un peu d'organisation de la part de personnes généralement mal intentionnées pour que tout s'embrase.

En Espagne, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues le 23 février dernier, une date très particulière dans ce pays.

En Grèce, trois jours plus tôt, une grève générale menait les citoyens sur le pavé.

Jusque là, tout allait bien, l'Europé était toujours sauvée (en apparence).

Et puis patatras. Ce week-end, les Italiens sont allés voter. Ils ont fait n'importe quoi. Un  vrai bunga-bunga dans les isoloirs. Normal, les politiques font aussi n'importe quoi depuis des lustres, pourquoi pas les citoyens ? Et si vous avez le courage d'aller au bout de l'article, vous allez comprendre ce que l'on veut dire quand on vous dit que les politiques font n'importe quoi. Et surtout des bras d'honneurs aux citoyens...

Avec un candidat clown triste et dangereux, les Italiens ont décidé de faire un truc dangereux.

Enfin... Dangereux surtout pour les financiers.

Ils ont introduit une dose d'incertitude, de flou. Qui gouvernera ? Comment ? Aucune idée... Faudra-t-il revoter ? Mais en attendant ? Qui appliquera "les mesure nécessaires d'austérité" qui tondent la population au profit des marchés ? Mystère.

Du coup, les marchés ont la trouille.

Ça se voit très bien dans l'évolution des marchés actions, mais encore plus sur celui des CDS :

Tous ces périphériques, ces pays du sud, quand même... Ils font n'importe quoi et ils inquiètent tout le monde. Chez Reflets, on pariait volontiers sur Chypre comme prochain re-déclencheur de la crise. Paf, c'est arrivé plus vite d'Italie. Chypre, ce sera pour l'été.

Mais il n'y a pas que l'Italie ou l'Espagne pour inquiéter. Figurez-vous que les Allemands, s'inquiètent, eux de la France et de son évolution. Ils nous voient comme le gros maillon faible. Le sachiez-vous ?

Mais revenons aux politiques. Ils font n'importe quoi, s'entêtent, persistent dans leurs erreurs. Cette fois, l'exemple nous vient de Grèce en faisant un détour par la France. Inutile de vous armer de pop-corn, ce n'est pas le genre de choses que l'on regarde en riant. C'est le genre de chose qui peut se transformer en étincelle. Ou pas. Si la presse n'en parle pas, pas de feu.

L'histoire démarre donc en Grèce le 30 janvier dernier. Dans le Journal Officiel local. On y apprend que les six personnes du board du Fonds de stabilité grec (qui gère la restructuration des banques du pays) se partagent 785.000 euros annuels en salaire.

Pour mémoire, le salaire minimum en Grèce est de 586 euros net par mois.

Deux étrangers sont membres du board : Paul Koster, néerlandais, ancien CEO de la Dubai Financial Services Authority et Pierre Mariani, ancien CEO de la banque Dexia, célèbre pour sa faillite retentissante et son sauvetage in-extrémis par les Etats français et belge.

A la tête de Dexia, Pierre Mariani s'était illustré en 2008 par une hausse de son salaire de 30% à un million d'euros pour le fixe et 2,25 millions pour le bonus. Une paille pour une banque sur les genoux.

Pierre Mariani qui a géré une banque menée à la faillite est donc le mieux placé pour s'occuper de la restructuration du secteur bancaire grec.

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