Journal d'investigation en ligne
par Ricardo Parreira

Le très toxique Syndicat de la Famille

L'ex Manif pour tous propage la haine dans l'espace public

Dix ans après les grandes manifestations contre le mariage pour tous, en 2023, le mouvement La Manif pour tous s’est mué en une nouvelle structure : le Syndicat de la Famille. Cette année, à la rentrée, ce collectif qui diffuse des contenus homophobes et transphobes a pu coller des affiches, parfois sauvages, dans plusieurs villes de France sans être inquiété.

Le nom à changé, la haine est toujours là - © Reflets
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C’est à l’occasion du dixième anniversaire de La Manif pour Tous que ce mouvement réactionnaire et catholique intégriste a officialisé sa transformation. La présidente, Ludovine de La Rochère, déclarait alors : « La famille n’est ni de droite ni de gauche. Son syndicat ne l’est pas non plus. » La haine semble pourtant toujours trouver des slogans « soraliens » pour se frayer un chemin dans le débat public.

Ludovine de La Rochère est issue d’une famille catholique traditionaliste, proche du parti d'extrême droite Les Patriotes. Pour brouiller encore davantage les pistes, elle a appelé sa nouvelle structure un « syndicat », traditionnellement associé aux organisations de gauche. Ce syndicat est officiellement né le 24 mars 2023, exactement dix ans après la mobilisation parisienne contre la loi Taubira. Malgré son nom, Le Syndicat de la Famille n’a rien d’une organisation syndicale au sens classique du terme : il ne représente ni salariés ni professions. Il s’agit d’un mouvement d’influence politique, hostile au mariage pour tous, à la GPA et aux droits des personnes LGBT.

Une campagne d’affichage dite « anti-wokiste »

Le Syndicat de la Famille revendique une présence « partout en France » à travers ses antennes régionales, généralement composées de petits groupes de militants qui mènent des actions dans l’espace public et collent des affiches.

Affiches du SDF lors de la journée internationale des droits des femmes en 2024. Dans un contexte de haine et propagande anti-LGBT. 
Affiches du SDF lors de la journée internationale des droits des femmes en 2024. Dans un contexte de haine et propagande anti-LGBT. 

La dernière campagne de ce collectif, intitulée « Libérons l’école du wokisme ! », et dont Reflets a pu confirmer l’existence sur les réseaux sociaux, a touché plusieurs villes : Toulouse, Bordeaux, Nantes, Tours, Clermont-Ferrand, Montpellier, etc. Tout commence avec des affiches qui, malgré leur contenu homophobe et anti-LGBT, ont été apposées dans les espaces dits de « libre expression », mais pas uniquement : de nombreux collages sauvages ont également été repérés. Au delà du terrain, ces images ont ensuite été partagées sur les réseaux sociaux, amplifiant ainsi leur diffusion.

Collage sauvage à Montpellier. Septembre 2025  - © Reflets
Collage sauvage à Montpellier. Septembre 2025 - © Reflets

Cette campagne s’insère dans un contexte précis, celui de l’opposition totale et réactionnaire au programme EVARS (Éduquer à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité). Les contours légaux du programme s’appuient sur l’article L. 312-16 du Code de l’éducation, qui prévoit au moins trois séances annuelles d’éducation dans les écoles, collèges et lycées.

Le programme en lui-même n’a rien d’extraordinaire ; il entend simplement apprendre à se connaître et à connaître son corps, améliorer le bien-être, encourager les élèves à s’exprimer, permettre des choix responsables, respecter les autres et vivre ensemble grâce au respect et à l’empathie et prévenir les violences sexistes et sexuelles.

Si tout cela dérange déjà certains catholiques intégristes, c’est le point concernant « Lutter contre les discriminations : sensibiliser aux stéréotypes, notamment de genre, et promouvoir l’égalité et le respect entre les sexes » qui déclenche leur panique morale. Dans leur logique, il faut à tout prix défendre les stéréotypes de genre et sexuels, mais surtout pouvoir, par tous les moyens, stigmatiser les enfants homosexuels, lesbiennes, trans ou non binaires.

Affiches de la campagne du Syndicat de la famille. 2025
Affiches de la campagne du Syndicat de la famille. 2025

Leur prétendue « lutte contre le wokisme » se traduit en réalité par une attaque contre une minorité d’enfants, renforçant la pérennité d’un système patriarcal façonné dès l’enfance. Selon eux : « Avec l’EVARS, dès la maternelle, les filles sont présentées comme des victimes et les garçons comme des coupables, la société « assignant des rôles » à chacun. Cette vision caricaturale, qui correspond au « patriarcat systémique » conceptualisé par le wokisme, est suivie de l’affirmation d’une prétendue distinction entre sexe et genre, introduite en 5ᵉ et réitérée d’année en année. »

Incitation à la haine envers des enfants et jeunes non conformes aux normes de genre

Ce qui semble échapper à l’analyse publique, c’est la dimension intrinsèquement homophobe du discours porté par Le Syndicat de la Famille. Leur rhétorique repose sur l’idée que les personnes homosexuelles ne naîtraient pas telles, mais seraient le produit d’une « société wokiste » qui pervertirait les enfants en remettant en cause la binarité de genre et la complémentarité sexuée. Une telle conception fortifie tout fondement idéologique des discriminations et violences à l’encontre des personnes homosexuelles et lesbiennes, que de nombreux travaux en sociologie et en psychologie sociale ont documenté.

La campagne d’affichage diffusée par Le Syndicat de la Famille participe de cette logique : loin de se limiter à une critique des politiques éducatives « wokistes », elles alimentent une représentation dévalorisante des minorités sexuelles chez les enfants. Ce discours peut avoir des conséquences concrètes sur la santé mentale et la sécurité des jeunes homosexuels et lesbiennes, qui ne se conforment pas aux codes de genre binaires.

Ainsi, derrière un discours de « défense de la famille et des enfants », se profile une vision du monde où l’hétérosexualité est érigée en norme naturelle, tandis que la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre est perçue comme une menace civilisationnelle à éradiquer, parfois par des moyens symboliquement ou physiquement violents. De leur côté, les responsables politiques et les institutions de l’État semblent démunis, voire en retrait, face à ces discours qui incitent à la haine homophobe et transphobe dans l’espace public.

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