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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Le Qatar, la France sont dans un bateau, le terrorisme ne tombe pas à l'eau, que reste-t-il ?

Photo : Orban-Pool/Sipa/Rex Et si vous avez un peu de temps, vous pouvez aussi revoir le documentaire Syriana qui tente d'expliquer le chaos dans lequel les "dirigeants" politiques et économiques plongent le monde. Certains pour le pouvoir, d'autres pour l'argent. Ceux qui payent le prix sont toujours les mêmes.

François Hollande et l'émir du Qatar, le Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, à l'Elysée, le 23 juin 2014. (ERIC FEFERBERG / AFP)

François Hollande et Nicolas Sarkozy sont Charlie. C'est une bonne nouvelle. On n'a jamais autant parlé de renseignement. C'est un drôle de hasard. Car les deux hommes ont un rôle non négligeable dans ce domaine. Nicolas Sarkozy était un gros consommateur d'informations remontées par les services, à son plus grand profit. Il est aussi l'homme qui était aux manettes lorsque s'est montée l'ignoble opération "Amesys en Libye". Opération qui a mené, comme en ont témoigné des victimes, à la torture d'opposants dans ce pays (l'affaire est actuellement à l'instruction à Paris). Nicolas Sarkozy est également au centre d'un rapprochement périlleux et très intéressé avec le Qatar. François Hollande a fait la preuve de la "continuité de l'Etat" en poursuivant la très bonne relation entretenue par notre pays avec le Qatar. A tel point que l'une des premières personnalités rencontrées par François Hollande au cours du premier mois de sa présidence n'était autre que le premier ministre qatari. Cette proximité avec ce petit Etat n'a jamais pâti du tombereau d'articles documentés pointant le soutien implicite ou direct des autorités au terrorisme. Mais maintenant, tout ça c'est fini. Nicolas Sarkozy et surtout, François Hollande qui est aux manettes, sont devenus Charlie. Le terrorisme n'a qu'à bien se tenir. Et aider des Etats policiers (comme le Maroc ou le Qatar) à traquer leurs opposants, c'est f-i-n-i. Ou pas...

Le rôle de nos présidents successifs dans le domaine du renseignement est essentiel. Cette branche agit selon un agenda politique. C'est l'exécutif qui détermine la politique du monde du renseignement français. Pas le pouvoir judiciaire ni le législatif. Quand les services français ont décidé de prendre sous leur aile Qosmos et Amesys, cela ne s'est pas fait sans appui politique. L'implication de l'équipe rapprochée de Nicolas Sarkozy est désormais acquise au vu des documents publiés. Les investissements du FSI dans Bull et Qosmos ne sont pas anodins. C'est une décision politique. Quand s'est dessinée ce que nous avons appelé la théorie abracadabrantesque, qui consistait sans doute à vendre à n'importe qui (y compris des terroristes condamnés comme tels) des outils permettant une mise sous surveillance de tout un pays -même dictatorial ou policier, c'est une décision politique. L'enjeu était alléchant. Sur le papier.

On allait disposer d'une infrastructure permettant une délocalisation des écoutes. Le rêve... Plus de cadre juridique contraignant. L'accès aux données de n'importe qui, n'importe-où.

Le premier client était emblématique. La Libye de Kadhafi. Avec comme interlocuteur d'Amesys, Abdallah Senoussi, le beau-frère du colonel. Un type charmant, condamné en France par contumace pour terrorisme en raison de son rôle dans l'attentat du DC 10 d'UTA. Le même Senoussi qui fut au centre d'une intense activité des proches de Nicolas Sarkozy dans le but de faire annuler sa condamnation.

Mais le système de surveillance massive d'Amesys ne pouvait se limiter à un seul client. Le Qatar, autre pays riant et respectueux des Droits de l'Homme a acquis cette technologie. Là-bas, le projet portait le nom "Finger" (doigt) en référence à une barre chocolatée et au nom de la capitale, Doha (prononcez Doigt). Comme nous l'avions écrit en novembre 2011, Amesys a vendu au Qatar un Eagle, cet outil de surveillance massive. Le "client", l'interface d'Amesys, si vous préférez, est très probablement le State Security Bureau qui réglait à Amesys 1.084.950 euros fin 2011. Cette entité ne doit des comptes qu'à l'Emir, une vraie composante démocratique d'un Etat démocratique.

Bien entendu, Philippe Vannier, le patron d'Amesys n'a jamais été inquiété pour sa vente de produits de surveillance massive à des dictateurs ou des Etats policiers. Droite, gauche, peu importe, on passe l'éponge. Mieux, il a été largement récompensé pour son oeuvre. Le gouvernement l'a laissé prendre possession de Bull, fournisseur officiel de la DGSE ou du CEA. Sachant combien ces deux organisations sont essentielles pour l'Etat, une prise de contrôle de Bull ne pouvait se faire sans un aval gouvernemental. Quant à Qosmos, sa "business unit" Kairos est dédiée à la DGSE. Bref, les murs sont poreux entre gouvernement, services de renseignement, sociétés de surveillance, ventes à des pays pas du tout démocratiques ayant des liens avec le terrorisme, les arrangements sont... Massifs, également.

Nous avons donc des Charlie comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande qui de la main gauche tapent sur les terroristes tout en jouant du menton, et qui de la main droite, tissent des relations très étroites avec les pays qui le soutiennent. C'est la magie des relations internationales, de la diplomatie. Observez bien l'air grave, la compassion affichée avec les morts de Charlie Hebdo, les policiers, les inconnus des 7 et 9 janvier. Maintenant, pensez aux deux présidents et aux "magouilles" diplomatiques, économiques et de "relations internationales" entamées avec des pays connus  -en dépit des dénégations des uns et des autres- pour leur leur proximité avec des mouvements terroristes.

Photo : Orban-Pool/Sipa/Rex

Et si vous avez un peu de temps, vous pouvez aussi revoir le documentaire Syriana qui tente d'expliquer le chaos dans lequel les "dirigeants" politiques et économiques plongent le monde. Certains pour le pouvoir, d'autres pour l'argent. Ceux qui payent le prix sont toujours les mêmes.

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