Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Eric Bouliere

Le numérique serait un puissant antivirus : la piqûre du Sénat qui fait très mal

Un rapport qui manie très bien la désinformation et le solutionnisme technologique

La délégation sénatoriale à la prospective a pour mission d'éclairer les consciences sur les transformations de la société et de l'économie. L'un des derniers rapports présenté vient d'élever le numérique au rang de solution vaccinale. Décryptage d'une vision très décomplexée de la pandémie…

Les spécialistes en apprennent tous les jours sur la maladie, mais là, c'est gonflé ! - © Reflets

Recours aux outils numériques dans la prévention et la gestion des pandémies, le titre de l'étude initiale ne laissait planer aucun doute sur l'angle choisi ou la teneur du débat. Un singulier avant-propos en précisait même les contours: « Le recours à des techniques plus intrusives (…) serait la contrepartie d'une liberté retrouvée plus vite ».

V1: une première version sans fard pour la conférence de presse - Capture écran
V1: une première version sans fard pour la conférence de presse - Capture écran

Sitôt présentée à la presse, sitôt revue et corrigée, cette version V1 fut remplacée par une V2 grand public, à peine moins agressive. Les sénateurs ayant sans doute jugé utile d'ajouter un peu d'eau dans leur vin pour éviter d'enflammer les réseaux sociaux. L'intitulé du rapport s'est adouci de vertus libertaires : Crises sanitaires et outils numériques, répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés. Et chacun s'empressa de rappeler que si la délégation à la prospective prospectait, les prospectives n'avaient aucune portée législative.

V2: la seconde version un tantinet moins agressive  - Capture écran
V2: la seconde version un tantinet moins agressive - Capture écran

Conscients des limites de l'exercice, les trois rapporteurs, Véronique Guillotin, Christine Lavarde et René-Paul Savary, ont malgré tout souhaité frapper haut et fort: « Nous avons fait le choix d’une proposition volontairement provocatrice ». Reste que quelques esprits chagrins de la presse n'ont pas compris de quoi il retournait vraiment. Mais enfin, comment fallait-il leur expliquer à tous ces empêcheurs de numériser en rond que ce pavé de 175 pages n'a, n'a pas eu, et n'aura jamais ni incidence, ni influence, sur rien et sur personne.

Certains, et pas des moindres, se sont inquiétés à juste titre du ton de ce rapport - Capture écran
Certains, et pas des moindres, se sont inquiétés à juste titre du ton de ce rapport - Capture écran

Un truc juste pour passer le temps

Ce bottin pourrait tout au plus servir d'estrade aux gamins jouant du voilier dans les bassins du jardin du Luxembourg. Mais rien n'est ici à redouter ou à craindre, nous assure-t-on. Ce n'est pas comme si Mathieu Darnaud, le président de la délégation avait déclaré tout de go: « Ce rapport a une vraie vision prospective. Il se termine par une proposition choc pour la gestion des futures pandémies, en tirant les leçons de l'expérience acquise ces derniers mois ». Et surtout pas comme si René-Paul Savary lui avait rétorqué: « Il y a un mois, nous avions présenté devant vous les premiers résultats de nos travaux sur le recours aux outils numériques dans la gestion des crises sanitaires. Nous proposions, en un mot, de recourir bien plus fortement aux outils numériques, en assumant si nécessaire des mesures plus intrusives ». Et bien sûr, pas non plus comme si le président de séance avait clôturé la réunion d'un : « Mes chers collègues, autorisez-vous la publication de ce rapport ? Je ne vois pas d’objection, c’est une belle unanimité. Nous nous attacherons à le faire vivre jusqu’à la séance publique. Je vous remercie ».

Le monde vu par le petit bout du numérique

Le rapport s'ouvre rapidement sur un chapitre qui semble retenir l'intérêt de la troupe sénatoriale: « Le numérique a constitué l'un des piliers de la stratégie des pays d'Asie orientale ». On y commente la réactivité numérique de la Chine, du Japon, de Hong Kong, de Taïwan, de Singapour et de la Corée du Sud face aux méfaits du virus. Et pour mieux étayer le propos, les rapporteurs se sont appuyés sur une note datant d'avril 2020 de l’Institut Montaigne.

Rappelons que l'institut Montaigne est un think tank fondé par Claude Bébéar et présidé par Henri de Castries, les deux ex-patrons d'AXA, et proches de la Macronie. En pleine reconversion professionnelle Mr Bébéar déclarait en juin 2008: « il y a deux façons de faire de la politique. Faire de la politique politicienne ou alors créer un think tank, un centre de réflexion dans lequel on aborde tous les problèmes politiques de l'instant, sans a priori ». Et parmi les nombreux membres du comité directeur nous retrouvons Fleur Pellerin, ex-ministre de l'économie numérique et de la culture, qui s'emploie désormais à faire fructifier le fonds d'investissement d'un portefeuille Coréen, Korelya Capital.

Dans le milieu de la finance cette activité est décrite comme: « Un pont entre l’Asie et l’Europe qui n’a de réalité que dans les succès des entrepreneurs qui l’empruntent. Plus qu’un fonds d’investissement, Korelya Capital est une sorte de jonction culturelle, financière et entrepreneuriale entre les écosystèmes coréens, japonais et européens ». Nul doute qu'une telle connaissance de l'Asie doit aider à mieux percevoir la stratégie du numérique par temps de crise sanitaire.

Des financiers philosophes en quelque sorte... - Capture écran
Des financiers philosophes en quelque sorte... - Capture écran

Toujours est-il que l'on salue avec complaisance l'excellence des résultats de ces pays lointains en matière d'élimination du virus. A croire qu'il est plus facile de tout connaître du mystère du Covid sur la place Tian'anmen plutôt qu'à l'intérieur d'un centre de vaccination de La Rochelle. Mme Lavarde nous informe que: « l’excuse des dictatures, souvent entendue pendant la crise, est un peu trop facile. D’une part c’est faux, sauf à démontrer que le Japon, la Corée du Sud, l’Estonie ou Israël sont des dictatures. Bien sûr, les dérives sont réelles, et notre audition de février sur le crédit social en Chine l’a montré. Mais les abus ne tiennent pas aux technologies elles-mêmes, ils tiennent à l’usage qui en est fait, à l’absence de contre-pouvoirs notamment ». Subtile nuance.

Peut-on aussi aisément déconnecter la politique d'un pays de sa situation sanitaire? - Capture écran
Peut-on aussi aisément déconnecter la politique d'un pays de sa situation sanitaire? - Capture écran

Quittant le domaine de la géopolitique, notre démocratique sénatrice s'engouffre ensuite dans d'obscurs corridors philosophiques: « D’autre part, tout ceci n’est pas le problème : si une dictature sauve des vies pendant qu’une démocratie pleure ses morts, il y a sans doute d’autres questions à se poser ». Une question cependant, ces élus si éclairés du droit en matière de portée législative se sont-ils seulement interrogés de la portée des mots qu'ils emploient?

Des conclusions souvent plus choquantes que provocatrices - Capture écran
Des conclusions souvent plus choquantes que provocatrices - Capture écran

Je n'aime pas dire du mal de la CNIL, mais…

Au fil des pages, la question du rôle de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés devient centrale. Les auteurs du rapport y louent chaleureusement les qualités de cette belle institution en précisant d’emblée : « qu’il ne s’agit en aucun cas de reprocher à la CNIL de faire son travail, et encore moins de remettre en cause le cadre juridique fixé par la loi Informatique et libertés et le règlement général sur la protection des données, dont les grands principes sont particulièrement nécessaires en période de crise sanitaire ». Bien dit, mais…

Car bien vite cessent les louanges. La suite s'avère plus rationnelle: « En revanche, on peut légitimement s’interroger sur l’interprétation conservatrice que la CNIL fait de ces principes, en particulier du principe de proportionnalité, et surtout dans un contexte de crise, alors qu’il apparaît que des traitements de données plus intrusifs pour les individus, mais aussi plus limités dans le temps, auraient pu permettre de sauver des vies et d’alléger les restrictions imposées à la société dans son ensemble ».

La CNIL: une institution jugée trop sectaire et rétrograde  - Capture écran
La CNIL: une institution jugée trop sectaire et rétrograde - Capture écran

On en vient à se plaindre durant une bonne vingtaine de pages de celle qui fait preuve « d'un conservatisme juridique lourd de conséquences ». Avant de conclure qu'en ce qui concerne l’idée de pouvoir se servir d’une appli de contact tracing, une fois encore et « sans surprise, la CNIL n’a pas non plus fait preuve d’un enthousiasme excessif ». Dépités, les rapporteurs constatent alors que « compte tenu de la sensibilité du sujet, on ne peut que saluer l’effort de pédagogie du secrétaire d’État chargé de la Transition numérique, Cédric O ». Un ministre grand fan de Start-up, voici enfin quelqu'un qui peut comprendre les choses du Covid à travers le prisme du numérique !

Une fois le gué franchi tout y passe : le bienfait des caméras de surveillance dans les autobus, le bénéfice des drones en manif, la bienveillance des caméras thermique anti-Covid à reconnaissance faciale, l'utilité du croisement de fichiers à données personnelles… bref, toutes ces merveilleuses solutions qui se heurtent à l'irritante mauvaise bonne volonté de la CNIL. Il serait en effet grand temps de s'intéresser à tout ce qui « en dépit des lenteurs et difficultés liées à la procédure d’autorisation préalable par la CNIL » pourrait enfin nous sortir la tête de l'eau. Le solutionnisme technologique à son paroxysme.

Un Health Data Hub en mauvaise santé

Le rapport interpelle sur la possibilité d'exploiter à grande échelle des données médicales agrégées dans un cadre légal. En l'occurrence un tel système d'information de e-santé existe déjà et se nomme le Health Data Hub (HDB). Cette plateforme créée par la loi Santé de 2019 est opérationnelle depuis 2020 et avait pour ambition de « faire de la France le leader mondial de l’intelligence artificielle en santé ». Hélas, l'usine à gaz semblerait précisément manquer d'acuité numérique par temps de crise sanitaire. Le HDB y est décrit comme un outil brouillon et déconnecté de la réalité d'une urgence sanitaire: « si l’on veut à l’avenir sauver des vies humaines et éviter de mettre la vie économique et sociale sous cloche à chaque nouvelle crise, il faudra inévitablement s’appuyer à ce moment-là sur des croisements de données massifs et dérogatoires ».

Mort-né du numérique, le HDH n'est pas assez réactif lorsque le virus se pandémise- Capture écran
Mort-né du numérique, le HDH n'est pas assez réactif lorsque le virus se pandémise- Capture écran

Mais patatras mon bon monsieur tout se complique dans cette France-là où, même malade, le législateur se refuse d'enfreindre les lois. Car bien évidemment les données en question sont: « Des données personnelles et sensibles qu’il est absolument inconcevable d’exploiter en temps normal ». Entendre... des données de géolocalisation croisées avec des données médicales à des fins de maintien de l’ordre public sanitaire. Ou bien des données produites par des entreprises privées comme, les opérateurs télécoms, les entreprises technologiques, les établissements financiers, les laboratoires pharmaceutiques, les transports publics, les employeurs…

A ce titre, les rapporteurs jugent de bon ton de souligner que toutes ces entités n'ont « aucune raison économique, ni obligation juridique de les fournir ». Ils constatent amèrement que les pouvoirs publics n’étaient pas équipés pour pouvoir exploiter correctement ces précieuses données, et s'énervent... Il aurait déjà fallu : « ne serait-ce qu'avoir l’idée de les exploiter ». Face à cette transmission de données sensibles à caractère personnel, ils en jalouserait ceux qui ont les idées plus larges et plus économiques : « Rien d’impossible techniquement, et rien de très exceptionnel en comparaison de ce que font les GAFA à des fins purement commerciales mais, s’agissant de l’État, de l’intérêt général et de la santé publique, il s’agirait d’une grande nouveauté ». Roulement de tambours, tout viendra à point à qui saura légiférer dans le bon sens : nous allons pouvoir désormais compter sur un Health Data Hub de crise…

Contre la crise, le Crisis Data Hub

René-Paul Savary tient peut-être ici sa solution : « Nous ne proposons en aucun cas de collecter ces données. Par contre, nous proposons de nous mettre en capacité de le faire rapidement, si jamais les circonstances devaient l’exiger, pour ainsi dire en appuyant sur un bouton ». Un bouton qui se situerait quelque part dans l'architecture numérisée d'un Crisis Data Hub dont on activerait la mécanique à la demande. Reste à définir qui activera quoi et dans quelles circonstances. Plus concrètement cela s'effectuerait après « la mise en place d’une plateforme sécurisée spécifique, qui ne serait activée qu’en temps de crise, et qui permettrait de centraliser les données utiles avant de les redistribuer aux acteurs concernés selon leurs missions : établissements de santé, sécurité civile, voire forces de l'ordre, collectivités locales, transports publics, prestataires, etc ». Autant dire aux acteurs du monde entier.

Un vrai contrat de confiance : bien lire les petites lignes du bas - Capture écran
Un vrai contrat de confiance : bien lire les petites lignes du bas - Capture écran

Le re-coup de la boîte à outils

Le rapport fait enfin la part belle aux outils numériques « en assumant si nécessaire des mesures plus intrusives, mais aussi plus ciblées et limitées dans le temps. Avec, pour contrepartie, une liberté retrouvée plus vite dans le monde réel ». Le principe du Crisis Data Hub s'articule autour d'une notion dite de « boîte à outils » (déjà entendu ça sous d'autres crises…) permettant de répondre de façon graduée à n'importe quelle situation sanitaire. Deux principes fondamentaux conditionnent la régularité du système : la proportionnalité des mesures, et leur individualisation. Il est ainsi prévu que face à une crise modérée « de simples outils d’information et de coordination bien pensés » doivent suffire. Mais sous le joug de menaces plus graves « l'envoi automatique d'un SMS à tout individu qui s'éloignerait de son domicile pendant le couvre feu » se justifierait pleinement. La dite proportionnalité va crescendo jusqu'aux cas les plus extrêmes « où toute violation de quarantaine pourrait conduire à une information en temps réel des forces de l’ordre, à une désactivation du titre de transport, ou encore à une amende prélevée automatiquement sur son compte bancaire, comme le font, du reste, les radars routiers » (comme quoi, le vers se trouvait bien dans le fruit).

Et en ce qui concerne l'individualisation des mesures, l'autorité définirait une quarantaine obligatoire pour « les seules personnes positives, strictement contrôlées grâce à des outils numériques, géolocalisées en temps réel avec alerte des autorités et/ou sanction automatique si infraction ». Et/ou c'est avec la plus grande certitude mathématique que le rapporteur assure qu'avec un tel ciblage : « Aucune restriction ne serait imposée aux 99,9 % du reste de la population, et l’épidémie serait arrêtée rapidement ! ». Dire que personne n'est au courant du truc…

Le rapport, le virus, et l'eau du bain?

Quand bien même la lecture de ce rapport émaillé de glaçantes réflexions et empaillé de pseudo-vérités conceptuelles s'avère difficile, faut-il pour autant jeter le bébé et l'eau du bain ? Après avoir parcouru l'intégralité de cette étude, force est de reconnaitre que certaines pistes méritent que l'on s'y attarde. Notamment lorsqu'il s'agit d'évoquer « la grande impréparation numérique de l'administration » ou les errements gouvernementaux en matière de prévision de la crise. Ici ou là, certains constats prennent effectivement de la hauteur : « lEst-il bien normal que l’État soit incapable de produire des chiffres fiables, quand un informaticien de 24 ans avec le site CovidTracker peut le faire, avec en prime des outils de visualisation performants ? Est-il normal que des initiatives comme CovidListe ou ViteMaDose fassent davantage pour éviter les doses perdues que les services des ARS ou de l’Assurance maladie ? ».

Quand l'Etat se fait voler la vedette par un p'tit jeune qui n'en veut... - Capture écran
Quand l'Etat se fait voler la vedette par un p'tit jeune qui n'en veut... - Capture écran

Parfois logées derrière les plus dérangeantes déclarations éclatent de dérangeantes vérités : « Impossible de savoir, par exemple, si les cas contacts d’une personne ont été effectivement contaminés, ou s’ils sont vaccinés. Impossible, aussi, de savoir s’ils courent un risque particulier, maladie, comorbidité, faute de pouvoir accéder à leur dossier médical. Nous avons mobilisé des milliers d’agents au sein des brigades de traçage pour passer des appels téléphoniques et effectuer des visites à domicile, mais la réalité c’est qu’au lieu de briser les chaînes de contamination, ils jouaient aux devinettes avec le premier maillon ! ».

Et de temps à autre une éclaircie de lucidité émerge : « Aurait-on envie de vivre dans un univers ultra-sécurisé, avec des caméras partout, des portes qui s’ouvrent automatiquement, en restant passifs ? On en arrive à attacher les gens au nom de la sécurité pour ne pas qu’ils tombent et ne puissent plus demain se déplacer. En conséquence, on leur ôte la possibilité de se déplacer. Quel paradoxe ».

En vrac et en pire, les tribulations sénatoriales d'une délégation à la prospective en plein crise d'autorité

Chine: 4846, France: 105387

« Si le modèle chinois n’est évidemment pas transposable aux pays occidentaux, on ne peut pas, pour autant, se satisfaire d’une simple posture d’indignation. La stratégie chinoise est, globalement, une grande réussite sur le plan sanitaire ».

Question de méthode

« À Hong Kong, les personnes en quarantaine doivent même porter un bracelet électronique, et peuvent recevoir un appel vidéo surprise des forces de l’ordre, quand ce n’est pas un contrôle à domicile. Il n’y a malheureusement pas de mystère: plus les outils sont intrusifs, plus ils sont efficaces ».

Service d'étage

« À Hangzhou, par exemple, les données de consommation d’électricité en temps réel ont été utilisées pour surveiller les habitants astreints à une quarantaine, mais aussi pour porter le cas échéant assistance aux personnes vulnérables ».

Quand on aime…

« La stratégie mise en place par le gouvernement sud-coréen a, jusqu’à la récente remontée du nombre de cas, bénéficié d’un très large soutien de la population, celle-ci faisant preuve à la fois de solidarité, de discipline, parfois de zèle, et toujours d’ouverture à l’égard du numérique ».

Données personnelles : Singapour ou contre?

« Finalement, le ministre de l’Intérieur a indiqué qu’il considérait que la police pouvait accéder à ces données, sur le fondement du code de procédure pénale, suscitant la colère de certains habitants estimant avoir été trompés ».

Remarquable guet-apens

« Les forces de l’ordre ont adopté une stratégie de confinement embuscade consistant à boucler par surprise un quartier entier et à soumettre tous ses habitants à un test, y compris en forçant l’entrée des appartements. Il reste qu’Hong Kong ne comptait, début mai 2021, que 210 morts dus au Covid-19, un chiffre très bas et d’autant plus remarquable que la ville est l’une des plus ouvertes à la mondialisation ».

Adhésion obligatoire

« Tous ces pays ne sont pas des régimes autoritaires, loin s’en faut. Si le cas de la Chine peut être mis à part, celui des cinq autres pays étudiés montre qu’il est possible, lorsque la population y adhère, de s’appuyer sur les technologies numériques pour lutter contre l’épidémie, avec une très grande efficacité ».

Panacée numériverselle

« Peut-être pourrons-nous demain, grâce au numérique, retrouver nos libertés physiques plus vite, ou même ne jamais les abandonner, et avoir des pandémies sans confinement même si aucun vaccin ou traitement n’est disponible ».

Et ça, vous y avez pensé ?

« Un autre exemple est la chute de débris spatiaux : le phénomène, aujourd’hui rare, pourrait devenir bien plus important à l’avenir, avec la hausse le vieillissement du parc de satellites, et surtout le développement de constellations de petits satellites. Dans ces circonstances, la capacité à prévenir immédiatement la population est cruciale, et seul le numérique permet de le faire ».

Croix de bois, main de fer

« A l’heure de la révolution numérique, du big data et de l’intelligence artificielle, on ne peut plus raisonnablement soutenir que l’intérêt principal des croisements de fichiers est la surveillance policière, ou l’instauration d’un État totalitaire fantasmé ».

Pour la rime: obsessif ?

« Plus les outils sont intrusifs, plus ils sont efficaces. Face à cet arbitrage, certains pays, notamment asiatiques, n’ont pas hésité longtemps. Leur exemple, à défaut d’être directement transposable, est instructif ».

La bombe H aussi...

« En Corée du Sud, les autorités utilisent toutes les données disponibles, y compris bancaires, et le voisinage est alerté par SMS de la présence des cas confirmés. C’est intrusif et liberticide, oui, mais ça marche ».

Devine d'où je t'appelle ?

«Dans la gamme des mesures les moins intrusives, on pourrait par exemple imaginer l’envoi automatique d’un SMS à toute personne qui s’éloignerait de son domicile pendant le couvre-feu, à simple titre de rappel...».

Si les autres le font…

« Si nous ne nous préparons pas, d’autres le feront à notre place. Veut-on défendre nos valeurs démocratiques ? Ce n’est certainement pas en laissant les régimes les plus autoritaires prendre une avance décisive en ce domaine, ou en abandonnant aux GAFA le soin de lutter contre les épidémies (et quoi d’autre demain ?), que nous règlerons le problème ».

Le dîner est servi

« Quand j’étais président de conseil général je voulais faire des économies d’énergie. Je ne voulais pas laisser penser aux agents que je savais mieux qu’eux ce qu’il fallait faire et leur ai demandé de formuler des propositions. Spontanément, ils ont recommandé d’éteindre les lumières dans les bureaux vides. Il faut en toute chose avoir la même approche : ne pas être trop directif et demander les suggestions à la base ».

En voilà bien des histoires

« Mais quand il s’agit d’outils numériques, et donc de données personnelles et de vie privée, tout devient instantanément une affaire de grands principes, de valeurs universelles non négociables, de lignes rouges absolues ».

Et hop, magique!

« Si une telle mesure était décidée aujourd’hui, elle concernerait seulement 85.000 personnes, soit moins de 0,1 % de la population française, tandis que les 99,9 % restants ne seraient soumis à aucune mesure particulière : les déplacements seraient libres, les magasins resteraient ouverts, les écoles et les musées aussi. Et nous en aurions fini avec l’épidémie en quelques semaines ».

Le virus de la vitesse

« Des mesures plus fortes ou coercitives pourraient s’avérer indispensables : ainsi, toute violation de quarantaine pourrait conduire à une information en temps réel des forces de l’ordre, à une désactivation du titre de transport ou des moyens de paiement du contrevenant, ou encore à une amende prélevée automatiquement sur son compte bancaire, comme le font des radars routiers ».

Des études ou des écoutes?

« J’ai quelques interrogations. Des études ont-elles été menées sur le comportement de la presse et des médias dans les différents pays lors de la crise sanitaire ? Les médias servent-ils à apporter de l’information ou à insister sur les mauvaises nouvelles et les craintes qui apportent plus d’audience et donc plus de recettes ».

Jusqu'où…

« La prochaine fois, surtout face à une crise plus grave, nous devrons être capables d’aller plus loin et de réagir plus vite ».

Composition de la délégation sénatoriale à la prospective :

M. Mathieu Darnaud, président ; MM. Julien Bargeton, Arnaud De Belenet, Mmes Catherine Conconne, Cécile Cukierman, M. Ronan Dantec, Mme Véronique Guillotin, M. Jean-Raymond Hugonet, Mmes Christine Lavarde, Catherine Morin-Desailly, Vanina Paoli-Gagin, MM. René-Paul Savary, Rachid Temal, vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, MM. Jean-Jacques Michau, Cédric Perrin, secrétaires ; M. Jean-Claude Anglars, Mme Catherine Belrhiti, MM. Éric Bocquet, François Bonneau, Yves Bouloux, Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Philippe Dominati, Bernard Fialaire, Mme Laurence Harribey, MM. Olivier Henno, Olivier Jacquin, Roger Karoutchi, Jean-Jacques Lozach, Cyril Pellevat, Alain Richard, Stéphane Sautarel, Jean Sol, Jean-Pierre Sueur, Mme Sylvie Vermeillet.

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