Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Le mercredi c'est aussi HackMusik

(Oui, ne restons pas dans des pantoufles trop confortables, des pistes trop conventionnelles pour parler du hacking. Le hacking devient aujourd'hui, de plus en plus, une mode, une sorte de jeu pour ceux "qui veulent en faire partie", et pourtant, et pourtant…

(Oui, ne restons pas dans des pantoufles trop confortables, des pistes trop conventionnelles pour parler du hacking. Le hacking devient aujourd'hui, de plus en plus, une mode, une sorte de jeu pour ceux "qui veulent en faire partie", et pourtant, et pourtant…)

Qu'il est difficile d'être réellement un hacker quand on n'a qu'un tee-shirt avec une tête de mort et un ordinateur portable recouvert d'autocollants explicites, une distribution GNU/Linux qu'on arbore comme un trophée et quelques scripts obscurs de scans de sites webs pour tenter toutes les nuits des injections SQL, afin de démontrer qu'on en est un.

Des hackers, il y en a dans de nombreux domaines. Ils le sont, hackers, ils le vivent le hacking, parce que c'est une façon de voir le monde. Un monde où l'homme est créatif, inventif, collaboratif, ingénieux, passionné, solidaire et talentueux dans ce qu'il fait, pour le plaisir de le faire. Mais en sortant des sentiers battus. En découpant en rondelles quelque chose pour en inventer une autre. Ce qui est aussi possible en musique.

C'est ainsi, qu'en 1959, sont entrés dans un studio d'enregistrement aux Etats-Unis, une bande de hackers de la musique. Invités par le plus génial d'entre eux. Pour mieux comprendre de quoi il retourne, et avant d'écouter onze minutes et 33 secondes de bonheur pur, laissons un critique musical s'exprimer, avant de parler de "comment ce hack musical extraordinaire s'est opéré" :

 "La plupart d'entre nous auraient tendance à être d'accord avec Jimmy Cobb, le batteur de l'album, qui disait à propos de Kind of Blue que ce disque "avait dû être composé au paradis" Et nous apprécions tous un petit coin de paradis de temps en temps…"

Pour avoir une idée de la création de cet album, voici une partie des notes rédigées à l'origine par Bill Evans à l'occasion de la sortie du 33 tours en 1959 :

Il existe une forme d'art japonais qui oblige l'artiste à être spontané. Il doit en effet peindre sur une fine feuille tendue de papier-parchemin avec un pinceau spécial et une peinture noire à l'eau, en tenant compte du fait qu'un mouvement brusque ou interrompu peut rompre le trait ou déchirer le parchemin. Effacer ou changer ce qui est inscrit est alors impossible. Ces artistes doivent s'imposer une discipline particulière, c'est-à-dire parvenir à laisser leurs idées s'exprimer par l'intermédiaire de leurs mains de façon suffisamment directe pour qu'aucune hésitation ne puisse intervenir. On ne retrouve pas dans ces images la composition recherchée ni les textures habituelles de la peinture, mais ceux qui les observent devraient y découvrir une forme d'expression qui échappe à toute explication. Cette conviction que l'action directe est la meilleur façon de traduire la pensée a, je crois, conduit à une évolution de la discipline unique et très exigente à laquelle se conforme le musicien de jazz ou d'improvisation.

L'improvisation collective représente un défi supplémentaire. A côté de la difficulté technique non négligeable de parvenir à une réflexion collective cohérente, il ne faut pas oublier le besoin véritablement humain, même social, de solidarité de la part de l'ensemble des membres pour que tous se consacrent au résultat commun. Je trouve que ce problème extrêmement complexe est abordé et résolu avec virtuosité dans cet enregistrement.

A l'instar du peintre qui a besoin des limites posées par son parchemin, le groupe d'improvisation musicale doit être encadré par le temps. Miles Davis présente ici des structures à la simplicité impressionnante contenant néanmoins tous les éléments requis pour stimuler la performance ainsi qu'une référence claire à la conception initiale.

Miles a conçu ces arrangements seulement quelques heures avant les enregistrements et est arrivé avec une ébauche de ce que le groupe allait jouer. Vous entendrez donc sur ce disque un son qui se rapproche de la spontanéité à l'état pur. Le groupe n'avait jamais interprété ces morceaux auparavant, mais je crois qu'à chaque fois la première prise complète était la bonne.

Bien qu'il ne soit pas rare d'attendre d'un musicien de jazz qu'il improvise sur de nouveaux arrangements lors d'une séance d'enregistrement, la nature de ces œuvres pose un défi particulier.

Alors, montez le son, détendez-vous, et laissez-vous embraquer dans ce hack musical collectif magistral.

A la trompette : Miles Davis. Julian "Canonball Aderley", saxophone alto. John Coltrane, Saxophone Ténor. Bill Evans, Piano. Paul Chambers, contrebasse. Jimmy Cobb, batterie.

Ingénieur du son : Fred Plant

Enregistrement produit par Irving Townsend

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