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par Antoine Champagne - kitetoa

Le JDD annonce la fuite de Ziad Takieddine

Mais se trompe sur les mesures de contrôle judiciaire

Condamné dans l'affaire Karachi, l'intermédiaire Ziad Takieddine aurait fui, selon le Journal du Dimanche. Au delà de l'affaire Karachi, Takieddine était au centre du volet du financement libyen de la présidence Sarkozy.

Jean-François Copé, Ziad Takieddine et Brice Hortefeux - D.R.

Selon Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du Journal du Dimanche, Ziad Takieddine se serait évanoui dans la nature.

Loupé ou faveur? Condamné lundi à cinq ans de prison dans l'affaire dite de Karachi, sombre histoire de pots-de-vin sur la vente de sous-marins liée au financement de la campagne d'Édouard Balladur en 1995, Ziad Takieddine ne s'est pas présenté au tribunal. Selon ses proches, l'intermédiaire aurait quitté la France et ne se trouverait plus au Liban, pays dont il a la nationalité mais qui a signé un traité d'extradition avec la France. Le parquet ayant requis son arrestation à la barre, sa disparition était plus que probable. Pourtant, rien n'a été fait pour l'empêcher, ce qui provoque l'irritation d'une partie de la haute magistrature.

De fait, il n'était l'objet d'aucun contrôle judiciaire, en dépit des charges retenues contre lui et de sa mise en examen dans l'enquête sur le prétendu financement libyen de Nicolas Sarkozy. Accusateur principal de l'ancien président, Takieddine pouvait voyager sans entraves, bien qu'il ait tenté à deux reprises en 2013 de fuir les juges de l'affaire de Karachi. Il est en outre le seul protagoniste convaincu d'avoir perçu de l'argent libyen (6 millions d'euros), mais n'a dû payer aucune caution dans ce dossier.

Les prises de positions d'Hervé Gattegno pour ce qui concerne l'affaire du financement libyen de la présidence Sarkozy ont plusieurs fois fait débat, notamment avec Mediapart qui ne voit pas l'affaire sous le même oeil, ou même les juges qui pensent que Alexandre Djouhri aurait pu le manipuler (bien lire la Boite Noire).

Dans le cas de la disparition de Ziad Takieddine, annoncée par Hervé Gattegno, il y a un point qui ne colle pas. Le patron du JDD indique que l'intermédiaire "n'était l'objet d'aucun contrôle judiciaire, en dépit des charges retenues contre lui et de sa mise en examen dans l'enquête sur le prétendu financement libyen de Nicolas Sarkozy. Accusateur principal de l'ancien président, Takieddine pouvait voyager sans entraves".

Or ce point est faux. Au cours des années, plusieurs mesures de contrôle judiciaire lui ont été appliquées, parfois renforcées, notamment parce qu'il ne respectait pas les précédentes et que justement, il avait voyagé sans en avoir le droit. Toutes ces mesures sont rappelées dans le délibéré de l'affaire Karachi (qui fait 450 pages). Le déroulé est un peu fastidieux à suivre tant les mesures et levées des mesures se suivent. Nous les reproduisons dans l'encadré ci-dessous.

Ce sont les deux dernières lignes qui nous intéressent :

– Arrêt de la chambre de l'instruction de Paris du 27 février 2014 ordonnant la mise en liberté et le placement sous contrôle judiciaire de M.TAKIEDDINE Ziad tel qu'instauré par l'ordonnance du 14 septembre 2011.

– Arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon du 20 janvier 2017 ordonnant le maintien sous contrôle judiciaire de M.TAKIEDDINE.

Dans a décision du 14 septembre 2011, le juge lui impose de remettre ses passeports Libanais et Français et carte nationale d'identité. A priori donc, jusqu'au 15 juin date à laquelle le délibéré a été rendu dans l'affaire Krachi, Ziad Takieddine ne disposait pas de papiers d'identité pour voyager.

Dans ce cas, comment, alors qu'il avait interdiction de quitter le territoire et n'avait plus ses papiers d'identité aurait-t-il pu s'enfuir ? Mystère.

Mesures de contrôle judiciaire imposées à Ziad Takieddine détaillées dans le jugement pour l'affaire Karachi

Prévenu

Nom : TAKIEDDINE Ziad

né le 14 juin 1950 à BAAKLINE (LIBAN) de TAKIEDDINE Mounir et de MALAK Houda Nationalité : française et libanaise

Situation familiale : divorcé

Situation professionnelle : consultant

Antécédents judiciaires : déjà condamné

Demeurant Immeuble Kojok, 7ème étage, chez sa sœur Zeira TAKIEDDINE, rue Abdellah Machnouk, BEYROUTH – LIBAN.

Situation pénale : placé sous contrôle judiciaire

Mesures de sûreté:

– Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en date du 14 septembre 2011, avec comme obligations :

– Art. 138 1° - Ne pas sortir sans autorisation préalable des limites territoriales suivantes : TERRITOIRE NATIONAL,

– Art. 138 5° - Se présenter à compter du 19 Septembre 2011 une fois par semaine au Commissariat de Police de Paris 16°,

– Art. 138 7° - Remettre les documents justificatifs de son identité suivants: passeport Libanais et Français et carte nationale d'identité au Tribunal de Grande Instance de Paris,

– Art. 138 9° - S'abstenir de recevoir, de rencontrer ou d'entrer en relation de quelque façon que ce soit avec les personnes suivantes : - Jacques Douffiagues, Dominique Castellan, Renaud Donnedieu de Vabres, Thierry Gaubert, Emmanuel Aris, Gérard-Philippe Menayas, René Galy Dejean, Nicoals Bazire et Brice Hortefeux.

– Arrêt de la chambre de l'instruction de Paris du 12 décembre 2013 faisant droit à la demande de mainlevée partielle, temporaire et ponctuelle du contrôle judiciaire de M.TAKIEDDINE: sur une période de 15 jours pour qu'il puisse se rendre exclusivement au Sénégal.

– Mandat d'amener en date du 30 décembre 2013.

– Ordonnance de révocation de contrôle judiciaire et de placement en détention provisoire en date du 31 décembre 2013.

– Ordonnance de mise en liberté assortie du contrôle judiciaire – caution préalable en date du 22 juillet 2013 (dans le cadre du dossier n°1311901288 ayant fait l'objet d'une jonction) avec les obligations suivantes : Page 6 / 446

– caution de QUATRE MILLIONS TROIS CENT TRENTE CINQ MILLES EUROS ( 4.335.000 €) en un versement. Ce cautionnement garantissant la représentation à tous les actes de la procédure a) - à concurrence de DEUX MILLIONS d'EUROS (2.000.000€) pour la représentation à tous les actes de la procédure ainsi que l'exécution des autres obligations prévues dans la présente ordonnance. B) - à concurrence de DEUX MILLIONS TRENTE CINQ MILLE EUROS (2.335.000€) pour le paiement dans l'ordre suivant : - des frais avancés par la partie civile, de la réparation des dommages causés par l'infraction et les restitutions ainsi que la dette alimentaire. Cette partie du cautionnement étant versée par provision en application de l'article 142-1 du Code de procédure pénale. - des frais avancés par la partie publique. - des amendes.

– Art. 138 I0 - Ne pas sortir sans autorisation préalable des limites territoriales suivantes - France métropolitaine. ,

– -Art. 138 9° - S'abstenir de recevoir, de rencontrer ou d'entrer en relation de quelque façon que ce soit avec les personnes suivantes : - Jean-Pierre CAGNAT, - San ZORMATI - Carlos PEREZ, - André Tyan.

– Arrêt de la chambre de l'instruction de Paris en date du 02 septembre 2013 infirmant partiellement l'ordonnance du 22 juillet 2013 (dans le cadre du dossier n°1311901288 ayant fait l'objet d'une jonction) : supprime l'obligation du cautionnement et y ajoutant deux obligations :

– remettre son passeport libanais, dans les 10 jours suivant sa libération, au greffe du doyen des juges d'instruction du Pole financier,

– se présenter une fois par semaine au commissariat de police de son lieu de résidence fixé à PARIS 16ème, à compter du lendemain de sa libération.

– Arrêt de la chambre de l'instruction de Paris du 27 février 2014 ordonnant la mise en liberté et le placement sous contrôle judiciaire de M.TAKIEDDINE Ziad tel qu'instauré par l'ordonnance du 14 septembre 2011.

– Arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon du 20 janvier 2017 ordonnant le maintien sous contrôle judiciaire de M.TAKIEDDINE.

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