Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Jacques Duplessy

Le film politique en plein renouveau

Allez voir Debout les femmes et La fracture !

Dans des genres très différents, un documentaire et une fiction, ces deux films invitent à la réflexion sur la fracture sociale française. Ils interrogent profondément sur la dignité des travailleurs pauvres et des oubliés de notre société. Ces fresques cinématographiques rappellent cruellement le double discours du gouvernement sur « le monde d’après » ne donnant que des miettes aux premiers de corvée ou continuant en pleine pandémie le démantèlement de l’hôpital public.

Affiche de Debout les femmes

Le documentaire de François Ruffin Merci Patron racontant le combat d’ex-employés des filatures du Nord contre Bernard Arnault et LVMH avait marqué les esprits. Cette satyre sociale joyeuse et burlesque, jubilatoire, aux dialogues qu’on croirait sortis d’un film d’Audiard avait attiré 518.000 spectateurs. En avril 2019, le député récidive avec_ J’veux du soleil_, un tour de France des ronds-points tenus par les Gilets Jaunes qui fera plus de 185.000 entrées.

Cette fois, il revient avec Debout les femmes, un « road-movie parlementaire » à la rencontre des femmes qui s’occupent de nos enfants, nos malades ou de nos personnes âgées. Histoire dans l’histoire, il y a la rencontre du député En Marche Bruno Bonnell, un chef d’entreprise dans les nouvelles technologies qui avait incarné un patron sans pitié dans l’émission de télé-réalité The Apprentice : qui décrochera le job  ? Bref, a priori, pas la tasse de thé du député Insoumis. « Mais qui m’a mis cette tête de con ? » s’interroge François Ruffin quand il apprend que Bonnell sera le co-rapporteur de cette mission d’information sur les « métiers du lien ».

Ensemble, avec ces invisibles du soin et du lien, ils vont traverser confinement et couvre-feu, partager rires et larmes, colère et espoir avec ces femmes. Ils vont arriver à un consensus au-delà des idéologies partisanes pour que ces travailleuses soient enfin reconnues, dans leur statut, dans leurs revenus. Ils déposeront d'ailleurs une proposition de loi le 29 septembre 2020.

En vain, ils vont se bagarrer des plateaux télés à la tribune de l’Hémicycle. Mais ce film, parfois drôle, parfois émouvant, invite à la réflexion sur ce que devient notre société et la prise en charge des plus faibles. On sort de la salle obscure reboosté par ces rencontres et l’énergie de ces femmes.

Entre rires et colère

Autre film à l’affiche, La Fracture. Catherine Corsini signe un film fort, puissant, où le spectateur court comme ce personnel soignant des urgences dans une ambiance de chaos un samedi de manifestation des Gilets Jaunes. On suit Raf et Julie, un couple au bord de la rupture, qui rencontre Yann, un manifestant blessé et révolté. Et dans ce chaos inextricable, parabole de fin du monde, la vie, avec ces moments de tendresse, d’impuissance, drôles aussi. On rit beaucoup de l’absurde des situations où ces soignants en grève travaillent comme des forçats, où les patients s’entraident dans cet hôpital qui fonctionne encore par on ne sait quel miracle, où les accompagnants prennent conscience – comme le spectateur – que quelque chose ne tourne pas rond dans notre société. Le jeu des acteurs est vraiment réussi. Et avec plus de 260.000 entrées, le succès est déjà au rendez-vous.

Dans des genres très différents, ces films invitent à la réflexion sur la fracture sociale française. Ils interrogent aussi profondément sur la dignité des travailleurs pauvres, des oubliés. Ces fresques cinématographiques rappellent cruellement le double discours du gouvernement promettant d’un côté « un monde d’après » et la prise en considération de ceux qui ont fait tourner le pays pendant la pandémie, ces « premiers de corvée », et ne donnant que des miettes ou continuant le démantèlement de l’hôpital public.

Deux films à voir avant d’aller poser un bulletin dans l’urne.

0 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée