Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Le débat sur l'identité nationale en mode disruptif et co-créatif

Ou comment Emmanuel Macron instrumentalise le nationalisme

Emmanuel Macron est un Nicolas Sarkozy avec la finesse en plus. Et ça change tout. On passe du comptoir du Bar des Amis et le fameux "débat sur l'identité nationale" à un nationalisme exacerbé par le rejet d'autrui : les réfugiés.

Emmanuel Macron en meeting à Paris le 10 décembre 2016 - Copie d'écran - CC

Quoi de mieux qu'une bonne dose de nationalisme pour resserrer les rangs dans un pays miné par les crises. La crise économique, l'ultra-libéralisme galopant qui amène son lot d'incertitude, la sensation d'un avenir incertain quand tous les acquis sociaux sont défoncés à grand coups de boutoir chaque jour qui passe... Tout cela divise, crée de l'angoisse. A cela, un politique sans foi ni loi peut opposer une raison de se rassembler, histoire de faire passer la pilule. Oui mais quoi ? Certainement pas des avancées sociales, ni des idées pour améliorer la vie de la majorité, Emmanuel Macron règne pour une minorité. Une toute petite minorité. Non, ce qui marche à tous les coups, c'est de flatter les plus bas instincts de la population. Et le nationalisme, c'est un très bon sujet.

Oh, bien sûr, il n'est pas question de relancer l'innommable débat sur l'identité nationale inventé par Nicolas Sarkozy. Non, Manu est bien plus fin que l'ancien président. Mieux éduqué, plus diplômé, plus cultivé, plus subtil. Il va trouver autre chose. Agiter un chiffon rouge, un truc bien anxiogène, qui rassemble tout le monde contre lui... Comme la "submersion" du bon peuple de France par les migrants. On retrouve les ressorts de "l'insécurité" agitée en son temps par la droite. Ou "l'invasion migratoire", des "allogènes" qui vont te détruire en deux temps trois mouvements une société bien blanche, avec des racines bien chrétiennes crétines, ressassée par l'extrême-droite. Si le peuple de gauche, ou ce qu'il en reste trouve cela indécent, ce n'est pas bien grave, le peuple de droite et d'extrême-droite va applaudir. Et ça fait du monde.

Tout en travaillant au démantèlement des joyaux de la couronne, la SNCF, ADP, la Française des jeux, Engie, Jupiter a eu une idée géniale. Faire oublier qu'il est le président d'une toute petite minorité en ralliant le bon peuple à une cause : le rejet des réfugiés. C'est la sérendipité propre à la startup nation coco. Tu planches sur un truc et paf ! Tu as une idée géniale. Il est fort Manu.

On commence par lâcher papy gâteux gâteau qui va se laisser aller comme le vieux tonton un peu poivrot qui vote Jean-Marie depuis toujours et qui pourrit les déjeuners familiaux du dimanche. Et ça n'est pas triste. Il va te parler des migrants qui font "un peu de benchmarking" au moment de choisir leur pays de destination. Il va trouver "choquant" le port du voile par la présidente de l'UNEF : "C'est du prosélytisme. On le voit bien qu'il y a un certain nombre de gens qui au travers de ces signes sont dans la provocation". Il va estimer que "certaines régions sont en train de se déconstruire parce qu’elles sont submergées par les flux de demandeurs d’asile".

On n'hésitera pas non plus à revoir le droit du sol. Tout doucement, par petites touches. Commençons par Mayotte, on verra plus tard pour le reste du territoire... Même la droite qui a tant courtisé l'extrême-droite n'avait pas osé.

Ensuite, on s'en prend à ces gens qui sauvent des réfugiés de la noyade en Méditerranée en les accusant de faire "le jeu des passeurs, en réduisant le coût du passage". Trop fort Emmanuel, après le benchmarking, les ONG qui "réduisent le coup du passage" des migrants. Criminaliser le sauvetage en mer, qui aurait pu imaginer cela ?

Novlangue : les camps de concentration deviennent des centres fermés

Mieux, Emmanuel Macron s'est dit favorable, comme l'Espagne à la création de "centres fermés sur le sol européen dès le débarquement" des migrants. Cette annonce, venant de l'Espagne est d'autant plus étonnante que la France s'est illustrée par le passé au détriment des réfugiés espagnols fuyant le franquisme en les enfermant dans des camps. Un passé bien peu glorieux que rappelait Padre Pio en 2016.

Une gestion de l'accueil qui basculera un peu plus tard dans l'horreur totale avec des "centres fermés" comme Drançy ou le Camp des Milles.

Bien sûr, Manu aurait pu essayer de rassembler les Français sur une thématique un peu plus noble. Par exemple, puisque l'on faisait face à une crise des réfugiés, essayer de les embarquer dans une réflexion autour de vieux principes de ce peuple issu des Lumières. Comme cet article premier de la déclaration des droits de l'homme de 1789 : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune". Et nul doute que dans l'esprit de ceux qui ont écrit cela, cela s'appliquait aussi aux hommes venus d'Afrique ou d'ailleurs. Manu aurait aussi pu nous inciter à plancher sur la devise française : "Liberté, Egalité, Fraternité".

Mais il faut dire que ces derniers temps ça se discute, tout ça. La Liberté, c'est désormais celle d'être d'accord avec Jupiter, l'Egalité, c'est pour les happy few et quant à la Fraternité... Heuuu... Rien.

4 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée