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par Antoine Champagne - kitetoa

Le changement, ce n'est pas tout à fait maintenant

"Le changement, c'est maintenant", nous promettait François Hollande. Pourtant, après trois jours de présidence du changement, un certain nombre de choses restent bien ancrées. Inchangée, la presse. Elle n'a de cesse d'utiliser la brosse à reluire, de s'ébaudir de la prise de fonction de ces politiques "forcément différents" et donc, "forcément mieux" que les précédents.

"Le changement, c'est maintenant", nous promettait François Hollande.

Pourtant, après trois jours de présidence du changement, un certain nombre de choses restent bien ancrées.

Inchangée, la presse. Elle n'a de cesse d'utiliser la brosse à reluire, de s'ébaudir de la prise de fonction de ces politiques "forcément différents" et donc, "forcément mieux" que les précédents. De la même manière qu'elle avait encensé Nicolas Sarkozy, l'homme "volontaire", de la "rupture", au cours des premières années de son quinquennat, elle renouvelle l'exercice avec François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils incarnent le changement, ils sont "déjà au travail", tout y passe. Les mêmes qui tressaient des lauriers à Nicolas Sarkozy en début de mandat, les mêmes qui l'ont ensuite dézingué (à juste titre) par la suite pour se caler sur l'opinion publique, en l'occurrence, leurs lecteurs, retombent dans les mêmes travers.

La presse transforme en spectacle la politique. Quel intérêt peut bien avoir une passation de pouvoir pour que l'on fasse de cet acte une série télé à faux rebondissements ? Quelle valeur informative a cette réunion de quelques minutes entre un président sortant et un Président entrant pour que l'on assomme les lecteurs/auditeurs/téléspectateurs sur toute une journée ? Le matin, on annonce ce qui va se passer, dans les moindres détails. On assure un direct ininterrompu pendant la passation de pouvoir. Et par la suite, jusqu'à la fin des programmes, tard le soir, on commente les "symboles" que le nouveau Président a voulu faire passer. La France hurle "On s'en fout" depuis des années. L'ancien président a été boudé par les électeurs, en partie en raison de sa propension à transformer en événement incontournable et forcément ultra médiatisé tout et n'importe quoi.

Immuable aussi, l'usage d'"éléments de langage". Depuis la prise de fonction du nouveau Président, la presse dans son ensemble, utilise étrangement les mêmes mots, les mêmes expressions pour évoquer l'actualité. Tous les journalistes parlent d'un gouvernement "déjà au travail". Pourquoi ? Ils avaient prévu de se rouler les pouces ? Ils sont tellement au travail qu'ils ont pris leurs fonctions un jour férié, qu'ils ont tenu leur premier conseil des ministres (ben oui, si l'on avait des flemmards, ils auraient eu leur premier conseil dans six mois...) et que plusieurs ministres ont fait leur première incursion "sur le terrain". Manuel Valls dans un commissariat, Marisol Touraine dans un hôpital...

On sent que tout va changer avec ces visites. On sent qu'il était urgent pour la presse d'en rendre compte. De tels événements... C'était incontournable. Il fallait en parler. Beaucoup.

On a même les journaux qui nous proposent de "revivre la première journée du gouvernement Ayrault en direct". Bien sûr on peut s'interroger sur la possibilité de revivre un événement "en direct" lorsqu'il est derrière nous, mais surtout, on peut se demander si revivre la première journée d'un gouvernement a un quelconque intérêt.

Ma grand-mère disait toujours "faire la charité, c'est bien, le dire, ce n'est plus la faire". Appliqué au "changeurs de maintenant", "se mettre au travail c'est bien, et c'est normal, le dire et le redire, c'est pathétique".

Madame est aux commandes

Autre point qui ne change pas, la mise en avant de la "première dame".

Anne-Aymone Giscard d'Estaing était un très joli pot de fleur et son mari la mettait en scène assez régulièrement dans des tableaux visant à le faire passer pour un homme proche du peuple. Bernadette Chirac était madame pièces jaunes, elle faisait tant pour le bon peuple et les hôpitaux avec son judoka de copain... Cécilia et Carla avaient pour rôle d'effacer quelques idée ancrée dans la tête du président. Celui-ci étant profondément complexé par sa taille voulait probablement démontrer qu'il était "capable" de séduire des femmes de grande taille.

Et ces deux femmes ont tenté chacune à leur manière de créer un rôle "officiel" pour la "première dame". Rôle qui n'existe pas dans la constitution.

L'une est allé "libérer" dans les conditions que l'on connait aujourd'hui, les infirmières bulgares. L'autre, "épidermiquement de gauche" au moment de son mariage, était devenue une "caution morale" pour son ultra-droitier de "Monmari". Si une femme "épidermiquement de gauche" cautionnait son action, c'est (pour les électeurs de gauche) que cette politique n'était pas si mauvaise que ça...

Valérie Trierweiler ne déroge pas à la règle, elle veut avoir une place, une vraie aux côtés de son Président. Elle veut "réinventer la fonction de première dame". Visiblement, les Français ne lui ont pas dit qu'ils ne lui demandaient rien et qu'étrangement, elle n'avait été élue à aucun poste après cette campagne présidentielle.

Quant aux journaux, sur ce point également, ils rivalisent de comparaisons stupides, comme ils l'avaient fait avec Nicolas Sarkozy. Ils avaient à l'époque comparé son couple au couple Kennedy.  Cette fois, Valérie Trierweiler est une star hollywoodienne. Pour le Figaro, par exemple, « Très star hollywoodienne, entre Lauren Bacall et Katharine Hepburn, Valérie Trierweiler a des allures de femme fatale.  ». Pas modeste, comme le rappelle le Canard Enchaîné de cette semaine (p.1), la compagne du Président se voit bien en Eleanor Roosevelt parisienne : « A partir de mardi, je peux peut-être écrire sur mon expérience de journaliste à l’Elysée, comme Eleanor Roosevelt, qui tenait ses Carnets à la Maison-Blanche ».

Ça va être marrant quand la première dame française va demander une interview à Barack Obama en marge d'un diner officiel. "Come on Barack, it's for my little french Eleanor's notebook". On va encore avoir l'air fins. Ce n'est pas du changement, c'est de la continuité.

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