Journal d'investigation en ligne
par Antoine Champagne - kitetoa

Le cerveau émet une « onde de la mort »

Mais ce n’est pas forcément la fin...

Lorsque nos neurones cessent d’être approvisionnés en oxygène, notre cerveau produit une « onde de la mort » qui se propage, signalant la fin imminente. Mais une étude qui a mis en évidence cette onde, démontre également qu’il est encore possible de réanimer les neurones avant le grand saut.

Les intrigantes ondes électriques du cerveau... - vues par Midjourney - CC
Vous lisez un article réservé aux abonnés.

S’il y a bien une question qui secoue l’humanité depuis la nuit des temps, c’est celle-ci : que se passe-t-il au moment où l’on meurt et est-ce qu’il y a quelque chose après ? Si la réponse est encore loin, les scientifiques repoussent les limites de notre compréhension de ce phénomène qui nous attend tous : notre disparition. Antoine Carton-Leclercq, neuroscientifique a publié il y a quelques mois une étude mettant en évidence « l’onde de la mort » lorsque les neurones ne sont plus suffisamment approvisionnés en oxygène. Elle est initiée dans les couches centrales du cortex cérébral et se propage vers sa périphérie. Le cortex cérébral étant la partie la plus superficielle du cerveau. « L’activité des neurones va s’atténuer progressivement, jusqu’à un état de parfait silence électrique qui correspond à un électroencéphalogramme plat. Ce silence sera pourtant interrompu par la dépolarisation des neurones, qui se manifeste sous la forme d’une onde de grande amplitude baptisée "onde de la mort", qui se propage sous forme de vague et altère la fonction et la structure du cerveau », explique l’équipe qui a mené cette étude.

« Cet événement critique, que l’on appelle dépolarisation anoxique, induit une transition d’état dans les neurones de tout le cortex, les rendant alors incapable de transmettre des messages électriques. En l’absence d’intervention, cette onde figure l’arrêt total et définitif des activités cérébrales », précise Antoine Carton-Leclercq. Mais ce n’est pas forcément la fin…

En effet, l’étude menée sur des rats démontre que dans le cas d’une ré-oxygénation réussie du cerveau, l’onde de la mort est suivie par une « onde de la réanimation » qui annonce une lente récupération des fonctions cérébrales. « Il nous fallait comprendre dans quelles zones du cerveau l’onde de la mort est susceptible de faire le plus de dégâts, pour préserver au maximum les fonctions cérébrales », indique Antoine Carton-Leclercq. L’enjeu étant désormais de mieux gérer les cas de réanimation et éviter autant que possible les dégâts. Pour le professeur Stéphane Charpier (Sorbonne Université), responsable de l’équipe de recherche, « désormais, il faudra établir dans quelles conditions exactes ces fonctions peuvent être rétablies, afin de développer des médicaments neuroprotecteurs pour accompagner la réanimation en cas d’arrêt du cœur et des poumons. »

Les différentes étapes de l'expérience - © Antoine Carton-Leclercq
Les différentes étapes de l'expérience - © Antoine Carton-Leclercq

Pour le commun des mortels, la question reste entière : quand est-on mort ? « La mort est historiquement très cardio-centrée », explique Antoine Carton-Leclercq à Reflets. « Il y a des personnes qui sont dans un état sans activité cérébrale et dont on sait qu’elle ne reviendra jamais mais qui continuent d’avoir un cœur battant en bénéficiant d’une respiration artificielle. On considère qu’une personne est en état de mort cérébrale lorsqu’il n’y a plus de réaction faciale et pupillaire, plus de respiration et un électroencéphalogramme plat », explique le chercheur.

Dans l’expérience qu’il a menée, la ré-oxygénation est lancée lorsque l’onde de la mort apparaît. « Dans 60% des cas, l’onde de la réanimation apparaît », indique Antoine Carton-Leclercq. « L’onde de la mort n’est donc pas l’onde de la mort puisque l’on peut relancer le processus de vie, sourit-il. Est-ce que l’onde de la mort est liée aux expériences de mort imminentes souvent décrites ? On ne sait pas à ce stade des recherches quand se produisent les expériences de mort imminente. » Pour Antoine Carton-Leclerc, ce n’est pas au moment où se déclenche l’onde de la mort. « La perception du monde qui nous entoure est une construction du cerveau. Les sensations de sortie de corps, de marche vers une lumière, ce sont des choses qui ont été très bien documentées, notamment par la chercheuse Charlotte Martial ». Elle a montré que « ces phénomènes étaient communs à des personnes issues de différentes cultures et qu’ils pouvaient être reproduits à l’aide de drogues psychédéliques et ou dissociatives. Ce qui indique que ce sont des processus neurologiques », poursuit Antoine Carton-Leclerc.

En fait, « les personnes qui sont revenues ne sont pas mortes… » s’amuse le chercheur. « Les expériences de sortie de corps sont facilement reproductibles, le cerveau peut nous faire croire toutes sortes de choses », conclut Antoine Carton-Leclercq.

La mort, la vraie, reste donc toujours, pour l’instant, un mystère. Et finalement, c’est peut-être cela qui donne du sens à la vie ?

2 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée