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par Delphine Courel

La loi Veil a eu 40 ans : retour sur son histoire

Le 26 novembre de cette année, date anniversaire de l'ouverture des débats de la loi Veil de 1975, ce texte a été revoté de façon symbolique. Une façon d'assoeir cette loi une bonne fois pour toute et de faire taire les rumeurs quand à une probable remise en cause dans le droit fil de ce qui a été tenté en Espagne. Elle a été votée par 147 députés sur 150.

Le 26 novembre de cette année, date anniversaire de l'ouverture des débats de la loi Veil de 1975, ce texte a été revoté de façon symbolique. Une façon d'assoeir cette loi une bonne fois pour toute et de faire taire les rumeurs quand à une probable remise en cause dans le droit fil de ce qui a été tenté en Espagne. Elle a été votée par 147 députés sur 150.

Si certains d'entre eux se sont insurgés contre ce vote symbolique, d'autres ont carrément voté contre, tel le député UMP des Yvelines et président du Parti-chrétien démocrate, Jean-Frédéric Poisson, qui expliquait son point de vue "Je suis en principe opposé à tout acte qui consiste à mettre fin à la vie d'un être humain innocent. (...) L'avortement est une réalité grave, souvent douloureusement vécue par les femmes".

Christine Boutin, présidente d'honneur du Parti Chrétien Démocrate, a quant à elle affirmé sur twitter "Il y a 40

Capture du 2014-11-28 13:04:32
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 ans je recevais un coup de poignard dans le cœur avec le vote de cette loi ! Il entraîna ma carrière politique ! ".

Jacques Bompard, député apparenté extrême-droite, s'est quant à lui lui excusé de voter contre, estimant que les avortements sont de "nombreux attentats contre le bon sens».

Mais rappelons quelques dates clefs. En 1967, est votée la légalisation sur la contraception. En 1971, est publié le manifeste des 343. En 1972, le procès de Bobigny fait scandale. En 1973, parait le manifeste des 331.

Simone_Veil_(1993)_by_Erling_Mandelmann
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À la suite de son élection, Valéry Giscard d'Estaing, charge alors Simone Veil, Minisitre de la Santé, de proposer un projet de légalisation sur l'avortement.

Elle tiendra ce discours devant l'assemblé Nationale :

« Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu'il perde ce caractère d'exception, sans que la société paraisse l'encourager ? Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme - Je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. »

La loi est adoptée à la presque majorité des députés de gauche et du centre.

La loi Veil, IMG (Interruption médicale de Grossesse), légalise donc l'avortement sous certaines conditions :

  • si la grossesse met gravement en danger la santé de la femme enceinte,
  • si l'enfant à naître est atteint d'une affection particulièrement grave et incurable.
  • si telle est la volonté de la mère ;
  • si les experts l'autorisent ;
  • et s'il n'y a pas d'autres alternatives.

L'IMG peut être pratiquée à tous moment de la grossesse.

Il ne faut pas confondre IMG et IVG.

L'IVG votée parallèlement à l'IMG, permet à toute femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse de demander à un médecin l’interruption de sa grossesse, qu’elle soit majeure ou mineure, française ou étrangère. Seule la femme concernée peut en faire la demande et seul un médecin peut la pratiquer, jusqu’à la fin de la douzième semaine de grossesse. Ceci est un droit garanti par la loi (article L.2212-1 du code de la santé publique).

Cette loi a bien évidemment évolué au fil des années, et la durée légale durant laquelle l'IVG est encore possible a été revue de nombreuse fois.

Rappelons également que, l'IVG est légalisée, en France, au Canada, en Suisse, et en Italie. Que le fœtus n'a, aux yeux de la loi française, pas d'existence en tant que personne légale. Que l'IMG, ou encore interruption thérapeutique de grossesse (ITG), n'est en rien comparable à l'IVG pour les raisons précédemment énoncées.

Dans l'histoire, avant la loi Veil en faveur de l'IMG et de l'IVG, les femmes désirant avorter devaient le faire clandestinement, souvent hors médicalisation, et dans des conditions particulièrement précaires. Ces avortements avaient des conséquences souvent très lourdes. On utilisait des produits chimiques, divers objets perçants ou encore des plantes, ce qui avait pour conséquence d'entraîner de graves blessures internes, la stérilité (et même parfois la mort), sans pour autant aboutir à un avortement.

Elles consistaient à :

- s’enfoncer dans le vagin ou dans l’utérus, des tringles de rideaux, des aiguilles à tricoter , des baguettes et des tiges ; s’introduire des plantes ou du piment dans le vagin ou l’utérus, ou en avaler ; - s’injecter dans le vagin et l’utérus, ou avaler des produits chimiques (permanganate, eau de Javel, crésyl, DDT (un pesticide très dangereux), soude liquide, détergents, pétrole...) ; - avaler de grandes quantités de médicaments, comme par exemple de la nivaquine, de l’aspirine ou des antibiotiques ; - se porter des coups sur le ventre, le bander très serré, se laisser tomber dans les escaliers, faire des exercices ou des danses très violentes.

Les conséquences de ces "avortements" étaient graves. Nombre de ces femmes, mouraient, tombaient malades, ou devenaient stériles. Les connaissances médicales de ces soit-disant "médecins" clandestins étaient si limitées, qu'ils détérioraient l'appareil reproducteur des femmes, en perçant les trompes, la vessie, et en y introduisant des bactéries par le biais d'objets non stérilisés. Beaucoup de femmes mourraient d'hémorragies, dues à un avortement incomplet, ou encore parce qu'un organe avait été abîmé et percé ou déchiré.

En 2015, on sait que ces pratiques existent encore, et ce, même dans les pays où l'IVG est légalisée.

Cette loi continue malgré tout de faire scandale. A l'heure où l'être humain est libre de son corps, libre de ses choix, un grand nombre de personnes sont encore pour son abolition.

L'Espagne a tenté en 2014 de revenir sur le droit à l'avortement.

Les détracteurs de cette loi avancent souvent des arguments qui effectivement peuvent faire sens, comme le fait qu'un embryon, même s'il n'a pas de statut légal, reste un être vivant et qu'on ne peut sous aucune condition interrompre sa vie. Selon eux, il existe par ailleurs suffisamment de contraceptifs pour éviter les "accidents".

Il est effectivement indéniable qu'à 12 semaines de grossesse, une échographie permet rapidement de constater que cet embryon ressemble bien à un être humain. Il est effectivement réaliste de dire qu'aujourd'hui nous disposons d'un grand nombre de moyens contraceptifs et nous ne parlons pas ici des préservatifs. Mais contrairement aux idées reçues, les contraceptifs ne sont pas fiables à 100%.

En outre, une femme sait ce qui se passe lorsqu'elle tombe enceinte. Une femme sait qu'elle porte la vie, que cela fasse deux jours ou 6 six mois. Une grossesse n'est pas toujours désirée, une grossesse n'est pas toujours la bienvenue, les conditions ne sont pas toujours les plus favorables, la façon dont une femme est tombée enceinte n'est peut-être non plus idéale (viol, inceste, ...). Il est sans doute toujours, toujours préférable d'éviter une IVG. Mais il appartient aux femmes, de choisir leur grossesse.

Une IVG laissera toujours une trace. Une IVG n'est pas un acte anodin. Aucune femme ne fait ce choix de gaieté de coeur. Aucune n'aimerait avoir à faire ce choix un jour. Aucune femme ne veut supporter le regard du médecin ou de son entourage.

C'est pour toutes ces raisons et tellement d'autres encore, que cette loi Veil à été revotée à titre symbolique ce 26 novembre 2014.

Comme le souligne Catherine Coutelle (PS) Présidente de la Délégation aux Droits de Femmes , "le droit universel des femmes à disposer librement de leur corps (qui) est une condition indispensable pour la construction de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, et d'une société de progrès».

Merci Madame Veil pour cette loi, pour toutes ces femmes qui en ont un jour eu besoin, et pour toutes celles à venir qui devront faire ce choix si difficile.

Intialement publié sur Godzimama

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