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par Antoine Champagne - kitetoa

La Loi du soupçon intérieur arrive : place à l'arbitraire

Photo : © Martin Colombet - @martincolombet On ne les compte plus. Les loi sur la sécurité, contre le terrorisme... C'est pour votre protection. Ne craignez rien, nous sommes un Etat de droit. Une démocratie. Et ceux qui votent ces lois sont l'émanation du suffrage universel. Donc, ils le font en votre nom. Attentifs, ensemble, contre les menaces... Oui, sauf que... La démocratie perd son ADN lorsqu'elle adopte les armes de ceux qui veulent la détruire.

Photo : © Martin Colombet - @martincolombet

On ne les compte plus. Les loi sur la sécurité, contre le terrorisme... C'est pour votre protection. Ne craignez rien, nous sommes un Etat de droit. Une démocratie. Et ceux qui votent ces lois sont l'émanation du suffrage universel. Donc, ils le font en votre nom. Attentifs, ensemble, contre les menaces... Oui, sauf que... La démocratie perd son ADN lorsqu'elle adopte les armes de ceux qui veulent la détruire. Et c'est le cas depuis longtemps (aux Etats-Unis notamment). En attendant, vous entrez dans un Etat policier, dans un arbitraire complet et vous donnez les outils nécessaires à une dictature pour s'installer si un jour les "élus du peuple" étaient des apprentis dictateurs. Pour tout dire, à force de renoncements, le peuple de France (et ceux d'ailleurs) ne sont pas habilités à se plaindre de ces reculades de l'Etat de droit.

Comme l'ont très bien expliqué les Décodeurs du Monde, "le projet de loi "renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure", qui sera examiné par les députés à partir de lundi 25 septembre, reprend presque toutes les mesures pour les intégrer dans le droit commun".

Ce que nous réserve le gouvernement Philippe, c'est un bond en arrière inédit des libertés publiques. Les avocats, les juges, les associations, tout ce qui constitue généralement un contre pouvoir à l'exécutif le crie depuis des mois, des années même, si l'on tient compte des multiples reculs opérés notamment sous Sarkozy.

Et les Français se taisent.

Et les députés votent.

Et les gouvernements font reculer les libertés publiques qui définissent notre démocratie.

Nous nous sommes habitués à ces reculs. Nous les avons intégrés. Nous vivons avec, car aujourd'hui, ils ne nous touchent pas personnellement. Pas encore. Nombreux pourtant sont ceux qui ont déjà compris et souffert de cet arbitraire . Syndiqués, militants, manifestants...

Ils se sont vus assignés à résidence, interdits de manifester. Demain, ce sera vous, cher lecteur. Vous n'avez rien à vous reprocher ? Et alors  ? Dans le règne de l'arbitraire où la Justice n'est plus là pour superviser l'action de la police, tout est possible. En attendant, un rapport parlementaire détaille le résultat des perquisitions administratives permises par l'état d'urgence :  sur 4 300, moins de 0,7 % ont débouché sur des dossiers concrets.

Tu m'écoutes ?!

Ces reculades ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Car ce qui relève des services secrets est par définition... secret. Notre enquête sur IOL a été longue et pénible, justement parce que IOL était couvert par le secret défense. Et déjà, bien que le programme soit illégal à l'époque où il a été mis en place (pour faire simple), il s'agissait d'écoutes "administratives". Donc, généralement à la demande des services et couvertes par le secret défense.

Les capacités d'écoute ou de surveillance "électronique" sont désormais telles, que rien de votre vie ne peut échapper à un service qui s'intéresse à vous. Imaginez une démocratie où un juge, un avocat, un politique n'a plus aucune vie privée et où tous ses secrets peuvent être connus de l'exécutif. Quelle indépendance peuvent-ils conserver ?

Oui mais quand même, pour lutter contre les terroristes...

Oui, il faut des outils. Mais pas une impunité et une liberté totale. Pas dans un arbitraire complet. Ce qui ressort des affaires terroristes de ces dernières années, pour qui a travaillé sur ces sujets, c'est que les "services" avaient les auteurs dans leurs radars depuis longtemps. Certains parlent de ratés. Disons qu'il est difficile de mettre tous les suspects sous surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les nouveaux outils proposés par le gouvernement Philippe n'auraient pas permis d'éviter les attentats. Exemple trivial : le gouvernement Philippe rêve de pouvoir appliquer un bracelet électronique à des suspects. Justement, l'un des tueurs du père Hamel en avait un... Il est sorti de chez lui juste après l'heure à laquelle il pouvait quitter son domicile et s'est dirigé vers une église ou il a poignardé un vieil homme...

Croit-on vraiment que si l'on appose un tel bracelet à un suspect "fiché S", déterminé à réaliser un attentat, que si on lui interdit de sortir d'un territoire restreint, que l'on écoute ses communications, on l'empêchera de passer à l'acte ?

Si ce n'est pas le cas, et tout porte à croire que ce ne l'est pas, à quoi servent ces mesures ?

Vous avez deux heures, fermez vos livres de droit, sortez une feuille.

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