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par Stanislas Jourdan

La Banque centrale de Grèce ouvre les vannes (#toutvabien)

La nouvelle n’étonne qu’à moitié les analystes : cela fait plusieurs mois maintenant que le secteur bancaire grec, en plus d’être écarté des marchés interbancaires, est en proie à une fuite des dépôts. C’est simple : les banquiers grecs sont tout autant en difficulté que leur gouvernement. Pour éviter la faillite, les institutions bancaires du pays n’ont d’autre choix que de recourir aux opérations de refinancement de la Banque centrale Européenne (BCE).

La nouvelle n’étonne qu’à moitié les analystes : cela fait plusieurs mois maintenant que le secteur bancaire grec, en plus d’être écarté des marchés interbancaires, est en proie à une fuite des dépôts. C’est simple : les banquiers grecs sont tout autant en difficulté que leur gouvernement.

Pour éviter la faillite, les institutions bancaires du pays n’ont d’autre choix que de recourir aux opérations de refinancement de la Banque centrale Européenne (BCE). Ce qu’elles font massivement : sur les douze derniers mois, les banques grecques recevaient en moyenne 90 milliards d’euros de liquidités chaque mois.

Bien que potentiellement illimitées, les opérations de refinancement de la BCE sont néanmoins conditionnées à la présentation d’actifs de qualité par les banques (le “collatéral”). D’ailleurs, suite à la dégradation de la note de la Grèce par les agences de notation, les obligations souveraines grecques ne pouvaient théoriquement plus être présentées comme collatéral. Mais compte tenu de la mise en place du plan de sauvetage du pays par l’Union Européenne, Francfort avait alors décidé de faire uneexception à ses propres règles, continuant d’accepter en collatéral les 40 milliards d’euros de bons du trésor grecs détenus par les banques helléniques.

 

En dépit de ce soutien, la fuite des dépôts et la hausse des besoins de financement des banques n’a pas été endiguée depuis. En juin dernier, ce sont encore 5 milliards d’euros qui avaient quitté le pays, s’ajoutant aux 50 milliards d’euros déjà perdus par les banques grecques depuis janvier 2010. Conséquence de ces fuites, le refinancement des banques par la BCE avait atteint un pic avec 103 milliards d’euros empruntés en juin dernier.

Pour ne rien arranger, les banques grecques sont sur le point de subir une diminution d’environ 10 milliards d’euros de dépôts gouvernementaux, dans le cadre du plan de sauvetage financier du pays. Ça commence à chauffer.

La banque centrale de Grèce à la rescousse

Heureusement, les banques centrales ont toujours plus d’un tour dans leur sac. Confirmant une rumeur qui court depuis quelques jours,le journal athénien Imersia rapporte que la Banque centrale grecque aurait discrètement activé un instrument monétaire de dernier recours : les “emergency liquidity assistance” (ELA).

Selon des explicationsde la BCE sur ce sujet, l’utilisation de cet instrument monétaire, décidé au cas par cas, et est réservé au renflouement de banques « illiquides mais solvables », tout en précisant que « la différence entre ces deux concepts est parfois difficile à établir en période d’instabilité financière »...

La différence entre les ELA et les opération de refinancement classiques de la BCE est qu’elles ne sont pas soumises à d’autres garanties que la signature du ministère des finances grec. Concrètement, la banque centrale grecque est donc en train de jouer le rôle de “prêteur de dernier ressort” : elle renfloue les banques en créant de la monnaie scripturale afin d’éviter une faillite de ces dernières.

Et la BCE, dont l’accord reste néanmoins nécessaire, n’a d’autre choix que d’accepter afin d’éviter un nouveau chaos au sein de la zone euro.

Le cas irlandais : un échec

Ce n’est pas la première fois que les emergency liquidity assistance sont activés dans la zone euro. En septembre 2010, la banque centrale d’Irlande, avec l’accord et lagarantie du gouvernement irlandais, avait décidé d’octroyer des liquidités en urgence aux banques, elles-aussi affectées par un “bankrun”.

L’octroi de ces liquidités d’urgence est censé être très temporaire. Mais en réalité, cela constitue un signal si inquiétant pour les marchés que le retour à la normale n’en devient que plus difficile encore. Ceci d’autant que les banques centrales ne divulguent que très peu de détails sur ces opérations, ce qui n’aide pas à rétablir la confiance.

Après bientôt un an, les banques irlandaises sont toujours dépendantes des prêts d’urgences de la Banque centrale d’Irlande. En juillet dernier, ces opérations représentaient encore environ 50 milliards d’euros tandis que 54 milliards d’euros ont continué de quitter les banques irlandaises.

 

 

Transfert du risque sur le contribuable

Plus grave, cette décision n’est pas sans effet pour les contribuables Irlandais et Grecs. En effet, si la BCE doit nécessairement approuver ces opérations, ce sont les banques centrales nationales qui prêtent pour leur propre compte, la BCE se dégageant de toute responsabilité. Autrement dit, en cas de défaut de paiement des banques grecques ou irlandaise, ce sont les contribuables - via les banques centrales nationales dont les Etats sont actionnaires - qui en supporteraient, in fine, les pertes.

On imagine rapidement la catastrophe dans le cas de la Grèce ou de l’Irlande, pays déjà sinistrés par des plans d’austérité sévères, des marchés qui refusent de prêter, et des citoyens déjà bien indignés, pour ne pas dire plus...

Retour à la case départ

Chute du cours de bourse des banques françaises, méfiance des banques américaines à l’égard des filiales européennes, tensions sur les marchés interbancaires... ce qui est devenu une crise de la dette souveraine est en train de retourner à son point de départ : une crise systémique bancaire.

Prêter à des banques sans garanties sérieuses n’est pas anodin. En se substituant aux marchés dès que ceux-ci se détournent des zones à risque, les banques centrales sont en train de maintenir l’illusion que le secteur bancaire peut se relever sans essuyer les pertes qu’il causé pour l’économie mondiale. Ce petit jeu ne pourra pas durer indéfiniment. Comme le rappelait encore Christine Lagarde à Jackson Hole hier, les banques européennes doivent être recapitalisées. Mais qui va payer ? C’est l’éternelle question.

 

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