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par Antoine Champagne - kitetoa

La vieille histoire des "copinages malsains"

Où comment surgit le fantôme de Charles Pasqua

L'affaire Benalla/Macron résulterait de "dérives individuelles inacceptables, sur fond de copinages malsains". Problème : ces copinages remontent loin et n'ont pas fini d'exister.

Les collègues d'Alexandre Benalla, le 1er mai - Taranis News - © Tarani News

Auditionné par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, le préfet de police de Paris, Michel Delpuech a eu cette phrase : « Fondamentalement, ces événements résultent de dérives individuelles inacceptables, sur fond de copinages malsains ». C'est dommage qu'il se soit arrêté là car il aurait pu raconter aux députés présents, mais certains le savaient déjà (comme Marine Le Pen), comment sont nés ces copinages malsains.

Tout commence aux alentours de 1986.

Le 25 janvier 1985, le directeur des affaires internationales de la Délégation générale pour l'Armement du ministère de la Défense, René Audran est assassiné devant chez lui à Saint-Cloud. Le 17 novembre 1986, le groupe « Action directe » assassine le PDG de la régie Renault, Georges Besse. Charles Pasqua est alors ministre de l'Intérieur. Robert Pandraud est ministre délégué à la Sécurité. Les deux compères ont un passé commun. Tous deux sont des militants de longue date du RPR, proches de Jacques Chirac, ont trainé leurs basques jusque dans les barbouzeries du SAC, ils connaissent la maison poulaga comme leur poche.

C'est dans ce contexte d'assassinats qu'ils décident que les personnalités « importantes », dirigeants de grandes entreprises comme Serge Dassault ou hommes politiques, comme Jean-Marie Le Pen, doivent bénéficier de protection. Et c'est là que commencent les copinages.

Les personnalités se payent des gardes du corps, souvent des anciens de la maison, retraités. Mais même s'ils ont quitté la police, ils conservent curieusement le droit de sortir armés, équipés de brassards police, de pin-pons et de gyrophares. Ces équipements sont ajoutés à des voitures faisant partie des convois, parfois des voitures de particuliers, salariés de l'entreprise.

Deux hommes servent de pivot dans cette mise à disposition d'hommes sûrs.

Tout d'abord Raymond Sasia , commissaire divisionnaire , qui est le patron du stand de tir de la police nationale situé en haut de l'avenue Foch, à deux pas de la place de l'Etoile, mais aussi un ancien garde du corps du général de Gaulle. Thierry Légier, garde du corps de Jean-Marie Le Pen et ce dernier fréquentaient ce stand de tir.

Ensuite, Paul Barril (de poudre ?), ancien patron du GIGN, reconverti dans le privé avec sa société Epsylon.

Ces "copinages" permettent d'équiper les protecteurs des personnalités de toutes sortes de choses, gilets pare-balles, deux-tons, gyrophares...

Si Jacques Chirac avait bien décidé de faire le ménage dans ces distributions de matériel aux alentours de 1988, elles ont perduré, comme le montre l'affaire Benalla. A ce propos, un petit tuyau pour les sénateurs qui continuent à plancher sur cette affaire : les brassards de police contiennent une étiquette avec le matricule de leur détenteur.

Moralité de ce rappel historique sur les copinages ? Ils sont bien sûr parfois malsains, ils impliquent toujours des policiers en service et des policiers à la retraite, mais ils sont avant tout couverts par les politiques. Sans cet aval implicite ou pas, pas de dérives. Emmanuel Macron sait sans doute de quoi il parle quand il dit qu'il est le seul responsable.

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