Journal d'investigation en ligne
par Antoine Champagne - kitetoa

L'extrême droite et l'inversion accusatoire

Une habitude un peu lourdingue

Cette technique de manipulation psychologique, qui consiste à tenter de faire porter la responsabilité de ses propres erreurs à autrui en l'accusant de les avoir commises, est utilisée par l'extrême droite dans son grand projet de dédiabolisation. Mais pas seulement. Exemple, avec un des soutiens du C9M.

C'est pas moi, c'est toi !
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La petite musique « les antisémites, c'est LFI » et « le RN est le bouclier des Juifs » commence à infuser dans la population. Le travail de sape de CNEWS, Europe1 et toute la galaxie brune fonctionne. C'est une technique très prisée des pervers narciciques qui est ici utilisée par l'extrême droite : l'inversion accusatoire. Cette manipulation psychologique consiste à tenter de faire porter la responsabilité de ses propres erreurs à quelqu'un en l'accusant de les avoir commises.

Sur la base du classique « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », cette technique un peu plus subtile infuse des idées pourtant saugrenues. Le public le plus incrédule, à force d'entendre un discours martelé sur toutes les antennes, finit par se dire qu'il y a bien une part de vérité, quelque part... Le tour est joué.

Car à bien y regarder, l'extrême droite est le parti de la haine, de l'antisémitisme. Depuis toujours, et encore aujourd'hui. Cela commence à sa création. Jean-Marie Le Pen le crée avec « les anciens Waffen-SS Pierre Bousquet et Léon Gaultier, des sympathisants néonazis tels que François Duprat et des nostalgiques de l'Algérie française, tels que Roger Holeindre, membre de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) », comme l'indique Wikipedia.

Aujourd'hui, les articles ne manquent pas pour rappeler les liens entre Marine Le Pen et la galaxie du GUD, lui même aux commandes, dans l'ombre, du C9M, ramassis de tout ce qui se fait de pire à l'extrême droite et parmi les fanatiques du bras levé en France.

Chacun se souvient de la longue liste de candidats du RN aux dernières législatives ayant tenu des propos antisémites. De nombreux articles listent les assistants parlementaires de députés ou d'eurodéputés RN ayant aussi tenu des propos racistes ou antisémites.

Les faits, normalement... c'est plus fort que toi. Sauf que dans le cas présent, la galaxie brune a mis en place une infrastructure très puissante pour imposer ses sujets et ses idées rances. Cela passe par la presse Bolloré en premier lieu, mais aussi par des torchons racistes comme Frontières ou Tocsin-media. Il y a également des comptes sur les réseaux sociaux (nous y reviendrons en détail cette semaine) qui créent le buzz, lui même étant généralisé par les médias Bolloré. Un fabuleux cercle vertueux vicieux. Cela passe enfin par des instituts de sondage, et par la presse « classique ». Cette dernière offre depuis des années des tribunes sans contradiction véritable à tous les ténors du RN qui rabâchent leurs messages au travers des étranges lucarnes.

Cette inversion accusatoire, nous l'avons vécue en direct lors du défilé du Commité du 9 mai (C9M).

Une jeune femme s'approche et interpelle les néofascistes qui se préparent à défiler.

Jean-Eudes Gannat, propulsé « porte-parole » du C9M tente de la discréditer en demandant aux journalistes de prendre son compte Intagram puisqu'elle est « venue faire le buzz ». Il lui explique qu'il ne s'agit en rien d'une manifestation de nostalgiques du IIIème Reich. Quelques instants plus tard, les tambours qui ouvriront la marche seront, par hasard, bien sûr, les mêmes que ceux utilisés par les jeunesses hitlériennes. Plus c'est gros, plus ça passe, pourquoi ne pas le tenter...

Saurez-vous reconnaître les tambours du C9M parmi ces tambours nazis ? - © Reflets
Saurez-vous reconnaître les tambours du C9M parmi ces tambours nazis ? - © Reflets

Nous avons diffusé cet extrait sur les réseaux sociaux.

Le badaud du hasard

Mais revenons à notre inversion accusatoire. Un badaud filme et se tourne alors vers la jeune femme. Il a visiblement des difficultés pour s'exprimer mais on comprend qu'il veut lui demander si elle est là « par hasard », comprenez : selon lui, elle est politisée et c'est surement une « antifa ».

Notez que dans l'esprit des néofascistes qui ne manquent de rappeler qu'ils ne sont pas des nostalgiques d'Hitler et de Mussolini, antifa - qui signifie anti-fasciste - est devenu une insulte, un positionnement politique condamnable. Bref, ils ne sont pas fascistes mais ils sont anti-anti-fascistes. C'est à dire... Ils sont donc...

Cherchez l'erreur.

Dans la même veine, Jean-Eudes Gannat lance « Ah, ben vous n'êtes pas du tout politisée! » quand la jeune fille regrette l'annulation de la marche antifasciste alors que la marche fasciste est autorisée par le tribunal administratif. Il lui reproche donc d'être politisée. Alors que lui bien entendu ne l'est absolument pas. Et si par un incroyable hasard s'il l'était, ce ne serait pas grave.

Il nous a semblé intéressant de vérifier qui était cet innocent passant qui demandait à la jeune femme si elle était là par hasard. Et lui, l'était-il, « là par hasard » ?

Nous avons retrouvé sa trace. Tout d'abord sur le site du Secours français, une association nostalgique de l'Algérie française qui se donne pour mission de lutter « contre la désinformation systématique sur l’histoire récente de notre pays, et spécialement la “repentance” identitaire, culturelle, coloniale et militaire dont elle est l’objet, jusqu’au sommet de l’Etat ».

Sur une page annonçant la célébration du soixantième anniversaire de l’exécution du colonel Jean Bastien-Thiry, l'organisateur de l'attentat du Petit-Clamart contre le général de Gaulle, on trouve quelques photos de la « cérémonie ». Parmi les passants, qui sont là par hasard, on retrouve notre « reporter amateur » du C9M.

Interview imaginaire : « vous me voyez sur cette photo mais c'est un hasard. Je passais devant le cimetière et j'ai vu de la lumière. Je suis entré » - D.R.
Interview imaginaire : « vous me voyez sur cette photo mais c'est un hasard. Je passais devant le cimetière et j'ai vu de la lumière. Je suis entré » - D.R.

Une visite sur sa page Youtube permet de se faire une idée des événements dont il rend compte. A chaque fois, il est là par hasard.

Un choix de sujets un peu orienté - Copie d'écran de la page Youtube
Un choix de sujets un peu orienté - Copie d'écran de la page Youtube

On retrouve d'ailleurs le film qu'il a fait lors du défilé néo-fasciste. Le Dilettante Parisien, comme il se nomme, ne ravit cependant pas les foules puisque sa cagnotte tipee reste bloquée à zéro euros.

Et voilà comment en quelques clics, on peut découvrir que notre dilettante est plutôt politisé, côté extrême droite, et qu'il n'était justement pas du tout là par hasard lors du défilé néo-fasciste. Mais lui, ce n'est pas un problème qu'il soit là volontairement... La fameuse inversion accusatoire...

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