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par Jacques Duplessy

L'école à la maison : bien mais peut mieux faire

Les parents racontent leur quotidien, entre galères techniques et découverte du métier de prof.

Dans cette enquête réalisée par une association de parents d’élève de l’Essonne, les parent félicitent souvent les enseignants pour leur engagement. Et ils racontent aussi leurs galères.

Ecole - Peng - Wikipedia - CC BY-SA 3.0

« Bien mais eu mieux faire », c’est un peu l’appréciation des parents sur le résultat de l’école à la maison dans cette enquête lancée dans l’Essonne par une fédération de parents d’élèves auquel Reflets a pu avoir accès. Cette enquête montre, sans surprise, que les cours à distance accroissent les inégalités sociales. Ça fonctionne beaucoup mieux quand les parents peuvent aider leurs enfants et sont disponibles.

Beaucoup sont plutôt satisfaits et félicitent l’investissement des professeurs. « C’était parfois assez difficile au quotidien, mais ça nous a permis de mieux savoir ce que faisaient nos enfants chaque jour et de les accompagner, dit cette mère. Mais nous avions la chance de pouvoir tous les deux travailler depuis la maison. Après une mise en place un peu chaotique, l’école à la maison école semble bien fonctionner. Bravo aux enseignants pour tout leur travail ! »

« Les enseignants ont fait d’énormes efforts. Bien sûr, c’est compliqué et c’est loin de valoir le travail en classe, mais bravo et merci à l’ensemble des équipes pédagogiques. »

Les devoirs, c'était « Attrape-moi si tu peux »

Au début du confinement, les outils informatiques ont eu du mal à absorber la masse de connexions. Et certains profs, voulant bien faire, bombardaient leurs élèves de travail, avec des devoirs à rendre dans un délai assez court.

Mur collaboratif , espace documents, logiciel Pronote, forum et blog, Espace Numérique de Travail ENT, Néo Pocket… la multiplication des outils informatiques a perdu un peu tout le monde. « Certains profs envoient les devoirs par mail, d’autres sur Pronote dans la partie devoir, d’autres les mettent sur un blog et encore d’autre sur l’ENT. C’était attrape-moi si tu peux » résume un parent. « Le plus compliqué, c’est de trouver où les professeurs cachent le travail, dit avec humour Marc. Il a fallu aller à la pêche. Un message du prof avisant que le travail a été déposé à tel endroit aurait été le bienvenu. »

La fin des emplois du temps a perdu tout le monde. La plupart des profs envoyaient les cours ou les devoirs sans tenir compte des emplois du temps habituels des élèves. « Tout tombait comme ça, quand ils en avaient envie, dit une maman. Ça n’aide personne à s’organiser. » Certains profs ont assailli les élèves de devoirs au point que des parents ont du s’adresser au professeur principal pour réguler les envois.

Parfois parents et élèves sont un peu perdus devant les consignes des profs. « Quand un travail est envoyé sans directive, avec pour consigne "Soyez créatif", c’est infernal, se désole Marie. Beaucoup d’envois de devoirs étaient peu construits et pas clairs. Je n’arrivais pas à savoir si mon fils faisait bien ou pas. On passe parfois beaucoup plus de temps sur les écrans à chercher ce qu’il faut faire qu’à le faire. » Un avis partagé par de nombreux parents.

Au fait, il est où le prof de techno ?

Certains profs ont demandé aux élèves d’acheter des livres pour une fiche de lecture ou un exposé. « Une idée de génie, commente un parent. Les librairies étaient fermées, on commandait sur Internet, mais ça restait bloqué à la Poste. Impossible de rendre le devoir dans les temps. » Et puis il y a ces demandes bizarres : « Des profs demandent des envois de documents scannés en Word ??? » ou encore de réaliser des mini-vidéos.

Beaucoup de parents se plaignent du manque de retour pour les devoirs envoyés. « Comme ils ne seront pas notés, ils s’en fichent un peu, déplore Christine. Ils ont multiplié les QCM avec correction automatique sans aucun commentaire. » Pour une rédaction, un parent raconte l’envoi d’un « corrigé type »...

Mais dans certains collèges, des profs n’ont pas joué le jeu. « Nous avons cruellement ressenti le manque de cours, racontent des parents. Seules deux professeurs ont organisé des classes virtuelles, et aucun n’a envoyé de vidéo de cours. Ils devaient vraiment se débrouiller seuls pour comprendre. » Un autre écrit : « Très peu de travail, peu d’apprentissages réels pendant la période, peu de cours à apprendre. Mon fils fait tout ce qui lui est demandé et cela lui prend qu’une à deux heures par jours. Je suis inquiète de la faiblesse des apprentissages depuis cinq semaines. »

D’autres ont carrément disparu de la circulation, comme cette professeure de latin qui a envoyé un premier cours au bout de cinq semaine et deux petits devoirs sur les trois semaines suivantes, sans aucune explication. Un parent s’étonne à dix jours de la reprise partielle des cours : « A propos, nous n’avons toujours pas de nouvelle du professeur de technologie ».

Le déroulé du baccalauréat inquiète. « Concernant le Bac 1ère STMG (sciences et technologies du management et de la gestion), ils ont un dossier à présenter à l’oral. On a aucune info et la prof refuse de nous répondre sur ce point_. » L’oral de français est une inquiétude récurrente.

Les enfants en difficulté abandonnés

Les parents ont découvert le métier d’enseignant. L’organisation pour accompagner ses enfants en même temps que le télétravail ou les absences quotidiennes pour aller au boulot n’a pas été simple.

« Il m’a fallu 15 jours pour vraiment arriver mettre en place les cours de mon fils en 6ème et de ma fille en 3ème, et aussi mon travail, puisque je n’ai jamais arrêté de travailler, raconte cette maman. Pour un enfant en difficulté, c’est problématique. Il a besoin de interaction prof – élève. Le virtuel ne remplace pas tout. » « C’était très difficilement compatible avec mon télétravail, renchérie une autre. Rien ne remplace l’enseignant. »

Au final, sans surprise, l’école à la maison fonctionne pour les enfants autonomes et dont les parents peuvent aider leurs enfants. Mais psychologiquement, les interactions sociales manquent. Et dans certaines classes, entre un quart et la moitié des élèves ne se sont jamais connectés, faute d'accès à Internet ou d’ordinateur à la maison. L'école à la maison a aggravé les inégalité sociales.

Les prénoms ont été modifiés.

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