Journal d'investigation en ligne
Dossier
par Eric Bouliere

JO 2024 : Interdire la règle des jeux #2

Les cyber-JO sous la surveillance d’Amnesty International

C’est en Nouvelle-Aquitaine dans la ville royale de Rochefort que L’ONG internationale a donné conférence pour exposer ses craintes en matière de surveillance de masse. Le match des cyber-JO de Paris s’arbitre aussi en province…

La sécurisation des JO, remise en question - © Reflets
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Alors bien sûr le palais des congrès de Rochefort n’était pas plein à craquer. Nul doute qu’en matière d’intérêt à la cause du sport le stade rochelais Marcel Deflandre et ses 17.000 places auraient probablement attiré davantage de personnalités politiques. Il faut vous dire qu’à La Rochelle, on ne badine pas avec les évènements sportifs. Pour preuve, les dernières subventions allouées par la région, le département et les collectivités locales (50 % des 15 millions de travaux prévus), afin d’offrir aux supporters un stade au niveau du palmarès du club double champion d’Europe. Alors comprenez qu’ici, ces fumeuses histoires de JO parisien placé sous surveillance algorithmique, bof…

Moins nombreux qu'au stade rochelais, le public présent ce soir-là fut très attentif à la cause défendue par Amnesty International : Interdire la surveillance biométrique de masse avant, pendant, et après les JO. Une centaine de particuliers et deux courageux élus locaux s’étaient déplacés pour participer activement aux débats.

Nous avons profité de la présence de Katia Roux, Chargée de plaidoyer et responsable des technologies et droits humains au sein d’Amnesty, pour aborder le thème de la cybersurveillance en avant-propos de cette conférence. L’interview aurait pu durer des heures tant le sujet est vaste et tant sa connaissance du sujet s'avère étendue, mais nous nous sommes bornés à lui poser quelques questions faciles et sans importances, du genre : « Et si la partie était déjà jouée…  », ou bien « Une ministre des JO est-ce vraiment bien utile ? ».

Katia Roux représentante d’Amnesty - Reflets
Katia Roux représentante d’Amnesty - Reflets

Présent sur la scène de cette soirée thématique, Philippe Boulier, ex-enseignant d’Université et animateur d’ateliers philosophiques s’est lui revêtu de la toge du sage. Il nous confiera sa socratique vision de la Cyber-Tech. Sa réflexion où les textes anciens se trouvent confrontés à la Tech’ moderne incite à s’interroger sur notre rapport aux choses de l’autorité et de l’État.

Philippe Boulier, le référent socratique de la soirée - Reflets
Philippe Boulier, le référent socratique de la soirée - Reflets

Se prêtant volontiers aux jeux de l’interview surprise, Emmanuel Jobin, maire d’une petite commune de Charente-Maritime (Ballon 17290) et Stéphane Trifiletti, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine et conseiller municipal (Port d’Envaux 17350) nous confieront leur quotidien d’élus confrontés à une « quête légitime de sécurité » qui souvent se traduit par l’installation de caméras de « vidéoprotection ». Nos élus peuvent-ils résister aux sirènes des urnes ?

Stéphane Trifiletti et Emmanuel Jobin, les élus locaux  - Reflets
Stéphane Trifiletti et Emmanuel Jobin, les élus locaux - Reflets

Enfin, Frédéric Viale s’est également exprimé à la tribune. Faute de temps, nous n’avons pas eu l’occasion de recueillir ses propos aussi étroitement que souhaité. Auteur, chef de file du collectif -Non aux JO 2024- et de -Saccage 2024-, Frédéric Viale s’inquiète des retombées de l’après-jeux sur la ville de Saint-Denis, là où se trouvera le village des athlètes. Il redoute que ces JO soient « un accélérateur et un amplificateur des problèmes que l’on connait déjà, la brutalité, le mépris social, le manque de démocratie… » . Selon lui et en dépit de la conversion d’une partie en logement social, les prix de l’immobilier risquent de rendre l'habitat inaccessible aux plus modestes, ce qui va concourir à la gentrification du quartier. Son discours passe parfois du rire aux larmes : « L'argument selon lequel ce sera moins pire que si c'était plus mauvais ne veut pas dire que cela va être bon ! », mais son inquiétude reste profonde : « La candidature aux JO sert aussi d’accélérateur pour les projets du Grand Paris, effectués sans réflexion approfondie et sans consultation (…) Trois millions de personnes vont venir à Paris, qui compte 2 millions d’habitants, pendant 15 jours. Ce n’est pas possible que l’impact écologique soit neutre  »

Frederic Viale s’inquiète des retombées des JO  - Reflets
Frederic Viale s’inquiète des retombées des JO - Reflets

À bien écouter la parole de chacun de ces intervenants, Dieux de l’Olympe et beauté du sport mis à part, on peut aisément comprendre que les exploits de l’organisation sécuritaire des JO de Paris n’ont plus grand-chose à voir avec le bel esprit de compétition.

Mais faut-il aussi le rappeler à l’occasion des jeux..? - Reflets
Mais faut-il aussi le rappeler à l’occasion des jeux..? - Reflets
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Cybersurveillance : la position d’Amnesty international

Reflets : Dans le domaine de la cybersurveillance, où se situerait la France en termes de matériel, d’équipe, de gouvernance par les autorités ?

Katia Roux : « Tout dépend de ce que l’on entend par cybersurveillance. Il existe des moyens de surveillance ciblée, grâce à des logiciels espions utilisés à l’encontre de personnes, mais on peut également parler d’une surveillance de masse opérée dans l’espace public de manière indiscriminée et disproportionnée. À ce niveau on constate que la France a pris une trajectoire très nette et recourt à des technologies de surveillance à des fins sécuritaires. Depuis 2015, état d’urgence renouvelé, loi sécurité globale, loi sécurité intérieure, le pays s’inscrit clairement dans la tendance mondiale de maintien de l’ordre et de contrôle aux frontières. Avec la loi JO , une étape vient d‘être franchie. Au sein de l’Union européenne, lors des négociations portant sur l’intelligence artificielle, on a même vu la France pousser pour que les interdictions de certaines technologies de reconnaissance incompatibles avec les droits de l’homme soient affaiblies, de sorte que tout un tas d’exceptions puisse en autoriser l’usage dans certaines situations ».

Est-il possible de juger d’un « niveau mondial moyen » en matière de maitrise et d’usage d’une technologie destinée à surveiller les foules ?

« C'est très compliqué. Nous avons certains éléments d’enquête qui nous permettent de jauger des compétences de certains pays, la Chine entre autres pour ne pas la nommer, mais on peut tout aussi bien pointer les États-Unis, les territoires Palestiniens occupés, ou l’Inde… Il nous est impossible d’établir une sorte de classement des champions de la cybersurveillance. Et cela en dit long sur le degré de transparence d’un secteur qui reste très opaque. Difficile de savoir quelles entreprises ou quel pays développent telle ou telle technologie, et puis la finalité de la surveillance reste imprécise, idem sur les contrats qui sont passés entre les parties ou sur le suivi qui en est fait »..

À votre connaissance, certains états peu scrupuleux de la démocratie sont-ils vraisemblablement en pointe de cette technologie de cybersurveillance ?

« Cela reste aussi très difficile à démontrer dans l’absolu, mais la Chine compte évidemment parmi les premiers de la classe pour avoir institutionnalisé la surveillance de masse via le crédit social. On peut bien sûr citer la Russie qui a déjà expérimenté la reconnaissance faciale durant la coupe du monde de foot 2018 ; et trois ans plus tard, le système servait à arrêter des manifestants, et ce plusieurs jours après la manifestation en question. Dans ces deux cas, on y voit souvent l’exemple ultime en matière d’abus mais d’autres pays au régime moins répressif y ont aussi recours. Au Royaume-Uni, une -police prédictive- tente d’identifier les coupables et les délits avant même qu’ils ne soient commis. Il se dit que plus de la moitié de la population américaine serait fichée dans une base de données. Israël est également un pays en pointe de la cybersurveillance pour avoir investi très tôt dans ce type de matériel, l’exemple du fameux logiciel espion Pegasus de l’entreprise NSO est significatif. Mais n’importe quel État, en y mettant un peu le prix, peut aujourd’hui s’offrir son matériel de surveillance. L’affaire Pegasus a touché l’Arabie Saoudite, le Mexique, le Maroc… et tous ces pays ont été soupçonnés d’avoir abusivement espionné des membres de la société civile » .

Selon vous la France aurait-elle utilisé le logiciel Pegasus sur son territoire ?

« En ce qui concerne Pegasus la France a refusé de l’acheter, mais des entreprises françaises, notamment Amesys devenue Nexa depuis, ont été mises en examen pour complicité de torture et de disparition en Égypte, et accusées d’avoir vendu du matériel de surveillance à des régimes dont le bilan en termes de droit humain n’est pas honorable ».

Pensez-vous qu’une entente technologique soit possible entre les différents états participants aux jeux pour sécuriser conjointement l’évènement ?

« Dans le cadre de la loi JO, il est simplement fait état de l’usage d’une Vidéo Surveillance algorithmique confié à des entreprises françaises. On vient de recevoir le rapport sénatorial a annonçant que cette VSA ne sera pas optimum, mais si je cite Agnès Castayer, rapporteuse du rapport, -ce sera un formidable terrain de jeux pour exploiter cette technologie-là ».-

Pour Amnesty, ces JO 2024 sont-ils considérés un risque à ne pas prendre compte tenu du climat politique mondial ?

« On ne se positionne ni pour ni contre l’accueil des JO à Paris, notre but est de regarder le dispositif déployé et de vérifier sa conformité par rapport au droit international. Par contre, nous avons demandé, avec d’autres organisations, le retrait de ce dispositif qui comporte des risques en matière de droit humain. Nous ne l’avons pas obtenu… Mais en dépit de la légalité déclarée de la VSA, nous continuons d’alerter sur la dangerosité d’un système qui serait prélude à l’installation d’une reconnaissance faciale ciblée ».

Face à des intérêts politiques ou économiques colossaux, et sous couvert d’une technologie surpuissante, ne craignez-vous pas que certains joueurs possèdent un coup d’avance et que la partie de Cyber puisse déjà être perdue d’avance ?

« Complètement… Nous avons l’habitude de dire que le droit court derrière la technologie, et qu’avec un effet cliquet il devient impossible de revenir en arrière. C’est aussi pour cette raison que dans le cadre des JO nous sommes allés directement au cran d’après. On nous parle de Vidéo protection intelligente, on nous certifie qu’il n’y en aura pas de reconnaissance faciale pendant les JO, mais au Sénat on y voit tout de même une belle opportunité pour expérimenter le système… Alors pour ne pas être à la traine, nous demandons l’interdiction de la reconnaissance faciale maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. Il y a un flou juridique entre ce qui n’est pas autorisé et donc interdit, et ce qui n’est pas interdit est autorisé. Force est de constater que les expérimentations se développent vitesse grand V et que la France ne souhaite clairement pas interdire la reconnaissance faciale. Pour éviter de courir derrière, nous réclamons l’interdiction de la reconnaissance biométrique au sens large (visage, physique, attitude ou comportement). On parle ici d’outils qui n’ont pas démontré leur efficacité, qui sont d’un usage dangereux, pas proportionné, et qui permettent cependant de réaliser une surveillance de masse. »

Qu’en est-il selon vous de l’acceptabilité sociale de tous ces systèmes et peut-on parler d’une responsabilité collective de l’usage qui en est fait ?

« Cette interrogation est centrale et nous questionne tous. À Amnesty nous avons souvent entendu comme retour du grand public : je n’ai rien à cacher, rien à me reprocher, ce n’est pas si grave… Face à un discours sécuritaire extrêmement anxiogène, et dès lors qu’on oppose le droit à la vie au droit à la vie privée, cela s’avère compliqué de trancher. Lors du vote de la loi JO un certain nombre de groupes politiques se sont abstenus, ceux-là mêmes qui étaient historiquement plutôt contre l’usage de cette technologie. Oui, il y a un enjeu d’acceptabilité et donc une part de responsabilité, de prise de conscience aussi, il faut ouvrir les yeux sur ce qui est en train de se passer. L’acceptabilité de la surveillance de masse monte en flèche durant ce genre d’évènement ; s’il ne se passe rien, on peut se rassurer en admettant que ce soit grâce au dispositif sécuritaire de masse, mais si par malheur cela se passe mal on regrettera de ne pas avoir été suffisamment loin dans le processus. La responsabilité collective doit surtout servir à interpeller le législateur ».

Un ministre tout dédié aux JO, cela sert à quelque chose ?

« Comment dire ? Si l'on parle de la loi JO, c’est une loi sécurité. Ce fut donc Gérald Darmanin qui venait répondre aux questions des députés, peu nombreux, parce que nous étions en pleine réforme des retraites. Tout le monde était dans la rue, l’hémicycle était vide et la loi a été discutée en procédure accélérée. Même si nous considérons qu’il y a beaucoup d’autres dimensions à aborder en termes de droits humains en relation avec les JO, nos interlocuteurs principaux sont les députés de la majorité et le ministre de l’Intérieur. Alors, un ministre des JO ? Non, je ne peux pas vous dire…  ».

Vidéo protection en ville : le rôle des élus

Reflets : Avez-vous été démarchés par des fabricants de matériel de vidéo surveillance sur la voie publique ?

Emmanuel Jobin : « Il n’y a pas de caméra sur ma commune et il n’est pas question d’en poser, mais oui j’ai déjà été contacté par ce type de société, au même titre que la gendarmerie est venue me voir. Et dans une petite commune de 800 âmes, on se retrouverait vite avec 5 caméras après le passage d’un expert en sécurité qui vous incite à vous équiper de matériel de surveillance ».

La gendarmerie est venue en mairie pour vous inciter à équiper votre municipalité de caméras de surveillance...?

« Bien sûr; jamais ils n’insistent, simplement ils nous disent : j’ai peut-être quelque chose qui pourrait vous intéresser, vous avez sûrement des problèmes de délinquance, de ceci ou de cela, et peut-être que j’ai une solution pour vous, on pourrait se rencontrer pour en discuter… Ils ont un territoire tellement grand et tellement vaste que le temps qu’ils arrivent sur les lieux il s’est écoulé trois quarts d’heure. Ils ne peuvent pas être partout, alors évidemment ça les aide… »

Stéphane Trifiletti : « Chez moi oui, il y a deux caméras pour une commune de 1.180 habitants. Mais, il y aurait pu en avoir beaucoup plus. L’installation d’une dizaine de caméras était prévue mais nous sommes actuellement sous un moratoire, donc j’espère dans le futur que nous allons réfléchir collectivement sur l’utilité réelle du système ».

Quelles sont les sommes réclamées pour équiper votre commune de ces deux caméras ?

« 50.000 euros. On parle là juste de l’investissement et pas du fonctionnement, sachant que la commune ne déboursera que 10.000 €, ce qui correspond environ au montant des subventions réservées à nos associations sur une année. Les 40.000 € restants seront à la charge de l’État, en provenance directe du ministère de l’Intérieur, et j’ai appris ce soir que c’était un fléchage vers les lignes budgétaires de la Prévention contre la délinquance ».

Quelle administration vous accompagne lors du montage financier de ce genre d’opérations ?

« Je suis conseiller régional et le volet sécurité ne fait pas partie des compétences de la région, nous avons imputé de notre côté ces 10.000 € sur le budget de la commune. En fait, pour le montage financier à proprement parler cela se déroule généralement de la façon suivante, lorsqu’il y a des larcins, la gendarmerie vous incite à rechercher des solutions techniques auprès de boites privées. Ces sociétés vous avertissent de la possibilité de monter un dossier pour obtenir ces aides d’État, et elles se déclarent prêtes à vous accompagner dans le montage du dossier ».

Emmanuel Jobin : « Une précision, pour toucher 40.000 € d’aide, il faut cependant pouvoir inscrire le global de 50.000 € au budget communal. Et il faudra attendre l’année suivante, pour toucher les subventions en N+1. Étant entendu que la maintenance de fonctionnement reste à la charge entière de la commune. De telles sommes représentent parfois l’intégralité de l’investissement disponible pour une petite commune »

Le maire d’une commune plus importante que la vôtre, peut-il refuser de s’équiper de ce qui est considéré comme un marqueur de modernité ?

« J’entends tout le monde se plaindre de problèmes de sécurité, en général toutes les communes d’une certaine taille investissent dans des caméras. Sur certains spots connus de délinquance, le coût des dégradations est parfois lourd à supporter, même si l’on compte sur les assurances, qui augmentent leur tarif en fonction du nombre d’incidents… Il semble que cela est devenu un passage obligatoire. D’autant que le discours des forces de l’ordre engage les élus à se diriger vers ce système au risque de voir tous les délinquants de la région venir s’installer dans votre commune… ».

Stéphane Trifiletti : « Et ça n’arrête jamais, car après avoir déplacé les problèmes d’une commune à l’autre, on déplace les soucis d’un quartier à l’autre de la ville. C’est l’histoire du vin, du pain et du fromage qui manquent alternativement à la fin d’un repas… Alors on rajoute des caméras ici, puis là, encore et encore pour surveiller ce qui ne l’était pas encore. ».

Ressentez-vous une pression de la part des électeurs favorables à l’installation de caméras ?

« Oui clairement, c’est par exemple le boulanger ou le restaurateur qui viennent vous dire, je me suis faire crever deux fois les pneus de ma voiture, que faisons-nous, que fait la mairie ? Et puis il faut appeler un chat un chat, si on veut se faire réélire, il y a cet aspect fondamental pour les citoyens à prendre en compte, que l’on parle de sécurité, de pseudosécurité, ou de croyance en la sécurité ».

Emmanuel Jobin: « La responsabilité d’un maire c’est un peu de la gestion de risque. Est-ce que je veux la paix sociale au sein de ma commune ? Est-ce que j’ai l’ambition de me représenter aux prochaines élections ? Si oui, j’ai tout intérêt à acheter de la paix sociale, donc je vais vite m’équiper de caméras de surveillance. Ce n’est pas le choix que j’ai fait pour ma commune où nous préférons encore investir dans le vivre ensemble, la bienveillance, et le lien social ».

Intelligence Artificielle : l’avis du philosophe

Reflets : La cybersurveillance peut-elle être considérée en prenant un recul philosophique ?

Philippe Boulier: « Oui, il y a une tradition de philosophie politique qui donne à l’État une vocation fondamentale sur le plan sécuritaire. Cette pensée nous vient du 17e siècle, de Thomas Hobbs, l’auteur de l’ouvrage -Le Léviathan-. Pour Hobbs la sécurité est la vocation fondamentale de l’État, mais cette sécurité repose sur des passions constituantes de l’être humain qui sont la peur, la crainte, la défiance. L’État aurait pour but d’assurer cette sécurité par l’intimidation des citoyens. En fonction des procédés techniques mis en place aujourd’hui, et selon l’idée que l’État puisse jouer un rôle ambivalent, à la fois tutélaire et protecteur et en même temps surveillant du citoyen, chargé de les intimider. Il me semble bien que cette problématique moderne puisse s’ancrer dans le courant philosophique développé par Thomas Hobbs  ».

Trouvez-vous des parallèles littéraires avec ce qui se passe actuellement en termes de surveillance des populations ?

« Cela me rappelle des modes de surveillance décrits dans le monde soviétique et cela me fait penser à de la Science-Fiction façon Georges Orwell ; mais tant dans des sociétés militaro-policières que dans les romans d’anticipation, personne, je crois, ne pouvait réellement présager des prémices technologiques dont on dispose aujourd’hui ».

Le cyberespace, l’intelligence artificielle, la vidéo algorithmique toute cette technologie est-elle compatible avec la réflexion humaine ?

« Je me suis récemment posé cette question, l’intelligence peut-elle être artificielle ? Encore faut-il s’interroger sur ce qu’est l’intelligence. L’étymologie de ce mot, Inter-Legere, nous indique deux choses. Inter, veut dire entre, c’est l’action de faire des liens, des rapports des relations entre des choses, des faits, des événements ; et Legere, peut se traduire par le fait de lire, cueillir, recueillir les informations afin de comprendre le sens des choses. Bien sûr, l’intelligence est de plusieurs types. Elle peut, être théorique, émotionnelle, affective, analytique, ou logico-mathématique comme avec les solutions algorithmiques. Mais elle peut aussi simplement faire appel à la sensibilité. On peut rappeler cette formule prononcée par le roi Salomon dans le premier livre des rois où il demande à Dieu de lui donner l’intelligence du cœur, parce qu’il doit juger le bien et le mal pour prendre des décisions. La question reste posée et est de savoir si un algorithme peut avoir l’intelligence du cœur…  ».

À suivre dans les jours qui viennent et avant l’ouverture des jeux, nous vous proposerons des enquêtes exclusives dans notre dossier JO 2024.

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