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Dossier
par Rédaction

JDE, c'est fort de café

Optimisation fiscale et coronavirus font-ils bon ménage ?

Tout en pratiquant une optimisation fiscale agressive aux Pays-Bas, Jacobs Douwe Egberts, qui détient plusieurs marques de café, avait décidé à faire bénéficier ses salariés du chômage technique. Avant de se raviser...

L'Or, une marque de Jacobs Douwe Egberts - Copie d'écran

Comme la plupart des multinationales, le groupe JDE (Jacobs Douwe Egberts) qui possède des marques comme L'Or, Jacques Vabre, Grand'Mère, Velours Noir, Maison du Café…) fait passer la création de valeur pour les actionnaires et ses dirigeants avant toute autre considération. JDE pratique donc l’optimisation fiscale agressive en localisant artificiellement l’essentiel de ses profits aux Pays-Bas qui était jusqu’à tout récemment l’un des premiers paradis fiscaux d’Europe selon le Parlement européen, même si ce membre de l’UE n’apparaissait pas dans la liste officielle. Certes, la nouvelle réglementation risque de rétrograder le pays des polders au rang de purgatoire fiscal mais JDE en a largement profité: En 2019, le groupe a réalisé en France un chiffre d’affaires net d’un milliard d’euros et un bénéfice avant impôts d’environ 250 millions dans la grande distribution apprend t-on de très bonne source. Ces quelque 250 millions s’évaporant dans la magie des prix de transfert, JDE affiche à l’issue d’un joli tour de passe-passe un résultat net France de 23,3 millions en 2019. Qui plus est, JDE réalise en pleine crise du Covid-19 comme ses concurrents d’excellentes affaires dans les grandes surfaces : selon l'institut IRI, les achats de café toutes marques et entreprises confondues y ont augmenté de +37% du 23 février au 15 mars, les Français ayant commencé à stocker avant même l’entrée en vigueur du confinement. Depuis, le maintien à domicile n'a pu que conforter cette consommation.

Parce qu’il n’y a pas de petit profit, le torréfacteur a cependant été tenté de solliciter le contribuable français pour prendre en charge le chômage technique de ses quelque 120 commerciaux empêchés durant quelques semaines de visiter leurs clients dans les magasins. Et ce alors même le business n’est pas vraiment impacté par la pandémie, que les usines très automatisées tournent à plein et l’entreprise très profitable. Dès la deuxième semaine de confinement, la direction annonce aux commerciaux qu’ils sont placés en chômage technique et qu’un dossier allait être déposé en ce sens à la Direccte (DIrection Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi) pour assurer une prise en charge par l’Etat.

Hélas, alors que JDE France planche sur ce dossier dans l’espoir de grappiller quelques millions d’euros, les nuages s’accumulent. Le groupe apprend que la prise en charge par l’Etat sera réservée aux entreprises réellement dans le besoin. Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire annonce par ailleurs que les entreprises ayant leur siège ou des filiales dans les paradis fiscaux ou distribuant des dividendes cette année seraient exclues des aides publiques (c’est le cas de JDE, qui distribue discrètement ses généreux dividendes à l’étranger). Ceci dit, on apprenait un peu plus tard que la liste des paradis fiscaux de Bruno Lemaire ne comprenait pas les Pays-Bas... En outre, d’autres firmes aussi prospères (Chanel, Danone…) annoncent qu’elles renoncent à solliciter d’emblée l'argent public. La direction décide alors de rétropédaler et de renoncer à toute aide étatique pour laisser la manne aux vrais nécessiteux. Dans la foulée, JDE la main sur le coeur, fait distribuer des machines à café Tassimo pour le personnel soignant. “Ces machines sont rechargeables avec les dosettes de nos marques. A terme, c’est un bon investissement” remarque un salarié. C’est connu, charité bien ordonnée commence toujours par soi-même...

La cupidité de JDE n’a rien de surprenant quand on connaît le track record de ses actionnaires. D’un côté, on trouve le géant américain de l’agro-alimentaire Mondelez qui en possède 49%: aiguillonné par des fonds activistes, Mondelez est familier des licenciements boursiers dans des entreprises largement rentables. Les 51% restants sont détenus par la famille Reimann, qui sait y faire en matière d’évasion fiscale. Grâce aux LuxLeaks, on a appris que cette dynastie d’entrepreneurs, la deuxième plus riche d’Allemagne avec une fortune estimée à 33 milliards d’euros, détenait au Luxembourg une société financière baptisée JAB Holding. Cette société avait dégagée en 2017 un bénéfice net d'environ 338 millions d'euros sur laquelle elle avait réglé 1,1 million d’impôts (-soit moins de 0,5%) en profitant des largesses du droit fiscal luxembourgeois.

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