Hydrogène à Metz : où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir
Un intriguant marché pour les véhicules lourds de l’Eurométropole
Une société remporte le marché en dépit d'un prix trop cher. Coup de bol, elle va installer son infrastructure à côté des bus à équiper, ce qui la sauve. L'un de ses actionnaires a obtenu un bail emphytéotique de Metz Métropole pour un terrain contigu au dépôt des bus. Elle annonce s'y installer. Il y a pourtant probablement des obus de la seconde guerre mondiale sur ce site. D'ici à ce que tout ça fasse Boum...
Fin mars 2024 l’Eurométropole de Metz a attribué à la société H2 Metz un marché visant la fourniture d'hydrogène renouvelable pour sa flotte de véhicules lourds. D’une durée de sept ans, le contrat implique un coût (estimé) pour la collectivité de 15 millions d’euros. L’Hydrogène permettra aux transports collectifs et aux bennes à ordures ménagères de circuler avec une source d’énergie présentée comme totalement décarbonée.
Sur le papier, le projet est vert comme la veste de Marine Tondelier. Mais à y regarder de plus près, on peut se demander si l’énergie permettant de fabriquer l’hydrogène sera bien totalement décarboné et surtout, si la société H2 Metz n’a pas bénéficié d’un petit avantage concurrentiel. L’association anti-corruption AC qui a découvert cette situation s’interroge sur la possibilité d’un délit de prise illégale d’intérêts et de favoritisme. C’est au procureur, saisi par AC de le dire.
Pour cet appel d’offres, l’Eurométropole, collectivité territoriale de 46 communes et 230.000 habitants, a retenu cette société alors même que son offre était plus chère que celle de sa concurrente Altens. Mais H2 aurait, semble-t-il, l’avantage d’être située plus près du dépôt des bus. Pur hasard sans doute.
Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre ce qui s’est passé.
Metz Métropole signe en juin 2021 un contrat de partenariat avec l’UEM (Usine d’électricité de Metz), une société d’économie mixte et Cockerill Maintenance et Ingénierie, une entreprise dont le siège social est en Belgique. Cette dernière fournira des électrolyseurs permettant la fabrication de l’hydrogène à partir d’électricité verte. La métropole s’occupe de préparer les véhicules pour qu’ils puissent circuler avec de l’hydrogène. L’UEM distribuera l’hydrogène.
Le 17 Mars 2023 le trio crée la société H2 Metz qui fournira l’hydrogène à la collectivité pour le ravitaillement de sa flotte de véhicules lourds. L’actionnariat se répartit de la manière suivante : l’UEM détient 80 %, la Métropole 10 % et Cockerill 10 %.
Le 9 juin 2023, Laurent Umber, le Directeur de la Production et du Développement durable de l’UEM, propose à l’Eurométropole de mettre en place un bail emphytéotique pour « un projet d’énergie renouvelable » sur le Plateau de Frescaty. Cela ne traine pas : le 19 Juin 2023 Metz Métropole délibère sur le projet de constitution d’un bail emphytéotique entre la collectivité et l’UEM.
Laurent Umber change alors de casquette. Le 8 septembre 2023, il est nommé président de H2 Metz.
Le 23 janvier 2024, le bail est signé entre Metz Métropole et l’UEM.
Le 7 Décembre 2023 l’appel d’offre public du Marché de fourniture d’hydrogène est lancé. Les résultats sont publiés en mars 2024. Trop chère, la proposition de la société H2 Metz aurait peut-être dû perdre l’appel d’offres face à Altens. Car selon les termes de L’Eurométropole Metz, « La note totale résulte de l’addition des notes obtenues pour chacun des critères, donnant lieu à un classement sur 100 ; l’offre économiquement la plus avantageuse et la mieux classée sera retenue ». H2 Metz obtient des notes inférieures à sa concurrente sur le prix et les « moyens, méthode et organisation mis en œuvre pour répondre aux besoins de l’exploitation des bus ».
Toutefois… Heureux hasard, elle regagne les points manquants sur « les conditions de mise à disposition de l’hydrogène », les « moyens et organisations mis en œuvre pour minimiser l’impact environnemental du transport de l’hydrogène entre son point de production et son point de distribution » et la « compatibilité de la distance entre le point de distribution de l’hydrogène et le lieu d’exploitation (second dépôt de bus) avec les conditions d’exploitation de la collectivité ». Dépôt de bus qui sera situé sur… le plateau de Frescaty.
Coup de bol, Metz Métropole, actionnaire de H2 Metz, avait offert un bail emphytéotique sur 40 ans pour un terrain contigu au fameux dépôt de bus, moins de trois mois avant l’attribution du marché à l’UEM, elle-même actionnaire majoritaire de H2 Metz. La redevance annuelle versée par l’UEM sera de 6 696,50 euros (HT) pour 1,33 hectare. Très raisonnable…


« Boum ! Quand vot’ moteur fait Boum ! »
H2 Metz va donc stocker sur ce terrain, situé sur une ancienne base militaire, de l’hydrogène, un produit particulièrement inflammable. Le bail emphytéotique donne à ce sujet quelques informations qui auraient peut-être pu faire tiquer les responsables du dépouillement de l’appel d’offres. Le lieu contient du nickel (un catalyseur qui peut amplifier une réaction explosive) mais pourrait surtout receler des munitions de la seconde guerre mondiale comme des :
obus d'artillerie de 37, 75, 88,105 mm,
obus de mortiers de 8cm et de 81mm,
bombes US de 500 et 1000 Lbs,
bombes allemandes de 50, 250 et 500 kg,
roquettes,
grenades à main et à fusil,
obus de 75, 80, 90, 120 et 155mm empennés,
bombes Michelin,
bombes Gros-Andreux,
bombes 100, 140, 200 et 500 kg.
Un cocktail détonnant ?
Cockrill : un actionnaire bien connu à Metz
Le choix de la société Cockrill pour la fourniture des électrolyseurs est certainement dû à la qualité de ses produits. Par un heureux hasard, le propriétaire de cette entreprise, Bernard Serin n’est pas un inconnu dans la région puisqu’il est aussi le président du FC Metz. Il est aussi administrateur du Républicain Lorrain, un journal qui a un certain poids dans la région. La mairie de Metz subventionne l’association FC Metz. On est donc entre bonnes connaissances puisque le maire de Metz, François Grosdidier, est aussi administrateur de la société d’économie mixte UEM.
Reste enfin à savoir si la promesse de production d’hydrogène vert pourra être tenue. Car sur le papier, les objectifs sont forts : « les partenaires ont l'intention de développer et de réaliser conjointement un écosystème hydrogène vert produit par électrolyse avec de l'électricité renouvelable pour couvrir l'ensemble de la chaîne de valeur depuis la génération d'électricité, en passant par la production de l'hydrogène vert, jusqu'á sa distribution, l'usage en mobilité et à une diversification des utilisations complémentaires de ce dernier. »
Pour créer son hydrogène, H2 Metz va devoir consommer de l’électricité « verte ». Mais pour l’instant, aucune précision n’est donnée sur l’origine des Mégawatts (éolien, solaire ?) qui seront utilisés ni comment ils seront acheminés pour un projet qui devrait commencer à sortir de terre en 2025.
Nul doute qu’une solution sera trouvée, entre gens de bonne compagnie…
Making of
Contactés, Pascal Gauthier, Directeur Général des Services de l'eurométropole de Metz, la direction générale de l'eurométropole, Marjorie Maffert-Pellat, Secrétaire Générale de l'eurométropole, Monsieur Noël Jouaville, président du Conseil d’Administration du groupe UEM, la direction de la communication du groupe UEM, n'ont pas répondu à nos questions.