Gouvernement Castex : le cirque Zavaglione en tournée
Emmanuel Macron dans le sillage de Bush, Sarkozy et Trump
Le message que le président de la république a voulu faire passer est clair : je fais ce que je veux, même n'importe quoi, et si cela vous déplait ou vous choque, peu importe.

Le mensonge, une fois révélé, est porteur d'une perte de confiance. Impossible d'être cru par la suite, lorsque l'on a ouvertement menti. Qui porterait le moindre crédit aux déclarations de Collin Powell ou de George Bush s'ils venaient expliquer, preuves à l'appui, qu'Emmanuel Macron détient des armes de destruction massive et menace la sécurité des Etats-Unis ou du reste de l'Europe ? C'est sur un énorme mensonge de ce type que les USA sont partis en guerre contre l'Irak avec la Grande-Bretagne, de manière illégale. A l'époque, Colin Powell, secrétaire d'Etat de l'administration Bush (ministre des affaires étrangères) brandit à l'ONU une fiole contenant une poudre blanche en expliquant que Saddam Hussein détient des armes chimiques de destruction massive. Après cette guerre illégale, et présentée comme préventive (une justification utilisée avant cela par l'Allemagne nazie), les militaires Américains et les inspecteurs des Nations-Unis, vont chercher en vain ces armes (*). Elles n'ont jamais existé.
En France, Nicolas Sarkozy avait entamé la mutation du rôle de président. On lui doit d'ailleurs le terme d'hyper-président. Celui qui a tous les pouvoirs, certes, mais pas seulement. Nicolas Sarkozy, c'est un président qui qualifie son premier ministre de "collaborateur", qui prend ses décisions sans se soucier de l'opinion publique. Au contraire, plus c'est clivant, mieux c'est. Il est un président qui se voit comme un chef de clan, qui vire un peu plus à droite chaque jour de son quinquennat pour finir par flirter avec l'extrême droite, guidé par Patrick Buisson. Nicolas Sarkozy, a été l'inventeur du «rienafoutrisme», du « deux pas en avant, un pas en arrière quand l'opposition est trop forte ». On pensait avoir atteint un sommet en matière de mépris et de n'importe quoi. Mais Sarkozy était simplement un précurseur...
C'est aux Etats-Unis qu'apparaît le cas le plus improbable en matière de dirigeant totalement incompétent : Donald Trump n'a pas une once de culture générale, c'est un menteur compulsif, un misogyne grossier, un dingo au point que certains de ses conseillers font disparaître des mémos de son bureau afin qu'il ne puisse pas les signer. Comme il a une mémoire de poisson rouge, ça passe. Cette anecdote est racontée par Bob Woodward dans son livre Peur, Trump à la Maison-Blanche. Cet homme qui dit lui même que « Quand vous êtes une star, [les femmes] vous laissent faire, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, les attraper par la chatte, faire ce que vous voulez » est accusé de viol par seize femmes. Il est président des États-Unis et a la main sur plus de bombes nucléaires qu'il n'en faut pour détruire toute la planète. Il détermine la politique qui sera appliquée et déterminera l'avenir de 328 millions de personnes.
Spectacle clownesque
Plus près de nous, Emmanuel Macron a décidé de tracer un « nouveau chemin », de « renverser la table ». On allait voir ce que l'on allait voir. Il faut dire qu'il y avait urgence. Jamais le pays n'a été aussi clivé, fracturé. Les crises financières de 2008 et 2012 continuent de ravager les plus pauvres et la classe moyenne. Pendant près de deux ans, des milliers de personnes ont manifesté dans la rue en dépit d'une pluie de lacrymogènes, de coups de matraque, d'éborgnements par tirs de LBD. Tout cela a laissé le président de marbre. Le «rienafoutrisme» est de retour. Vous êtes mécontents ? On va vous en resservir une deuxième plâtrée. Allez, une réforme de l'assurance chômage et une autre des retraites pour détruire un peu plus le pacte social. Des gens éborgnés, des mains arrachées ? La réponse fuse : « ne parlez pas de “répression” ou de “violences policières”, ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit ». Emmanuel Macron fait sien le «rienafoutrisme» de Nicolas Sarkozy. C'est moi le chef, « qu'ils viennent me chercher », s'ils ne sont pas contents.
Comme Donald Trump, Emmanuel Macron et ses troupes se sont distingués par l'utilisation des « fake news ». Mentons, il en restera toujours quelques chose qui pourra servir notre cause... Mediapart avait fait une liste en avril 2019. Quelques exemples : les fausses vidéos de l’affaire Benalla diffusées par l'entourage et promues par Emmanuel Macron, la négation de l'implication de la police dans les blessures de Geneviève Legay, les chômeurs « trop » indemnisés, selon Edouard Philippe, le chlordécone (pesticide) qui ne serait pas cancérigène, selon Emmanuel Macron, l’hommage prévu par Emmanuel Macron au maréchal Pétain puis nié par Florence Parly devant le tollé.
Arrive le coronavirus et la crise économique qui lui est liée. Il faut réagir et atténuer les effets de la crise qui vient. Le FMI prévient : « L’impact négatif sur les ménages à bas revenus est particulièrement sévère, et pourrait compromettre les progrès considérables qui ont été accomplis en matière de réduction de l’extrême pauvreté dans le monde depuis les années 90 ». Le Fonds table sur un recul de 12,5% du PIB en France en 2020. Une paille. Alors que faire ? Changer de gouvernement ! En voilà une idée géniale et qui va sans doute se révéler d'une efficacité sans faille. D'ailleurs tous les nouveaux ministres ont tweeté « au travail ». Comme une sorte de mantra auto-réalisateur. On se met au boulot et on évite la crise...
Mais qui nommer ?
Selon le Canard Enchaîné daté du 8 juillet, Emmanuel Macron a annoncé à Edouard Philippe qu'il ne serait pas reconduit le 2 juillet, c'est à dire la veille de la démission du gouvernement. Selon nos informations, ce même 2 juillet en début d'après-midi, alors qu'Emmanuel Macron était en réunion avec Edouard Philippe, l'avocat Eric Dupond-Moretti savait qu'il serait désigné garde des sceaux le lendemain. Il fait partie des trois surprises du nouveau gouvernement.
Emmanuel Macron, toujours autant en décalage avec les aspirations de la population, toujours plus loin dans le «rienafoutrisme», a décidé de placer à la tête du ministère de la justice un avocat connu pour sa violence verbale, sa grossièreté, son opposition souvent virulente à la libération de la parole des femmes. Tout accusé à droit à une défense, c'est un principe évident. Eric Dupond-Moretti était donc parfaitement dans son rôle en défendant Jérôme Cahuzac, Patrick Balkany ou Abdelkader Merah. Mais Emmanuel Macron pouvait choisir une autre personnalité comme ministre de a justice. En nommant celui qui a défendu des politiques condamnés pour fraude fiscale, il envoie, peut-être sans le vouloir, un message. En nommant une personne qui s'est publiquement opposée aux effets de la vague MeToo, il envoie un message. Et ce message détourne l'attention. Ce qu'Emmanuel Macron sait parfaitement, comme le rapporte le Canard Enchaîné :
« J’avais dit qu’il y aurait des surprises : il y en a deux. » Emmanuel Macron était très satisfait, lundi soir, de l’effet médiatique produit par la nomination au gouvernement de Roselyne Bachelot et d’Eric Dupond-Moretti. « Les médias vont en parler pendant au moins une semaine », a-t-il précisé. La troisième surprise, le chef de l’Etat se la réserve, en principe, pour son allocution du 14 Juillet, au cours de laquelle il devrait annoncer la désignation de François Bayrou... comme haut-commissaire au Plan, quasiment un poste de ministre d’Etat, qui lui permet- trait de conserver en même temps la mairie de Pau. Un événement planétaire, c’est sûr.

Nommer François Bayrou, mis en examen pour « complicité de détournement de fonds publics » dans l’affaire des assistants parlementaires européens du Modem, voilà un autre message intéressant. Bien entendu, François Bayrou n'est coupable de rien et la présomption d'innocence est, comme le droit à la défense un principe évident. Mais là aussi, Emmanuel Macron doit bien pouvoir trouver des gens compétents et pas mis en examen pour déterminer et appliquer la politique de ce pays ?
Deuxième surprise, Gérald Darmanin est nommé ministre de l'Intérieur en remplacement de Christophe Castaner. Gérald Darmanin est visé par une plainte pour viol. Une plainte pour abus de faiblesse qui avait déposée par une autre femme a été classée sans suite. Comme François Bayrou, Gérald Darmanin doit bénéficier de la présomption d'innocence. Mais là encore, le mélange des genres et le message sont clairs. Gérald Darmanin sera à la tête des forces de l'ordre qui enquêteront sur la plainte pour viol qui le vise... Les femmes violées retiendront que l'on peut parfaitement être accusé de viol et ministre de l'Intérieur... En affirmant publiquement qu'il n'y a pas de problème avec cette nomination, l'Elysée laisse entendre implicitement que l'exécutif a interrogé la justice et obtenu des réponses, ou des assurances, avant même qu'un juge n'ait enquêté... Encore un message, encore le «rienafoutrisme».
Enfin, pour compléter la troupe du grand cirque Zavaglione qui va nous mener dans les années à venir au travers de la crise économique sans précédent déclenchée par le coronavirus, Emmanuel Macron a nommé -troisième surprise, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture. Alors que la crise du coronavirus a mis en lumière les faiblesses de l'hôpital public, Emmanuel Macron rappelle aux affaires la ministre qui avait fait voté la loi l'affaiblissant. Ce message s'ajoute à celui qui consiste à désigner comme ministre de la culture une personne qui était membre de l'émission Les grosses têtes. On est passé assez rapidement d'André Malraux à Roselyne Bachelot, finalement...
(*) La série télévisée Generation Kill raconte l'invasion de l'Irak vue depuis un bataillon de reconnaissance par un journaliste de Rolling Stone et offre une vision crue de ce conflit.