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Reflets poursuivi par Altice : la liberté d'informer menacée

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par Antoine Champagne - kitetoa

Google et Facebook, deux entreprises hors de contrôle depuis... Toujours

Les deux mastodontes aspirateurs de données personnelles n'ont aucune éthique

Il faudrait être complètement aveugle et sourd pour ne pas avoir compris depuis des lustres que ces sociétés ne travaillent pas pour le bien commun et que leur business est un danger pour la démocratie et la vie privée...

Surprise, surprise...

Si en 2021, vous découvrez, comme de nombreux journalistes et autres experts des Intertubes que Google ne produit pas que du bien, contrairement à son ancien mantra "Don't be evil" qui figurait jusqu'en 2018 dans le code de conduite de l'entreprise avant de devenir "Do the right thing"; si vous découvrez que Facebook ne vise pas à relier les humains, c'est que vous n'avez rien compris à ce qui s'est passé sur Internet ces 27 dernières années. Google n'est plus un moteur de recherche depuis des lustres, mais l'un des plus monumentaux aspirateurs à données personnelles de l'univers connu. Facebook n'a jamais voulu relier les "putain d'abrutis", comme Mark Zuckerbeg appelait ses tous premiers utilisateurs, assez débiles, selon lui, pour lui communiquer leurs informations très personnelles.

Surprise, Google veut tout manger
Surprise, Google veut tout manger

1998 : cela fait à peu près quatre ans que les premiers utilisateurs du World Wide Web "surfent". Pour trouver leur chemin dans ce petit dédale de 2,4 millions de sites, les 188 millions d'internautes utilisent des moteurs de recherche. Yahoo, né en 1994, bien sûr, mais aussi Altavista (1995) ou HotBot (1996). Mais en 1998, un nouvel entrant va ravager le marché des moteurs de recherche et autres annuaires. Il ne restera que des cendres. Il s'agit de Google. Mais gagner de l'argent avec un moteur de recherche, c'est un projet improbable. Les quelques annonces commerciales qui finissent par arriver au début de la page des réponses ne vont pas générer des millions de dollars. Très vite, la firme de Moutain View se diversifie. Elle va devenir une centrale de publicité. LA centrale de publicité. Le point central de la publicité en ligne. Et comme pour son moteur de recherche, elle va carboniser les concurrents. Pour ce faire, elle va entamer un processus de collecte sans fin de données personnelles sur les utilisateurs d'Internet. Ceux qui n'ont pas compris la profondeur du lac de données de Google n'ont rien regardé de ce qui s'est passé depuis 1998. Premier point, Google a accaparé très vite l'un des outils qui permet aux internautes de faire les choses les plus intimes : communiquer. Leurs boites mail. Gmail a ravagé le terrain. Google sait donc tout ce que vous racontez à vos proches. Mais pas seulement. Google propose aussi ce service aux entreprises. Ah..., Google sait aussi où vous allez (Waze, Maps), tout ce que vous faites avec votre doudou (votre smartphone) grâce à Android, le système d'exploitation qui vous demande un "compte Google" pour fonctionner. Ce n'est pas tout. Google a également ratiboisé un marché très particulier. Toujours bien entendu avec les mêmes arguments : c'est gratuit, on le fait pour vous aider... Il s'agit cette fois du marché de la mesure d'audience. Ce point mérite d'être développé.

Au début des Internets, chaque administrateur de sites Web fabrique ses propres statistiques de visites. Pour ce faire, il insère dans un logiciel (Webtrends, Webalizer, ...) les logs de son serveur. Chaque serveur Web garde des traces informatique de tout ce qui est fait : les pages qu'on lui demande d'afficher, celles qu'il sert, celles qu'il ne trouve pas (404 - not found), etc. Il note consciencieusement l'adresse IP de chaque visiteur, la date et l'heure, le système d'exploitation, la version du navigateur, la taille et la résolution de l'écran, le type d'appareil utilisé... Bref, plein d'informations personnelles qui parfois permettent de vous identifier avec une précision rare.

Mais avec le temps, le nombre de visiteurs est devenu plus important, les requêtes sur les sites trop volumineuses. Tout cela prenait trop de temps, trop de matériel, trop d'humains. Google Analytics est venu chambouler ce système et simplifier la vie des administrateurs de sites. Tout est fait chez Google. Cela veut dire que les sociétés fournissent gratuitement à Google les informations sur ce que font leurs visiteurs. Et cela a des répercussions sur nos vies privées. Voyez-vous, lorsque vous avez ouvert dans un onglet votre boite Gmail, Google connaît votre adresse IP, votre version de système d'exploitation, de navigateur, la taille et la résolution de votre écran, on en passe. Lorsque vous ouvrez un deuxième onglet pour aller visiter Pornhub et que vous chargez la page, Google sait exactement quelles sont vos préférences sexuelles. Tout au moins peut-il les supposer et les noter dans votre fiche. Google peut corréler les infos qui vous définissent dans votre onglet Gmail et celles qui vous définissent dans votre onglet Pornhub et conclure à 99,9% qu'il s'agit de la même personne. Cela marche avec vos préférences sexuelles (notez que Google doit conserver l'évolution de vos préférences sur les années...), mais aussi, bien entendu avec vos préférences politiques. Vous avez passé 68% de votre temps accordé à des sites à vocation politique sur des serveurs détenus par des partis de gauche ? Vous êtes de gauche. L'inverse vous classera à droite. Etc.

En toute transparence...
En toute transparence...

Google "calcule" ainsi votre identité. Les machines calculent nos identités depuis des années. Nous sommes devenus des fiches informatiques, des prospects. Tout ce qui nous est proposé sur Internet par des entreprises ne vise qu'à nous transformer en prospects ou en clients. Au pire, à faire de nous une suite d'informations qui peuvent nourrir un profil marketing que l'on peut sous-vendre. Ou encore, à faire de nous des esclaves du clic qui vont générer des profits par l'affichage de publicités dans le vide. C'est la pyramide de ponzi d'Outbrain par exemple, tellement prisée par la presse.

La presse d'ailleurs n'est pas exempte de critiques. Elle a donné tous les moyens à Google et Facebook pour la dépouiller de tous ses atouts sur Internet. De AMP aux centrales de pub en passant par le SEO et les statistiques de visite, tout a été fourgué aux deux mastodontes en échange de promesses. Or, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, comme l'on sait. Si l'on voulait trouver une image, on pourrait dire que Google et Facebook ont promis aux éditeurs qu'ils auraient à manger et leur ont distribué des miettes en échange du gâteau. Par exemple, si l'on en croit ce document (page 7), Google prend 42% des recettes publicitaires. Mais promet d'aider (un peu) les éditeurs via un fonds visant à soutenir la liberté de la presse...

Franchement, découvrir ou feindre de découvrir que Google ou Facebook sont de méchantes entreprises qui ne veulent pas notre bien en 2021, cela confine à l'aveuglement volontaire, pour ne pas imaginer pire.

Pour ce qui est de Facebook il faut remonter à l'origine de la société pour comprendre quelle est la culture d'entreprise qui préside ici.

Voici une conversation entre Marc Zuckerberg et un de ses amis, en 2004 aux touts débuts de Facebook sur le campus de Cambridge :

  • Zuck : Ouais, donc si tu as besoin d'informations sur quelqu'un à Harvard...

  • Zuck : Il suffit de demander.

  • Zuck : J'ai plus de 4000 emails, photos, adresses, numéros de sécurité sociale.

  • [Nom de l'ami expurgé] : Quoi ? Comment as-tu fait ?

  • Zuck : Les gens l'ont juste uploadé.

  • Zuck : Je ne sais pas pourquoi.

  • Zuck : Ils "me font confiance"

  • Zuck : Putain d'abrutis.

Depuis, rien n'a changé. La société Facebook accumule scandales sur scandales, annonce à chaque fois qu'elle va corriger le tir et ne fait rien. Agir remettrait en question tout son business model. En attendant, cette entreprise mine la démocratie en privilégiant les contenus clivant qui "buzzent". Plus c'est violent et haineux, plus ça va marcher et être partagé, liké... Facebook participe bien sûr, au même titre que Google, à la mise en place de l'un des plus gros fichiers de tous les temps sur l'espèce humaine.

Surprise, Facebook aussi veut tout manger...
Surprise, Facebook aussi veut tout manger...

Pour ce qui est du renseignement à la volée de vos "fiches" par Facebook pour calculer votre identité et mieux la revendre, Meta -le nouveau nom de Facebook- obtient des informations sur votre navigation, ailleurs, avec les boutons de partage social insérés un peu partout sur le Web. Chaque fois que votre navigateur affiche l'une de ces petites images, chaque fois qu'un site a inséré dans son code un script qui renseigne Facebook, le réseau social se gave de nouvelles informations sur vos goûts, vos lectures.

Google et Facebook n'ont absolument aucune éthique au sens où la plupart des humains le conçoivent. Elles ont leur propre éthique qui consiste à presser jusqu'à la moelle les internautes pour les transformer en dollars. Jamais les services qu'elles ont offerts n'ont été autre chose que des appeaux pour attirer les internautes dans ses filets.

Découvrir en 2021 que ces entreprises ont un projet qui s'oppose au bien-être des humains, aux communs, à la démocratie, au vivre-ensemble, c'est un peu comme découvrir en 2021 que Marine Le Pen et Éric Zemmour sont d'extrême-droite. Ce serait... Un peu tard.

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