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Dossier
par Antoine Champagne - kitetoa

Gilets jaunes en noir et blanc

Pourquoi sortir de la polarisation quand elle est si pratique ?

Christophe Castaner parle de "séditieux", les tévés en continu parlent de "casseurs" et tentent de maintenir une ligne selon laquelle il y aurait des bons gilets jaunes et des "infiltrés". Du noir et blanc. Le gris, lui, disparaît du paysage, comme toujours.

Gilets jaunes d'extrême droite - D.R.

"Les séditieux ont répondu à l'appel de Marine Le Pen et veulent s'en prendre aux institutions comme ils veulent s'en prendre aux parlementaires de la majorité", a lancé Christophe Castaner après les premiers incidents sur les Champs Elysées samedi 24 novembre. Il faut donc comprendre que des groupuscules d'extrême-droite ont infiltré le mouvement des gilets jaunes et qu'il serait bon que toute cette pagaille s'arrête. Laissez le gouvernement travailler, monter des barricades et mettre le feu, c'est faire partie de l'extrême-droite. Cela faisait une semaine que la presse prémédiquait tout le monde, la droite extrême tentait de récupérer un mouvement de ras-le-bol initié par l'annonce d'une hausse du prix du diesel à la pompe. La preuve que c'était vrai : les Champs-Elysées sont un champ de bataille, le ministre de l'intérieur parle de séditieux...

Les télévisions d'info en continu ont quant à elles passé la journée sur le sujet, pour une manif de 5000 personnes (selon les autorités). Il fallait bien ça... et des dizaines d'experts pour meubler... Alors que, le même jour, se tenait la manifestation contre les violences faites aux femmes — "Nous toutes" — qui réunissait quant à elle 30 000 personnes.

Le commentaire a été périlleux. D'un côté les télés voulaient parler des revendications (variées) des gilets jaunes, tenter de trier le bon grain de l'ivraie. Certains gilets jaunes manifestent dans le calme. De l'autre des "casseurs". Mais attention, pas des "casseurs" comme ceux que l'on voit généralement. Des "casseurs" qui ne cassent pas les vitrines. Ils font juste des barricades. Ça doit être une spécificité des groupuscules d'extrême droite qui auraient infiltré les "gentils" jaunes.

Sur place, les choses sont, n'en déplaise à Christophe Castaner et aux télés d'info en continu, un peu plus compliquées. La polarisation étant à la mode, on comprend assez facilement la démarche de Christophe Castaner. Pointer du doigt les méchants, provoquer une désolidarisation, brandir le repoussoir de l'extrême-droite... "Nous savons que des réseaux d’ultradroite et d’ultragauche, les black blocs ont aussi décidé de se mobiliser à Paris", avait prévenu Castaner.

Mais comment ont commencé les barricades et les mises à feu ? Avec une charge des forces de l'ordre sur les manifestants en bas des Champs-Elysées. Il y a donc sans doute des gens qui ne sont pas des "casseurs" qui ont très soudainement compris ce que pouvait être la violence d'Etat et ont choisi de ne pas se laisser faire. La violence entraîne la violence.

"La liberté d’expression sera garantie. Mais elle ne peut s’exercer au détriment de la sécurité, de l’ordre public, du droit de chacun d’aller et venir", estimait le ministre de l'Intérieur le 23 novembre.

Il est vrai que dans son article 2, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 définit les "droits naturels et imprescriptibles de l'Homme" : "Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression". Castaner a juste oublié la fin de l'article.

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