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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

François : pas en mon nom !

Mon cher François, Je te dis "tu" parce que c'est la coutume, au PS, on s'appelle "camarade" et on se dit "tu". Je n'ai jamais milité au PS, mais j'imagine qu'il est préférable d'adopter les us et coutumes de ton environnement pour m'adresser à toi. Mon cher François, disais-je, tu es en passe de réussir là où l'on ne t'attendait pas. Ce n'est pas une nouveauté. Les socialistes, lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir en 81 avait fait de même.

Mon cher François,

Je te dis "tu" parce que c'est la coutume, au PS, on s'appelle "camarade" et on se dit "tu". Je n'ai jamais milité au PS, mais j'imagine qu'il est préférable d'adopter les us et coutumes de ton environnement pour m'adresser à toi.

Mon cher François, disais-je, tu es en passe de réussir là où l'on ne t'attendait pas. Ce n'est pas une nouveauté. Les socialistes, lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir en 81 avait fait de même. Ils ont réussi (un peu plus tard) sur le plan économique, alors qu'on les attendait sur le social. Toi, tu es en passe de pousser vers l’abstentionnisme la majorité des sympathisants de gauche. Ou pire, de les envoyer vers les extrêmes. A gauche ou à droite. J'avoue, c'est fort. Parce que, camarade, lorsque tu es arrivé au pouvoir, c'était une route pavée de pétales de roses (pas pu m'empêcher, désolé). Nous sortions d'un cauchemar de cinq ans. Cinq ans de sarkozysme, ça vous radicalise une population. Oh, bien sûr, il y a ceux qui se sont radicalisés à droite, mais franchement, je pense que la plupart des citoyens de ce pays (et ton élection le démontre par les chiffres), se sont rabattus sur le candidat opposé au fossoyeur du contrat social qui nous unissait. Bref, tu étais porteur de tous les espoirs -et ils étaient nombreux, immenses- d'une population. Pas forcément socialiste, mais au moins opposée à la politique de Nicolas Sarkozy. Qu'as-tu fait de ces espoirs ? Tu les as déçus.

A trop vouloir faire de la social-démocratie, à trop prendre en compte les desiderata de ton ancien ennemi, le monde de la finance, du MEDEF, que sais-je, tu as braqué tes électeurs qui te le disent dans les sondages d'opinion. Même ton soutien à Amesys et Bull, à Qosmos, tout cela, cela ne m'a pas étonné.

Mais tout cela, franchement, je m'y attendais. Cela ne m'a pas empêché de voter pour toi. Bien obligé si l'on voulait se débarrasser du petit teigneux.

Je savais, car il y a longtemps que j'ai compris que les hommes politiques se font élire pour gagner ou conserver leur pouvoir, pour régler leurs problèmes et ceux de leurs amis plutôt que ceux de ceux qui les ont élus. Je savais que tu te ferais bouffer par la finance. Que tu aurais peur. La taxe sur les transactions financières qui exclue le high frequency trading en est une bonne illustration. La majeure partie des transactions sont le fait des algos. Les exclure, c'est réduire à néant le projet sans que cela puisse être vu par le grand public. Bien joué.

En votant pour toi, je me disais, au moins, le nombre de mails de RESF va baisser. On va oublier le tout répressif, le populisme à 2 cents d'euros. On va jeter la clef de la haine au fond du puits.

Et bien non.

Tu t'indignes que l'on appelle à la démission de Valls? Franchement ?

Même les jeunes, présentés comme apathiques  et non politisés, sont dans la rue. Ils crient ce que toi et tes camarades avez crié dans votre jeunesse. Le ras-le-bol de la répression aveugle, de la haine, du rejet de l'autre. Souviens-toi camarade : "touche pas à mon pote".

Je sais, c'est loin.

Mais en cherchant bien, tu retrouveras bien un peu de cette candeur de jeunesse au fond de toi.

J'ai bien noté le travail des spin doctors ces deux derniers jours. Tu fais des efforts. Mais ces efforts sont ceux d'un directeur de la communication. Et ça, les citoyens, ils le l'avalent plus. Va faire un tour par toi même sur Twitter pour sentir le pouls. Tu verras, les gens sont vraiment en colère. Ils commencent à détester les hommes politiques. Tu contribues à cela et ça, c'est très mauvais pour la Démocratie.

Oui, ces deux derniers jours, il y a eu tout ce travail pour décrédibiliser la famille Dibrani dans son ensemble. Les journalistes ont assez bien relayé. Pas mal essayé. Et puis il y a eu l'annonce d'une enquête administrative (déminons, la presse passera peut-être à autre chose en attendant le rapport). Ça n'a pas marché, parce que les jeunes sont descendu dans la rue. Et puis, un peu à court d'idées, il y a eu l'annonce d'une "sanctuarisation" de l'école. Pas bête. On ne viendra plus chercher les enfants dans les écoles pour les expulser. On ira les chercher chez eux ?

François, une maskirovka aussi frelatée que celle là, ce n'est pas possible. On dirait que tu as totalement perdu de vue les idéaux de gauche, ces grandes idées philosophiques qui différencient ton camp de celui d'en face. Souviens-toi, la dépénalisation de l'homosexualité, c'est la gauche. Fillon et ses copains, eux votaient contre. Souviens-toi, l'abolition de la peine de mort, c'était la gauche. Le RPR votait plutôt contre. Souviens-toi, le mariage pour tous, c'était... toi. L'UMP votait plutôt contre. En 81, la régularisation massive d'étrangers, c'était la gauche.

De quoi as-tu peur ? En accordant la nationalité française à quelques centaines de milliers de personnes, la France va-t-elle disparaître ? Une sorte de fusion nucléaire qui ensevelirait notre "civilisation"?

Ce ne serait pas une belle idée de gauche, que de dire que toute personne dont les enfants sont scolarisés en France ont vocation à rester sur le territoire, avec ses enfants, bien entendu ? Je ne te parle même pas de régularisation.

Bref, tout ça pour te dire, mon cher François que ton gouvernement qui fait autant preuve d'inhumanité que celui de François Fillon. N'oublions pas, au passage, que c'est François Fillon, celui-là même qui tente par du whitewashing de faire oublier qu'il est l'artisan de la politique de Nicolas Sarkozy, que c'est lui qui l'a appliquée pendant cinq ans.

Et franchement, mon cher François, je dois te dire que je ne peux pas apporter ma voix à un gouvernement faisant preuve d'inhumanité. Qu'il se laisse avaler par le monde de la finance, je te l'ai dit, cela ne m'a même pas étonné. Mais qu'il se laisse aller aux mêmes démons que l'UMP ou le FN, ça, c'est trop pour moi.

photo publiée sur http://www.mediapart.fr/node/350187

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