Journal d'investigation en ligne
par Isabelle Souquet

États Unis : un futur gouvernement chaotique

Trump est inquiétant, son Administration aussi...

Au fil des nominations, on voit se dessiner un mélange hétéroclite de personnalités complotistes ou climatosceptiques, de stars des télés d’extrême droite et d’amis milliardaires. Et ce n'est pas fini.

Trump lève une armée de clowns ? - Photo clowns : Antanasc - photo Trump : Gage Skidmore
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Quel critère décisif pour appartenir au prochain cercle du pouvoir aux États-Unis ? La compétence, et l’honnêteté ne paraissent pas prépondérants. En revanche, mieux valent la proximité avec le « dictateur du premier jour », comme il s’est qualifié lui-même, et « l’envie de tout casser » selon le président de Héritage Foundation* qui explique que « le peuple américain a réélu Trump pour qu’il puisse casser tout ce qui doit l’être », c’est-à-dire les institutions. Et cette fois-ci le nouveau président n’est plus dans l’impréparation de sa première arrivée au pouvoir en 2016. Il a eu largement le temps de murir des choix, de remâcher ses frustrations, et, il ne sen cache pas, de préparer ses revanches.

Premier artisan de la déconstruction, le multimilliardaire Elon Musk, patron notamment de X (ex Twitter), Space X et Tesla. Zébulon des estrades pendant la campagne républicaine, il sera nommé à la tête d’une « commission à l’efficacité gouvernementale », pour tailler dans les dépenses fédérales – avec une programmation d'y soustraire 2.000 milliards de dollars - et qui pèse de tout son poids pour influencer les choix présidentiels, au mépris de tous conflits d’intérêts.

Un de ses proches, David Sacks, riche homme d’affaires, va occuper un poste, créé tout exprès, de conseiller à la Maison Blanche en intelligence artificielle et cryptomonnaies – un sujet que Donald Trump qualifiait « d’escroquerie » à son premier mandat - et de la question très sensible de la « préservation de la liberté d’expression en ligne »., qui pourrait empêcher la répression des expressions de haine tous azimuts. Un avocat favorable au développement de ces monnaies, Paul Atkins, dirigera l’autorité des marchés financiers. Une nomination qui a fait flamber les cours du bitcoin.

Des places pour les amis

Donald Trump sait aussi récompenser ses fidèles : il reprend son ancien conseiller économique Peter Navarro, récemment sorti de la prison où il a passé quatre mois pour avoir refusé de fournir au Congrès des documents sur l’assaut du Capitole.

C’est un complotiste antivax sans aucune formation scientifique qui va diriger le ministère de la Santé : Robert Kennedy Jr, accusé en outre d’agression sexuelle par l’ex baby sitter de ses enfants. Passé la stupéfaction, la communauté scientifique s'est mobilisée à cette annonce et 77 prix Nobel s'y sont déclarés opposés. Ils ont fait parvenir une lettre commune aux sénateurs américains, en vain. Il sera flanqué du chirurgien Mehmet Oz, vedette d’une télévision ou il promouvait des médicaments improbables, il est choisi pour gérer l’énorme programme public d’assurance maladie, gestion pour laquelle il n'a aucune formation ni expérience particulière.

La sécurité des américains est confiée à des personnalités sans compétence sur le sujet : Pete Hegseth va prendre la tête du Pentagone. Cet ultraconservateur animateur de Fox News, connu pour ses idées conspirationnistes. – il est l’auteur d’un livre sur l’expansion du « wokisme » et les méfaits de la diversité dans l’armée- a lui aussi été accusé d’une agression sexuelle, qui aurait eu lieu en Californie en 2017.

Plus inquiétante encore, la direction du FBI qui devrait échoir à l'avocat Kash Patel, adepte de la théorie conspirationniste de « l’état profond » qu’il a promis de démanteler, on l’entend dans un podcast récent promettre de « traquer les conspirateurs et ceux qui ont truqué les élections ». Donald Trump , qui l'avait dans son premier mandat, placé au Pentagone puis au secrétariat a la Défense voyait déjà en lui « un éventuel bourreau politique pour éradiquer et virer tous ceux à la Maison Blanche » qu'il soupçonnait de ne pas être assez loyaux. A la tête du renseignement national, ce sera Tulsi Gabbard, ouvertement pro-Kremlin dans le conflit en Ukraine et ex supportrice du régime syrien et qui fut membre d’une secte ouvertement hostile à « l’homosexualité extrémiste ».

Le poste de ministre de la justice avait été promis à Matt Gaetz, ancien militaire et figure provocatrice du milieu MAGA** . Rattrapé par des accusations d’agression sexuelle, il a renoncé. Le poste a été confié à l’ex-procureure générale de Floride Pam Biondi, juriste à la Maison Blanche sous le premier mandat Trump, qui a mené la contestation de l’élection perdue. Un poste vital pour le nouveau président qui entend bien – il l’a maintes fois formulé en meeting- « se venger » de ceux qui l’ont poursuivi en justice.

A l’international, le nouvel envoyé spécial au Moyen-Orient brille particulièrement par son absence d’expérience diplomatique et de connaissance des dossiers : Steve Witkoff est un magnat de l’immobilier mais , surtout, un partenaire de golf assidu du président élu. L’ambassadrice auprès de l’Onu Elise Stefanik et l’ambassadeur en Israël Mike Huckabee sont tous deux les tenants d’une ligne dure pro-israélienne et sans considération pour les Palestiniens. Pour Huckabee il n’y a pas « d’occupation » mais seulement des liens « bibliques » d’un peuple avec la « Judée Samarie »

La famille n’est pas oubliée. Les pères de deux de ses gendres vont occuper des postes en vue : Massad Boulos sera son conseiller principal pour le Moyen-Orient, et nous aurons l'occasion de voir de plus près Charles Kushner à l'oeuvre : il devient ambassadeur des États Unis en France. La communauté internationale n’est certainement pas au bout de ses surprises : Donald Trump doit, au total, procéder à plus de 4.000 nominations.


organisation ultraconservatrice qui a préparé pour Trump le Project 2025 * Make America Great Again, slogan de la campagne Trump

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