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Édito
par Rédaction

En marche vers l'arbitraire ?

Pour certains, l'Etat de droit, c'est dépassé

La droite et l'extrême droite se rejoignent dans la surenchère verbale après les attentats. Le concours Lépine des idées sécuritaires est ouvert. Eux ne sont pas au pouvoir. Mais La République en marche dans son projet de loi sur la "sécurité globale" veut rogner un peu plus sur nos libertés et sur l'Etat de droit.

Frontière entre les provinces de Guantanamo et Santiago à Cuba - Paul Keller - Wikipedia - CC BY 2.0

Après les tragiques attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, la droite et l'extrême droite manipulent la surenchère. Jusqu'à l'outrance. Le concours Lépine des idées sécuritaires est ouvert.

Marine Le Pen vitupère, comme à son habitude, : « Puisque le terrorisme est un acte de guerre, il exige une législation de guerre. »

Mais les Républicains sont aujourd'hui quasiment sur la même ligne. Le maire de Nice Christian Estrosi veut que « la France s'exonère des lois de la paix pour anéantir définitivement l'islamo-fascisme ». Pour lui, « on ne peut pas régler « _En tant que maire, je veux avoir la liste des fichés S ; et partout où des centres de supervision urbains sont munis de logiciels, pouvoir mettre en place la reconnaissance faciale. Par souci de clarté, j'évite d'être aux côtés de la clique islamo-gauchiste qui fait semblant d'adorer la République le jour, et la nuit encourage ses pires ennemis. Ces gens sont les complices intellectuels des islamo-fascistes ! »

Eric Ciotti, toujours dans la mesure, embraye en réclamant un « Guantánamo à la française » pour les terroristes islamistes qui vont sortir, pour les détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison et pour les fichés S, qui seraient 20.000 selon lui, les plus dangereux. Avec combinaison orange et torture au menu ? Et d'ajouter : « Il faut arrêter avec la défense de ces pseudos libertés individuelles. » C'est sûr, la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de manifestation, tout ça, c'est dépassé. Et bientôt, le Guantanamo français, il sera aussi pour les « complices intellectuels islamo-gauchistes » ?

Et pendant que la droite s'agite, La République en marche agit. Profitant du Covid, les députés de la majorité LREM ont déposé discrètement une proposition de loi de « sécurité globale » qui remet le couvert pour des souhaits de longue date. Au programme, légalisation de la surveillance par drone, interdiction de diffusion de l'image des policier. L’article 24 de la loi propose d’interdire au public de diffuser « l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police » et lorsque cette diffusion est faite « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Un garde-fou bien timide... Et parions sur les intimidations des forces de l'ordre pour empêcher les citoyens de filmer leurs interventions. L'objectif est clair : empêcher de documenter les violences policières. Pas d'image, pas de problème. Et si des images sont diffusées, les syndicats de policiers ne manqueront pas non plus de demander leur censure sur les réseaux sociaux.

Cette loi prévoit aussi que les caméras des policiers pourront aussi transmettre en temps réel les images des manifestants. Vous voyez venir la prochaine étape ? Une reconnaissance faciale automatisée en temps réel. La police dispose déjà de 8 millions de photo dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, des photos d'auteurs comme des victimes d'infraction. Elle utilise déjà la reconnaissance faciale pour tenter de mettre un nom sur l'auteur d'une infraction dans le cadre de ses enquêtes. Mais là, une nouvelle étape serait franchie.

Nous sortons lentement de l’État de droit. « En temps de paix, la République n’a jamais connu une telle restriction des libertés », s'alarme Jean-Marie Burguburu, le président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. Le contraire du droit, c'est l'arbitraire, c'est le règne du soupçon au détriment de la preuve. C'est bien le règne de l'arbitraire qui nous menace aujourd'hui. Qui se lèvera pour empêcher ces abus ?

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