Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Emmanuel Macron et ses ministres font preuve d'insuffisance professionelle

Ils ne parviennent pas à atteindre les objectifs fixés

Au gouvernement, si l'on y appliquait les règles du marché du travail, le président de la République et ses ministres seraient virés depuis un bon moment. Ils accumulent les échecs sur un plan macro-économique, à un point franchement inquiétant. En matière sociétale, ce n'est pas franchement mieux.

Perspectives économiques du FMI - Copie d'écran

C’est un un peu un objet de fascination : les libéraux et les ultra-libéraux ne perdent pas une occasion de fustiger les salariés ou les fonctionnaires inefficaces, surpayés, de vouer aux gémonies les services publics qui « dysfonctionnent » ce qui justifierait leur privatisation à venir… mais rares sont ceux qui appliquent ces principes à eux-mêmes. Prenons Emmanuel Macron et ses ministres. Ont-ils atteint les objectifs attendus par la copropriété (la France) ? S’ils avaient échoué, faudrait-il les licencier ?

Sur le plan macro-économique, les principaux indicateurs sont au rouge vif. On peut le tourner dans tous les sens, Emmanuel Macron est un piètre gestionnaire et ses ministres ne font pas mieux.

En 2017, la campagne bat sont plein. Le futur président se déclare pour un maintien du critère de convergence d’un déficit public inférieur à 3% du Produit intérieur brut (PIB). Las… s’il maintient ce déficit à 2,3% du PIB en 2018 on passe à 3,1% en 2019 avant d’exploser à 8,9% en 2020 et 6,5% en 2021. Pour 2022, les prévisions gouvernementales font état d’un déficit à 5% du PIB. Emmanuel Macron fait bien pire que ses prédécesseurs. Pour un ancien banquier, même d’affaires, cela fait un peu désordre.

Si les recettes de l’État font parfois des bonds (+8,4% en 2021), l’endettement de la France explose sous Macron, comme il avait explosé sous Nicolas Sarkozy et sous François Hollande. De droite ou de gauche, les politiques ne savent pas gérer le porte-monnaie du pays qu’ils entendent diriger.

Déficit public - INSEE
Déficit public - INSEE

La France frôle désormais les 3.000 milliards de dette, soit 113% du PIB. Pour se donner une petite idée de la situation, on peut se reporter à la situation de la Grèce en 2008 : une dette publique représentant 177% de son PIB et un déficit budgétaire de 13% du PIB. Quelques mois plus tard, ce pays sera déclaré en faillite virtuelle, menacera la stabilité de l’Union européenne et sera mis sous tutelle par une troïka d’experts de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international. La troïka a alors imposé une cure d’austérité insoutenable à ce pays pour l’obliger à assainir ses comptes. Si la France n’en est pas là, elle en prend le chemin, d’autant que l’environnement économique mondial ne prête pas à l’optimisme, mais nous y reviendrons.

Montant de la dette française - INSEE
Montant de la dette française - INSEE

Dette française en points de PIB - INSEE
Dette française en points de PIB - INSEE

Le PIB évolue quant à lui de manière mitigée sous l’impulsion d’Emmanuel Macron et de ses équipes. En 2017, il croît de 2,3% avant de ralentir à +1,9% en 2018 puis 1,8% en 2019. L’année 2020 est particulière puisqu’elle correspond à l’arrivée du covid : le PIB s’effondre de 7,8%. En 2021 qui marque une très forte reprise de l’activité économique mondiale, le PIB français grimpe de 6,8%. La chute de l’année précédente n’est donc pas effacée. En 2022, le PIB a progressé de 0,2% au premier trimestre puis de 0,5% au deuxième et a baissé de 0,2% au troisième. Le Trésor table sur une croissance de 2,7% pour l’ensemble de l’année en cours. Le gouvernement a un objectif de croissance de 1% pour 2023.

Le retour de l'inflation

La hausse de prix, après un très net ralentissement en 2020, année d’explosion du Covid, explose en 2021 et 2022. Pas plus de que ses collègues étrangers, le président français ne parvient à endiguer le mouvement. On pourrait s’étendre sur la folie du quantitative easing utilisé depuis 2008 pour maintenir artificiellement la hausse des marchés financiers et qui a boosté cet indice, entrainant comme à chaque bulle financière un coût maximal pour les plus démunis tandis que les responsables des crises font payer leurs excès par la communauté. Mais nous nous égarerions.

Indice des prix à la consommation en France - INSEE
Indice des prix à la consommation en France - INSEE

Salaires réels - OCDE
Salaires réels - OCDE

Emmanuel Macron et ses ministres évoquent souvent leur réussite en matière de chômage. Le taux est passé de 8,7% fin 2017 à 7,1% au troisième trimestre 2022. Mais à quel prix ? Les radiations, le durcissement des conditions d’indemnisation, la forte augmentation de l’apprentissage, lourdement subventionné par l’exécutif, dressent un portrait de la situation en trompe-l’œil.

Toutes ces contre-performances n’empêchent pas Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, de s’auto-féliciter : « Les mois à venir seront difficiles au point que certaines économies européennes n'échapperont pas à la récession. Ils seront difficiles parce que la guerre en Ukraine se poursuit, parce que la crise énergétique se poursuit, parce qu'il y a un ralentissement chinois. De ce point de vue, la France fait figure d'exception. Elle résiste mieux ».

Coût de l'énergie pour les entreprises et les particuliers - OCDE
Coût de l'énergie pour les entreprises et les particuliers - OCDE

À sa décharge, on dira que cette déclaration date d’avant la levée des restrictions drastiques contre le Covid en Chine et l’explosion des cas qui va probablement mettre à l’arrêt l’usine du monde et perturber à nouveau la chaîne d’approvisionnement mondiale… Zut, encore un impondérable… Mais qui aurait pu prévoir, comme l'a expliqué à propos de la crise climatique le président de la République dans ses voeux aux Français. Ce n'est pas comme si gouverner, c'était prévoir...

De son côté, la patronne du FMI, Kristalina Georgieva, n’est pas aussi optimiste que Bruno Le Maire pour l’avenir.

« L’invasion de l’Ukraine par la Russie, écrit-elle, a fortement assombri les perspectives de l’économie mondiale. Par conséquent, les risques économiques se sont fortement accrus. Les tensions géopolitiques et sociales se sont intensifiées, parallèlement à l’augmentation de la pauvreté́ et au creusement des inégalités. L’inflation s’est fortement accélérée dans de nombreux pays, sous l’effet conjugué de la flambée des cours de l’énergie, des denrées alimentaires et des produits de base, des pénuries de main-d’œuvre et des ruptures d’approvisionnement. La dette publique et la dette privée ont atteint de nouveaux sommets. Disposant d’un espace budgétaire plus restreint, les pays devront faire des choix stratégiques de plus en plus difficiles pour faire face à la montée de l’inflation, à l’aggravation des risques macrofinanciers et au ralentissement de la croissance. Les enjeux économiques actuels, liés à la pandémie et aux répercussions de la guerre, mais aussi au changement climatique et à la transformation numérique, révèlent les failles économiques et géopolitiques du système économique et financier mondial. »

En clair, la directrice générale du Fonds, explique sans sourciller que :

1) Les risques géopolitiques sont au rouge vif.

2) Les inégalités sont énormes et la pauvreté augmente.

3) L’inflation explose.

4) Conséquence d’une politique folle de quantitative easing pendant des années, l’endettement des pays et des entreprises est à son maximum historique.

5) Le système économique et financier mondial est cassé.

Alors, rassurés pour 2023 et les années suivantes ?

Le problème de la dette mondiale qui, encore une fois, s’explique par la décision des politiques et des banquiers centraux d’inonder les marchés avec de l’argent magique (faire tourner à fond la planche à billets depuis 2008), est particulièrement préoccupant et les analystes du Fonds ne s’y trompent pas : « Le volume global des emprunts a augmenté de 28 points de pourcentage pour atteindre 256% du PIB en 2020. Cette hausse est due pour moitié aux emprunts publics et pour le reste aux sociétés non financières et aux ménages. La dette publique représente désormais près de 40 % du total mondial, soit le pourcentage le plus élevé depuis près de six décennies », écrivaient-ils en septembre dernier. Essayez d’aller emprunter auprès de votre banquier en lui disant que votre endettement représentera 256% de vos revenus annuels et observez sa réaction. Dans un monde capitaliste parti en vrille, il y a les règles et puis il y a... les autres règles. En fonction des acteurs économiques.

L'endettement mondial - FMI
L'endettement mondial - FMI

Mieux, dans son rapport annuel, le Fonds estime que « au fur et à mesure que la politique monétaire se resserrera pour juguler l’inflation, les coûts des emprunts souverains vont augmenter, ce qui réduira la marge de manœuvre pour les dépenses publiques et accroitra la vulnérabilité liée à la dette, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement. Pour compliquer les choses, l’étendue des passifs et leurs conditions ne sont pas entièrement connues dans de nombreux cas. ». Ce n’est pas la première fois qu’une grande institution internationale comme le FMI admet qu’en fait, personne ne sait exactement ce qui se passe dans cette économie mondialisée où se développe sans contraintes un mode capitaliste devenu fou. Ces institutions en sont réduites à tenter d’éviter les pots cassés. Le manque de volonté politique (les États ont toujours le privilège de faire la loi et donc d’encadrer le monde financier s’ils le souhaitent) s’était illustré après les crises de 2008 et de 2011.

2023 : ça ne va pas être rose non plus

Tous les trois mois, le Fonds publie un rapport sur l’état économique du monde. Il revoit ses prévisions du trimestre précédent et en fait d’autres pour l’avenir. Le dernier opus qui date d’octobre n’est pas enthousiasmant. Et tandis que le ministre français de l’économie table sur une croissance de 2,7% en 2022 et 1% pour 2023, sur une inflation à 4% fin 2023, les experts du Fonds dressent une image des fondamentaux macro-économiques un peu plus sombres. Ils tablent sur une croissance du PIB français de 2,5% en 2022 et de 0,7% en 2023. Le taux d’inflation devrait pour sa part ressortir à 5,8% en 2022 et 4,6% en 2023

« Selon nos dernières prévisions, la croissance mondiale devrait rester inchangée en 2022, à 3,2 %, et ralentir à 2,7 % en 2023, soit 0,2 point de pourcentage de moins que les prévisions de juillet », précisent-ils. Il y a même une probabilité de 25 % qu'elle tombe en dessous de 2 %. « Plus d'un tiers de l'économie mondiale se contractera cette année ou l'année prochaine, tandis que les trois plus grandes économies - les États-Unis, l'Union européenne et la Chine - continueront à stagner. En bref, le pire est à venir, et pour beaucoup de gens, 2023 ressemblera à une récession ». Nous voilà prévenus. « Il s'agit du profil de croissance le plus faible depuis 2001, à l'exception de la crise financière mondiale et de la phase aiguë de la pandémie de COVID-19 », expliquent les économistes du Fonds.

« L'inflation mondiale devrait passer de 4,7 % en 2021 à 8,8 % en 2022, puis retomber à 6,5 % en 2023 et à 4,1 % en 2024 », anticipe le FMI.

L’institution internationale édite également un rapport sur la stabilité financière mondiale. Un machin un peu aride, mais que tous les opposants à un capitalisme débridé devraient lire avec attention. Voici leur analyse en octobre dernier : « Les risques pour la stabilité financière mondiale ont augmenté depuis le rapport d'avril 2022 sur la stabilité financière mondiale et la balance des risques est orientée à la baisse. Dans un contexte d'inflation la plus élevée depuis des décennies et d'incertitude extraordinaire quant aux perspectives, les marchés ont été extrêmement volatils. Malgré quelques gains au milieu de l'année, les prix des actifs à risque tels que les actions et les obligations d'entreprise ont fortement baissé, les investisseurs s'étant résolument retirés de la prise de risque en septembre. La détérioration de la liquidité du marché semble avoir amplifié les mouvements de prix ». La situation est sous contrôle et l’avenir est rose, on vous dit.

Côté OCDE, le constat est également inquiet. L’inflation en France devrait atteindre 5,9 en 2022, puis 5,7% en 2023 et 2,7% en 2024. Sauf nouvel impondérable évidemment… L’économie est loin d’être une science, encore moins une science exacte.

Indice des prix à la consommation - OCDE
Indice des prix à la consommation - OCDE

La croissance du PIB s’établirait, selon l’OCDE, à 2,6% en 2022, puis 0,6 en 2023 et 1,2% en 2024.

Prévisions de croissance du PIB  - OCDE
Prévisions de croissance du PIB - OCDE

Mais au-delà des résultats macro-économiques catastrophiques de l’équipe En marche re-née, on peut également s’interroger sur les avancées pour les grands sujets de société.

Sur un plan purement économique, Emmanuel Macron, ses ministres, l’équipe En marche re-née et leurs prédécesseurs ont échoué à gérer convenablement. Sur un plan sociétal, la liste des échecs est plus longue encore : la place des femmes et leur protection contre les violences sexuelles, une grande cause totalement délaissée; une inaction climatique quasiment totale; un taux de chômage maintenu artificiellement bas (58.000 radiations administratives en novembre 2022, un chiffre inédit); une répression et une inhumanité sans précédent dans le traitement des mouvements sociaux et des réfugiés; une police qui dérape de plus en plus souvent avec une impunité quasi systématique; une pauvreté qui ne fait qu’augmenter; un problème terrible de probité de la part des ministres et des politiques en général, discréditant encore la parole des représentants; un service public en lambeaux (transports, éducation, santé, justice,…), n’en jetez plus. Peut-on parler d’insuffisance professionnelle et demander au DRH de leur envoyer une lettre de licenciement ?

7 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée