Journal d'investigation en ligne
par Eric Bouliere

Elections locales pour pollution départementale

Comme une grosse tache sur la photo…

Bienvenue à La Rochelle! Les îles, le vieux port, les tours, les couleurs du ciel ou de l'eau, voyez comme ici tout est propre et beau. Puis il y a Aytré. Une petite commune voisine, tout aussi charmante, mais dont les meurtrissures du trait de côte cadrent moins avec la carte postale.

Beau comme le vieux port de la Rochelle. - Reflets
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Élections pièges à cons, préfaçait Jean-Paul Sartre dans les années 70. Simple coïncidence chronologique, c'est à cette même époque que le port de plaisance des Minimes émergeait à La Rochelle. Compte tenu de l'actualité on pourrait presque y entrevoir un singulier rapport. D'un coté un isoloir à rideau fermé que l'écrivain considérait comme une chambre noire où tout serait permis: «Personne ne te voit, tu ne dépends que de toi-même, tu vas décider dans l’isolement et, par la suite, tu pourras cacher ta décision ou mentir». De l'autre, un trou bleu à ciel ouvert considéré par certains comme un dépotoir où tout serait, là aussi, permis. Ce fameux trou bleu c'est justement l'ancienne carrière d'où furent prélevés les blocs de calcaire nécessaires à l'édification du port. Jamais rebouchée la cavité se trouve aujourd'hui au centre de toutes les discussions, de toutes les attentions, de toutes les pollutions également. Pour en arriver là, combien de bonnes consciences politiques se sont cachées derrière le rideau en jurant de s'occuper de l'affaire -par la suite-. La suite vient probablement de s'écrire à l'approche des régionales et des départementales: élections, piège à pollution? Ce n'est peut-être pas si con, car le fond des urnes s'est déjà tapissée de réactions outrées et d'engagements plus ou moins solennels.

De la carrière de la pointe de Roux au port des minimes - Reflets
De la carrière de la pointe de Roux au port des minimes - Reflets

Loin des yeux mais près du port

La carrière se situe à quelques coups de pédales des Minimes. Cette gigantesque excavation, dite du trou Rizzo, porte familièrement le nom du tout premier propriétaire du terrain. Peu de temps après la fin des travaux portuaires la parcelle fut publiquement reproposée à la vente. Les autorités locales n'ayant que faire d'un inutile trou-trou plein de vide (la première erreur vient souvent de loin...), le lopin de terre finit par tomber dans l'escarcelle d'un particulier. Depuis 1989 diverses propositions d'aménagements restés sans lendemain se sont enchaînées dans le seul but de valoriser l'endroit. Chemin faisant la nature s'est donc chargée de reprendre ses droits: le lieu est devenu une magnifique étendue d'eau posée entre mer et terre. Au point que de hautes instances souhaitent désormais sacraliser la zone en l'intégrant dans un programme de conservation et de protection du littoral Atlantique. Mais à contrario, d'autres n'apprécient ce gouffre providentiel qu'à hauteur de sa capacité à pouvoir ingurgiter quelques 750 000 m3 de déchets bien encombrants. Alerte bleue, le clan des tractopelles vient de lancer une nouvelle offensive contre le fief de Roux.

La carrière de la pointe de Roux, dite le Trou Rizzo - Reflets
La carrière de la pointe de Roux, dite le Trou Rizzo - Reflets

Quelle drôle d'idée d'avoir envie de boucher une vue pareille - Reflets
Quelle drôle d'idée d'avoir envie de boucher une vue pareille - Reflets

A gauche l'océan, à droite la carrière, et au milieu coule un sentier pédestre - Reflets
A gauche l'océan, à droite la carrière, et au milieu coule un sentier pédestre - Reflets

Mais que fait la préfecture?

C'est la raison pour laquelle Agnès Vince, la présidente du conservatoire du littoral (établissement public placé sous tutelle ministérielle) s'est sentie obligé de se rappeler au bon souvenir d'un préfet de région totalement muet sur le sujet: « Je tiens à vous alerter sur la sensibilité d'un dossier pour lequel vos services, ainsi que la DREAL, ont été rencontrés récemment par de nouveaux porteurs de projets… ».

L'alerte lancée à l'adresse du préfet de Charente-maritime: sans suite... - Reflets
L'alerte lancée à l'adresse du préfet de Charente-maritime: sans suite... - Reflets

De fait, la carrière de la pointe de Roux venait une nouvelle fois d'attiser la convoitise d'entrepreneurs très entreprenants. Averti de la tenue de ces philanthropiques concertations, l'un des adjoints de la Municipalité d'Aytré s'est alors résolu à prendre le taureau par les cornes. Et plutôt que de s'adresser au saint des saints, Pierre Cuchet s'est tourné vers la rédaction de son journal favori. C'est ainsi que l'équipage de Charlie-Hebdo, Nicolino et Riss, est venu accoster sur les berges du lac bleu. Une tempête médiatique s'est aussitôt abattue sur toute la côte Rochelaise…

Est-il encore utile de préciser que Riss est un excellent dessinateur... - Reflets
Est-il encore utile de préciser que Riss est un excellent dessinateur... - Reflets

Croqués par Charlie, cuisinés par Reflets

Martine Villenave: Ex-élue municipale d'Aytré, conseillère départementale sortante

Cela ne date pas d'hier, mais je n'ai plus entendu parler de ce projet jusqu'aux municipales de 2020. Lorsque la mairie à changée de bord, ils se sont dit, si ça se trouve, maintenant ça va passer, on va retenter le coup. Cela explique pourquoi il y a un rebondissement aujourd'hui, et c'est aussi la raison de mon intervention durant le conseil départemental. Je souhaite que tous les élus qui vont se présenter aux prochaines élections se positionnent clairement sur le sujet!

Une étape vient d'être franchie dans le sens où la communauté d'agglo a été forcée de prendre position, c'est une bonne première étape, mais je souhaiterai que l'Etat se positionne la dessus. C'est pourquoi je me suis adressée au Préfet Basselier, qui ne s'est pas du tout prononcé sur le sujet

Un projet qui revient en fonction de la couleur de la mairie d'Aytré... - Refllets
Un projet qui revient en fonction de la couleur de la mairie d'Aytré... - Refllets

Tony Loisel: Maire d'Aytré, conseiller communautaire délégué

La dune de sable, qui aujourd'hui est réduite à peau de chagrin, et qui faisait autrefois presque 150 mètres de large, a été remplacée par des déchets. Sous le camping qui est encore exploité se trouve des frigos, des télévisions…. A Aytré il y a eu des zones de déchets très important, il y a toujours des écoulements de lixiviats, ces espèces de jus qui sortent des déchets entreposés et qui réclament d'être traités.

Des prélèvements ont été faits dans la carrière de Roux, il y a une petite pollution de l'eau, mais rien d'exceptionnel. On pense qu'elle provient par le ruissellement des eaux de sources, en profondeur, via le site Delfau voisin, qui lui, pour le coup est une énorme catastrophe écologique.

Tout va bien sous le soleil de la Rochelle - Reflets
Tout va bien sous le soleil de la Rochelle - Reflets

Pierre Cuchet: Adjoint au maire d'Aytré, chargé de l’Aménagement du territoire, de l’Écologie et de l’Urbanisme.

L'urgence est au blocage ferme définitif du projet d'enfouissement des déchets. L'achat du terrain m'est un peu indifférent. Si demain on peut le mettre au crédit du conservatoire du littoral c'est parfait, mais pour l'instant c'est l'arrêt du projet qui importe vraiment

Le dernier rapport d'inspection fait par la DREAL estimait la dépollution complète du site Delfau entre 30 et 40 millions d'euros. Une autre option consistait à recouvrir l'endroit par des bâches et de laisser faire le temps, cela coûterait environ un million. Je suis résolument opposé à cette seconde option. Nous devons chercher des appuis et des aides du coté des hautes instances

Pollution: les fantômes du passé

Avant d'entrer dans les détails de cette sombre affaire de trou Rizzo, un coup d'œil dans le rétroviseur s'avère utile pour mieux appréhender les problèmes locaux. Et si bien sûr rien n'est tout simple ou tout vert lorsqu'il s'agit d'aborder les problèmes de gestion des déchets, il est des dossiers qu'un élu devrait pouvoir ouvrir sans craindre d'affronter les urnes ou les fantômes du passé.

Retour aux sources, nous sommes en 1897. Bienvenue à La Pallice, l'enclave ouvrière et portuaire de la Rochelle…

Pollution des sols: des traces souvent indélébiles - Reflets
Pollution des sols: des traces souvent indélébiles - Reflets

Phospho-Guano est une très ancienne compagnie dont l'activité s'est inscrite au patrimoine régional. On y fabriquait là des engrais et de l'acide sulfurique sur un terrain de près de 22 hectares. Des emplois par centaines, une activité ferroviaire intense, une production mondiale et au final, une incidence majeure sur la prospérité du grand port de commerce de la Pallice. Cette activité cessera dans les années 70. En 1989, une étude des sols contaminés se charge d'identifier les sources possibles de pollution. Verdict: des acides, du cuivre, du plomb, du zinc, de l'arsenic, du fluor, des sulfates, des nitrates, des phosphates... Le site fait l'objet d'une nouvelle évaluation des risques en 2003: on y signale toujours la présence de polluants dans la terre (Arsenic, Plomb, Cuivre, Nickel) ainsi que dans les eaux souterraines (Arsenic, Plomb). Tout s'arrange (…) en 2007 lorsque la société BIONERGY PILOT (filiale de SICA Atlantique, le principal opérateur du port) obtient l'autorisation préfectorale d'exploiter une unité pilote de production de biocarburants. Les différentes analyses précisent que : lors de la construction des futurs bâtiments, les terres polluées excavées ont été regroupées sur un merlon recouvert de terre végétale en limite sud du site, de façon à les isoler.

Des travaux de mise en sécurité et de dépollution du site ont été réalisés (évacuation de déchets, et excavation de terres impactées). Après une visite d'inspection le 1er octobre 2014, il a été constaté une absence de traces visuelles significatives de pollutions sur le site. Devenu un point de référence en matière de stockage pétrolier d'hydrocarbures, le quartier de la Pallice compte aujourd'hui de multiples sites classifiés en seuil haut de dangerosité Seveso.

La Pallice: un haut lieu à risques classifié Seveso - Capture d'écran
La Pallice: un haut lieu à risques classifié Seveso - Capture d'écran

Plus bas au sud, le site de Chef de baie connaîtra lui aussi lui son lot de mauvais héritage industriel. Il en va ainsi de cette usine spécialisée dans la production d'engrais compactés à base de phosphates, de chlorure de potassium, d'urée, de sulfate d'ammonium. On y produisait également par le passé de l'acide sulfurique à base de pyrite et de soufre, du phénol, de l'acide nitrique. Les études effectuées sur site relèvent que ces activités ont été à l'origine de déversements accidentels ou d'épandages en 1964, 1968, 1974 et 1990. La société SOCOFER s'efface le 1er juillet 2000. La remise en état des lieux passera en 2005 par le nettoyage et élimination des déchets résiduels, excavation et confinement des terres impactées… Mais poussons encore un peu plus au nord, à un jet de pierre du pont de l'île de Ré. La belle adorée a-t-elle eu son mot à dire sur toutes ces évacuations de déchets, éliminations de déchets résiduels, excavations et autres confinements des terres impactée ?

Retour aux sources, nous sommes en 2010. Bienvenue à la Repentie, l'un des grands centres de traitements des sédiments et déchets.

L'île de Ré: au fond à droite après les travaux... - Reflets
L'île de Ré: au fond à droite après les travaux... - Reflets

Ne tassez pas dans le fond!

Onze années plus tard et à l’issue de la création d'une digue de 1.4 km, le casier central d'enfouissement aura englouti 3,7 millions de mètres cubes provenant du recyclage de remblais locaux du BTP. Problème, en 2021 le site de la Repentie affiche complet. Les fosses arrivent à leur point de satiété et ne pourront bientôt plus avaler un seul pot de yaourt. Restent des tonnes de déchets inertes (béton, tuiles, briques, vitrage…) à évacuer on se sait plus trop où. Notez bien que les déchets de plâtre et de laine de verre ou de roche ne sont pas à considérer comme des matériaux inertes. Raison pour laquelle on nous confiera en off qu'il n'est plus possible d'enfouir du plâtre en bordure de mer : « Ça remonte à la surface de l'eau et ça se repère de loin ».

De l'engrais, des déchets dérangeants qu'il faut bien malgré tout évacuer, que faire? Dans le doute prenons la direction des plages. Et pourtant, on sait aujourd'hui traiter 90% des déchets du BTP

Remontons encore le temps : nous sommes en 1899, bienvenue à Aytré, sa fabrique d'engrais, son atelier d'équarrissage et son dépôt de vidange.

Une exploitaion à l'ancienne comme personne n'en veut plus... - Reflets
Une exploitaion à l'ancienne comme personne n'en veut plus... - Reflets

A louer, belle parcelle polluée en bord de mer

La société familiale Chignard et Delfaut aura œuvré ici jusqu'en 1992. On y fabrique de l'engrais organo-chimiques à partir de matières fécales et de résidus d'animaux traités dans un atelier d'équarrissage annexé à l'usine. Fin des années 80 la DAR (Delfau Assainissement Rochelais) pratique également le curage des fosses et égouts. Au tant dire que les pompes à mer ont dû fonctionner à plein régime en bordure de l'océan. Une étude sur la qualité des sols datant de 2004 fait état d'une pollution affectant l'ensemble du terrain: Cadmium, Mercure, Plomb, Chrome, Arsenic, PCB… Les eaux souterraines sont atteintes par les hydrocarbures et autres métaux lourds. Le rapport spécifie que la nappe phréatique est facilement accessible et que l'écoulement s'effectue du Nord-Est vers le Sud-Ouest, en direction de l'océan. Le dernier propriétaire vivant y loue aujourd'hui en toute illégalité quelques bungalows d'habitation sous couvert de baux commerciaux. Un bien étrange endroit de villégiature en vérité…

Des baux commerciaux mais des loyers d'habitation... - Reflets
Des baux commerciaux mais des loyers d'habitation... - Reflets

Mais il est temps de revenir aux temps modernes en faisant quelques pas de côté pour se rapprocher de la carrière du fief de Roux. Le petit lac est d'une absolue beauté. Mais gare aux apparences, le joli trou bleuté se trouve lui aussi à proximité immédiate des hangars Delfau. Et il y a fort à parier que ces amas de mousse blanchâtre qui cognent sur les berges ne soient pas de l'écume de mer. Mais pour l'heure aucun gros déchet en vue sur un site qui semble urgemment et écologiquement "sauvable".

La nature fait ce qu'elle peut mais la carrière réclame de l'aide... - Reflets
La nature fait ce qu'elle peut mais la carrière réclame de l'aide... - Reflets

Retour aux affaires. Nous sommes le 19 avril 2021. Bienvenu au conseil départemental de Charente-Maritime, ses heures de discussions policées entre chers collègues, sa langue de bois institutionnelle…

Une conseillère en colère, un président en...dormi ?- Capture d'écran
Une conseillère en colère, un président en...dormi ?- Capture d'écran

Une carrière, ici ? Vous êtes sûr ? Bon…

C'est donc à l'ombre d'un conseil départemental que Martine Villenave choisira de réactiver le débat en termes appuyés: « Par le passé, la pointe de Roux a fait l'objet de nombreuses velléités d'aménagement anarchique, qui en ont fait la poubelle de l'agglomération Rochelaise: agricultures intensive, creusement d'une carrière, bâtiment en ruine ou occupés par des squatters, et surtout, dépôt d'ordures et de déchets de toutes origines sur le site de Delfau sans autorisation. On pourrait penser que les errements passés serviraient de leçon. Il semblerait qu'il n'en est rien. Un nouveau projet qui est porté par la société Rochevalor consiste à créer une installation de stockage de déchets inertes sur ce site pour remplacer celui de la Repentie qui va être abandonné. 750.000 m3 de matériaux afin de remblayer l'ancienne carrière ».

Avouez qu'un tel discours aurait de quoi déclencher un débat d'idées nourri dans la plupart des familles. Mais pas lors d'une assemblée départementale dont l'ordre du jour consiste à voter le budget primitif de 2021. Dominique Bussereau, président du conseil et ex-multi-ministre, clôturera la discussion d'un simple: « Bon. Dossier ouvert à la demande de Martine Villenave, à juste titre. Donc il faut qu'on se rapproche de la CDA pour voir un peu comment elle voit ce dossier. Et puis on le traitera, naturellement, avec tous les partenaires…».

On en viendrait à penser que M. Bussereau ignore tout de cette affaire-là. Pourtant la maison du département n'est physiquement distante que d'une centaine de mètres des lieux incriminés par Mme Villenave. C'est fou comme on en arriverait à si mal percevoir les choses on les observant de si près…

Côté pile du panneau: la commune d'Aytré et le site Delfau en arrière plan - Reflets
Côté pile du panneau: la commune d'Aytré et le site Delfau en arrière plan - Reflets

Côté face du panneau: la Rochelle et la maison du conseil en arrière plan. Delfau?  Où ça? - Reflets
Côté face du panneau: la Rochelle et la maison du conseil en arrière plan. Delfau? Où ça? - Reflets

Trou Rizzo ici, trous de mémoire là-bas

D'autant que personne, non vraiment personne, ne pouvait soupçonner que les choses tourneraient vinaigre du côté du site Delfau. Pas même Madame Fleuret-Pagnoux, l'adjointe au maire de La Rochelle et candidate aux prochaines départementales, qui tout en émoi déclarera: « Je ferai remonter au président de la communauté d'agglo ce problème, qui paraît, effectivement, crucial et urgent. Voilà. Martine si tu voulais bien me faire passer ton intervention très complète, cela m'aiderait. Merci ». Bigre, ainsi donc le maire et président de la CDA ne serait pas au jus de ce mauvais courant? Incroyable non ?

Mais après tout il se passe tellement d’événements mystérieux à Aytré. Prenons pour témoin la stupéfaction de l'ancien adjoint au maire de la commune qui déclarait en 2018 : « Je ne sais même plus combien nous avons pu mener d'études depuis les années 2000. Nous avons multiplié les recherches, les études et les observations avec la communauté d'agglo de La Rochelle et le département. On a contrôlé tout ce qui vient de terre, du sous sol et de la mer, on n'a rien trouvé ! ». Rien trouvé, mais obligé tout de même d'interdire la baignade sur la grande plage de la ville, Incroyable…

Plage d'Aytré: baignade interdite, vol plané autorisé - Reflets
Plage d'Aytré: baignade interdite, vol plané autorisé - Reflets

Et cela s'avère d'autant plus surprenant qu'au terme d'une étude menée sur trois ans, et 300.000 euros plus tard, l'actuelle municipalité ne semble pas davantage renseignée sur les causes de cette pollution. Le nouveau maire tente de se rassurer au mieux: « On nous a expliqué en décembre 2020 que la pollution était due aux colonnes d'eau plutôt qu'aux sédiments. C'est dans l'eau qu'il y a le plus de bactéries, Escherichia coli et entérocoque. D'aucuns pensaient que c'était la déjection des oiseaux à marée basse… » Fichtre, une attaque de mouettes diarrhéiques! Incroyable aussi non?

Bref, on avance on avance, et pendant ce temps la longue plage d'Aytré demeure toujours et encore interdite à la baignade alors que l'endroit est un spot reconnu pour véliplanchistes et kite-surfeurs. Autant dire qu'il faut être sacrément bon en l'air pour éviter de toucher l'eau.

L'eau de la belle plage entièrement polluée: Qui osera en trouver la raison... - Reflets
L'eau de la belle plage entièrement polluée: Qui osera en trouver la raison... - Reflets

Mais quoiqu'il en soit l'intervention du 19 avril de Mme Villenave aura donné l'impulsion. Jean-Marc Soubeste, un élu EELV d'opposition, prendra soin de brièvement rapporter ses propos lors du conseil de la communauté d'agglo du 6 mai. Pourtant, l'énoncé du problème ne suscita guère de commentaires ce jour-ci : aucune prise de position ferme de la part du président de l'Agglo, aucune colère ouverte émanant de l'élu Aytrésien. L'essentiel était apparemment de faire voter le CTMA par quelques 80 élus. Rappelons qu'un Contrat Territorial de Milieux Aquatique repose sur un programme d'action visant: « à répondre de manière opérationnelle aux altérations observées, il repose sur des orientations fortes qui découlent des résultats de l'état des lieux, des dysfonctionnements et pressions observés sur le territoire, des résultats de la concertation locale, de la définition des enjeux, et donc de la stratégie territoriale ». Oui, c'est pourtant bien de tout cela dont il aurait été pertinent de s'alarmer...

Belle tentative d'alerte, mais un manque certain de convictions.. - Reflets
Belle tentative d'alerte, mais un manque certain de convictions.. - Reflets

En fait, la situation prendra véritablement de l'ampleur après la visite de Charlie Hebdo. Le 19 mai, l'article incendiaire sort en kiosque. Le 20 mai, la municipalité d'Aytré décide d'une motion de censure à l'encontre du projet de remplissage de la carrière de Roux. Le 26 mai, un communiqué signé des mains du président et vice-président de la CDA dénonce les vilaines intentions de l'entreprise Rochevalor composée, nous précise-t-on, de l'association des transports Sarrion et de la société Solvalor. Bienveillant, M. le maire Jean-François Fountaine y confirme que la question du stockage des déchets inertes est réelle si l'on ne veut pas les évacuer vers des territoires voisins. (comme la plage d'Aytré ?). Il certifie qu'en ce qui concerne le problème: « la réponse ne sera pas sur ce site ».

Cette position de dernière heure semblait pourtant bien moins exécutante quelques jours auparavant. Surtout lorsque M. le maire confiait prudemment à Charlie : « C'est complexe, il faut regarder de près… je crois qu'il faut une maîtrise publique du lieu, et ensuite, on réfléchira. Je ne ferme la porte à rien ». Par ailleurs, la conclusion du communiqué laisse encore planer le doute : « la résolution du contentieux en cours par le tribunal administratif opposant la société Fonciroc, propriétaire de l'ancienne carrière, à l'agglomération de la Rochelle sur le classement du PLUI du secteur orientera la suite du projet. Le jugement et attendu pour juillet 2021 ». La suite? Et à quand la fin d'un projet qui dure depuis des années ? Mais l'appel à l'aide est décrété par les deux signataires du communiqué qui: « …proposerons très prochainement à leurs collègues d'étudier l'acquisition de ce site , et d'en prévoir, le cas échéant la dépollution. ».

M. le maire et président de la CdA entre deux casquettes... - Reflets
M. le maire et président de la CdA entre deux casquettes... - Reflets

Quant au terrain justement, le problème se poserait moins en termes d'achat que de vente. Faut-il préciser que l'achat relève de la compétence du conservatoire du littoral et non de la CDA. Et a priori, de ce côté-ci les choses sont claires. Plus complexe sera le cas de la vente qui ne dépend que du bon vouloir des actuels propriétaires. Eux entendent bien, en toute logique, faire monter les enchères. Il devient donc essentiel d'affirmer haut et fort qu'aucun projet de ce type n'aura -jamais - cours à la pointe de Roux, ni hier, ni aujourd'hui, ni demain. Là serait le meilleur moyen de calmer les prétentions et les intérêts des uns ou des autres. Mais bref, nous voici malgré tout par deux fois rassurés : et d'une, le président de la CDA était bien au courant de la situation, et de deux, la décision du tribunal n'interviendra qu'après les élections. Là, tout redevient subitement plus crédible.

Rochevalor et Solvalor : l'équipe en or

Et enfin pour finir, on peut s'interroger sur le profil de ces curieux investisseurs qui souhaitent venir benner dans toutes les cavités environnantes contre l'avis de tous. On pourrait légitimement s'imaginer qu'il s'agisse de financiers sans foi ni loi, des présidents-directeurs-généraux se fichant bien du confort des Maritimes, d'affreux jojo sans pédigrée qui n'auraient pas l'oreille des élus locaux, de sinistres individus imperméables à la beauté des lieux... Rassurez-vous, il n'en est rien.

Des passionnés de sport collectif et de belles vagues bien propres. - Reflets
Des passionnés de sport collectif et de belles vagues bien propres. - Reflets

Les deux sociétés en lice sont dirigées par des personnes bien comme il faut. L'un et l'autre sont très engagés dans la ruralité, tant sportivement que financièrement. Franck Sarrion est administrateur et bienfaiteur en titre du stade Rochelais, alors que Nicolas Proulhac a fait claquer les voiles de la mini-transat aux couleurs de sa société. Nul ne doute qu'avec des interlocuteurs présentant de si prestigieuses références la municipalité de la Rochelle ne rencontrera aucune difficulté à leur faire entendre que remblayer un trou un jour n'est pas gage de sécurité toujours. Car dans cinq, dix, ou vingt ans, la prochaine tempête à venir grignoter le rivage pourrait fort bien s'enquérir de ce qui se trouve dans les sous-sols de la pointe de Roux. A la Rochelle, comme ailleurs, le passé de la pollution semble toujours précéder le futur de la nature. Affaire à suivre bien sûr.

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