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par Antoine Champagne - kitetoa

Économie : le retour du retour de la crise globale…

Inflation, pénuries, société fracturée, la prochaine risque d’être sévère

L'inflation galopante force les banques centrales à revoir leur politique : c'est la fin des taux proches de 0%. Avec une planète plus endettée que jamais, quels seront les effets de ce revirement ?

Christine Lagarde, présidente de la BCE - Site de la BCE

Les grosses crises financières qui laminent les petites économies des citoyens de base, comme celle des subprimes, de l’immobilier, de la dette souveraine, des valeurs Internet, ne surgissent pas de nulle part. Si les citoyens, qui sont souvent in fine les payeurs en dernier ressort, semblent découvrir l’étendue des dégâts lorsqu’elles éclatent, ces bulles grossissaient généralement depuis un bon moment. Et tous ceux qui gravitent dans l’écosystème économique et financier savaient. Ils en ont généralement largement profité. Une nouvelle crise très profonde est potentiellement en approche rapide. Tous les financiers le savent depuis plusieurs années. Qu’elle intervienne cette année, la prochaine ou la suivante, peu importe. Elle arrive. Cette fois, les répercussions pourraient être bien pires encore que les précédentes.

Depuis les deux dernières grandes crises, celle des subprimes et celle de la dette souveraine, les banques centrales, aux États-Unis et en Europe, ont décidé d’inonder de liquidités les institutions financières. L’idée est de proposer de l’argent à taux extrêmement faible (proche de 0%) pour que, par magie vertueuse, les institutions financières prêtent à leur tour et entretiennent l’économie. Cette politique qui consiste à faire marcher la planche à billets s’appelle le quantitative easing, ou QE. En suivant cette logique, les entreprises pourraient se financer à moindre coût, investir et embaucher. Sur le papier, c’est beau comme un Rembrandt, mais en vrai, ça ne marche pas du tout. On a fini avec le gribouillis du petit Matthieu de la classe de moyenne section de Mme Tripalin. De fait, les institutions financières se sont, en très grande partie, gavées d’argent magique (lire : gratuit) et l’ont investi pour leur compte sur les marchés financiers. Avec ce flot de liquidités, les marchés ont donné l’impression, depuis une décennie, d’aller au mieux, volant de records en records, y compris en plein milieu d’une pandémie mondiale ayant plombé toute l’économie de la planète. Il n’en est rien. Si demain les banques centrales arrêtent de créer de l’argent magique, c’est-à-dire qu’elles remontent sensiblement leurs taux d’intérêts, cessent de racheter de la dette des États, les marchés vont probablement s’effondrer. En langage capitaliste, on appelle ça une « correction naturelle ». Dans la réalité, on appelle ça un plongeon.

Or, il se trouve que si les banques centrales, en accord avec les différents exécutifs, n’ont aucune envie de remonter leurs taux d’intérêts, le mur de la réalité est en train de les rattraper. Un « metric », comme on dit dans la « Start-up Nation », sur lequel ils n’ont plus aucune prise, les pousse à remonter leurs taux. Depuis une dizaine d’années, tous les économistes dignes de ce nom alertent sur la bulle qui grossit, sur le risque majeur qui vient. Rien n’y fait, les bilans des banques centrales continuent d’exploser. Résultat d’années de QE, la Fed détient quelque 9.000 milliards de dollars de bons du Trésor et autres créances dans son bilan (7.950 milliards d’euros), soit 40 % du PIB américain, rappelle Le Monde. On prête, on prête, on imprime de l’argent magique. Certains vous diront que cela enrichit les banques centrales puisque ces prêts sont des actifs. Oui mais non.

Si vous prêtez à 0% et que demain, les créanciers devaient rembourser à 2, 4 ou 7%, ce ne serait plus le même jeu. Des milliers d’entreprises feraient faillite, les établissements financiers seraient mis en difficulté. D’elles-mêmes, les banques centrales refuseraient de remonter leurs taux et continueraient cette politique qui a comme principal bénéfice de maintenir l’économie mondiale sous perfusion, et d’éviter que le cœur du réacteur nucléaire ne fonde. Les marchés sont heureux, qu’importe si les fondamentaux, ces données macro-économiques donnant la température de l’économie d’un pays, sont au rouge depuis des lustres. Tant que l’argent coule à flots, les marchés se rient de tout.

L’endettement des États, des entreprises et des ménages a explosé. Que se passerait-il si les taux remontaient ? Pour éviter le mur, les banques centrales ont refusé de freiner la course en avant. Mais voilà… L’inflation, ce vieux démon que les moins de… 50 ans n’ont pas connu, a refait son apparition. Tout augmente. Les prix de l’énergie, les prix des matières premières comme le bois ou les métaux. A cela il faut ajouter la pandémie. Le Covid a très profondément affecté les chaînes de production et de distribution. Les salariés sont malades et donc absents, la production a été mise à l’arrêt pendant le premier confinement, provoquant des embouteillages monstres lors du redémarrage. Ils se font encore sentir aujourd’hui. Les grands ports mondiaux entassent des containers sans pouvoir les traiter. On voit apparaître des pénuries qui plombent des pans entiers de l’économie mondiale. Les micro-processeurs manquent pour la fabrication des ordinateurs. Aux États-Unis, on annonce même des pénuries dans les supermarchés. En Grande Bretagne, le Guardian rapporte le résultat d’une étude selon laquelle un million d’adultes britanniques ont passé une journée entière sans manger au cours du mois écoulé, par manque de moyens.

La « vista » de nos grands argentiers

Comment lutter contre l’inflation ? En remontant les taux d’intérêts. Voilà les banques centrales contraintes et forcées de faire ce qu’elles refusaient encore de faire il y a quelques mois. Même Christine Laboulette Lagarde, patronne de la banque centrale européenne, qui jurait ses grands dieux que les taux ne remonteraient pas de sitôt, vient de tourner casaque. Après avoir expliqué en décembre 2021 qu’une hausse des taux était « très improbable » en 2022, voilà que pas plus tard que le 3 février, elle n’excluait plus une hausse si l’inflation continuait de progresser autant. La « Vista » de nos grands argentiers est légendaire. Ils ne voulaient pas utiliser la planche à billets, ne jurant pendant des années que par la sacro-sainte «austérité », qu'ils ont faite en mode turbo, et qu'ils ne voulaient pas arrêter.Ils sont pourtant contraints de le faire. Finalement, ils font en permanence l'inverse de ce qu'ils veulent faire ?

Les marchés, eux, ont déjà « intégré » la nouvelle. Ils se sont auto-convaincus depuis quelques mois que les banques centrales allaient sans doute relever leurs taux deux ou trois fois dans l’année. Ça les « auto-rassure » et cela évite donc un krach. Mais que se passerait-il si ces hausses de taux étaient plus importantes que prévues ? Même s’ils ont « intégré » ce changement de politique, les acteurs des marchés financiers sont fébriles et il n’est pas complètement impossible que l’on assiste à une nouvelle crise sous stéroïdes des dettes souveraines (un deuxième étage de la crise qui vient) …

Cette nouvelle crise qui se profile, arrive à un moment très particulier et pourrait avoir des conséquences bien plus importantes que prévues par les économistes de haut vol aux commandes, comme Mme Christine Lagarde.

Les sociétés aux Etats-Unis, comme en Europe, sont particulièrement fracturées. Les oppositions politiques entre extrême-droite et gauche sont particulièrement violentes, les premiers étant désormais en roue libre, voyant leur moment arriver, les autres redoutant les pires horreurs que l’Histoire a déjà démontrées. Le Covid a également laissé des traces : certains antivax veulent un Nuremberg des médecins ayant vacciné des gens avant de les pendre haut et court. La parole politique n’a jamais été aussi peu crédible dans l’histoire contemporaine. Il n’y a d’ailleurs probablement que les politiques et quelques centaines de milliers de militants aveugles et fanatisés pour penser que l’élection présidentielle française va changer quoi que ce soit… Dans ces conditions, que donnerait une crise économique profonde, avec une vraie fonte des avoirs, des pénuries de produits usuels ? Le tout dans un contexte d’hystérie collective et d’exacerbation du « chacun pour soi » ?

Les crises économiques inquiètent toujours les politiques. C’est pour cela qu’ils sauvent des établissements financiers ayant pourtant participé à la création de la crise. C’est aussi la raison pour laquelle ils ont laissé les banques centrales faire n’importe quoi et surtout, ce qu’elles avaient toujours refusé de faire, faire marcher la planche à billets, laisser filer les déficits, ne plus contenir l’inflation. Dans un article en 2010, nous expliquions les dessous de la crise financière à Paulo, du Bar des amis. Dans ce papier, nous rappelions qu’une baisse importante du pouvoir d’achat se transforme rapidement en manifestations, en actes de violence, parfois en guerre civile ou en révolution. Et ça, c’est très mauvais pour le boulot des politiques. C'est la seule raison pour laquelle ils essayent de contenir les crises financières.

Mais cette fois, déconnectés comme ils le sont du monde « réel », ont-ils pris la mesure de ce qu’une telle crise aura comme répercussions alors que la société est aussi fracturée ?

Même s’ils tenteront d’en réduire les effets, cette correction naturelle crise va finir par arriver, avec son cortège d’inconnues.

Rassurer les marchés…

Comme à chaque crise, vous allez lire un peu partout (comme ci-dessus) que untel ou untel tentent de « rassurer les marchés », « redonner confiance aux marchés ». #Lesmarchés, cela n’existe pas, on ne peut pas rassurer des marchés financiers. Les marchés, c’est personne. Ça n’existe pas. Il y a autant de types de marchés que de bulles dans la bouteille de champagne du trader fêtant son bonus. Des marchés d’actions, des marchés d’obligations, de matières premières, de taux, de futures, des marchés ouverts, des marchés fermés, des marchés gris, des marchés opaques, … Bref.

Mais surtout, les marchés carburent au risque. Pas de risque, pas de bénéfices. Lorsque qu’on ne l’annonce pas, les marchés réclament de la rigueur. Lorsqu’elle est annoncée, les marchés craignent une récession. Il y a dix ans, ils craignaient les effets de la planche à billets. Aujourd’hui, ils craignent que les banques centrales ne ferment le robinet de la même planche à billets… « Les marchés » n’ont pas confiance. Et ils ne n’en auront jamais : pas de bras, pas de chocolat…

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