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Dossier
par Antoine Champagne - kitetoa

Dis, Reflets, pourquoi c'est dangereux le DPI ? Tu me fais un dessin ?

Certains pensent que Reflets fait une fixette sur le Deep Packet Inspection, cette technologie permettant de mettre sur écoute tout un pays d'un coup de baguette magique et que le France vend si bien à des dictatures et des Etats policiers. C'est possible. Mais il y a une raison à cela. Amesys a bêta-testé son outil en Libye. Qosmos aurait bien voulu le faire en Syrie. Les deux entreprises ont développé leurs outils avec les fonds récoltés sur la vente à la Libye et la Syrie, respectivement.

Certains pensent que Reflets fait une fixette sur le Deep Packet Inspection, cette technologie permettant de mettre sur écoute tout un pays d'un coup de baguette magique et que le France vend si bien à des dictatures et des Etats policiers. C'est possible. Mais il y a une raison à cela. Amesys a bêta-testé son outil en Libye. Qosmos aurait bien voulu le faire en Syrie. Les deux entreprises ont développé leurs outils avec les fonds récoltés sur la vente à la Libye et la Syrie, respectivement. Et en France ? Ah, en France, c'est différent mon bon Reflets. Détends-toi, nous sommes une démocratie et les écoutes sont encadrées. Il y a la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), tant vantée par le député PS du Finistère et président de la Commission des Lois, Jean-Jacques Urvoas. Il faut le redire, et Jean-Jacques Urvoas n'a eu de cesse de le répéter au moment du vote de la Loi de programmation militaire, ici, dans le pays des Droits de l'Homme, il n'y a pas de Big Brother. C'est une rumeur, affirmait un peu partout le député.

Bien entendu, ces déclarations de Jean-Jacques Urvoas, c'était au tout début de la pluie de documents d'Edward Snowden. Ce qui était un peu audacieux de sa part d'ailleurs, car, comme le bon sens près de chez vous qui caractérise votre serviteur le laissait supposer, le député a rapidement été assez ridicule. D'une part, ce que nous savons sur Amesys et Qosmos -et croyez nous sur parole, on en sait sans doute autant si ce n'est un peu plus que lui, nous pouvions aisément démontrer qu'il racontait des bêtises. D'autre part, l'annonce faite par le patron de la NSA lui-même, que la France avait livré à ses services 70 millions de métadonnées pour un seul mois, laissait penser que, finalement, en France, il y a peut-être autre chose que les deux types d'écoutes, les écoutes judiciaires et les écoutes administratives.

Oui, il y a peut-être, c'est une théorie abracadabrantesque, un bon gros système d'écoute global supervisé par la DGSE, mis en place avec l'aval des gouvernements de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, qui ratisse large, y compris le type de films de cul (Zoophilie, tendance teckels morts) que monsieur Michu a téléchargés le mois dernier.

Et ce système, mis en place sous Nicolas Sarkozy et François Hollande, il risque fort de tomber entre les mains d'une blonde énervée tendance extrême droite. Vous nous direz, ce n'est pas Vichy et la collaboration avec la Gestapo, donc ce n'est pas aussi grave que le fichier d'André Tulard.

Tu me fais un dessin Reflets ?

Oui et non.

Le Monde nous apprend que Marine Le Pen a un chef de cabinet, Philippe Martel, un peu tendu contre les journalistes. Le Monde véhicule en fait les informations contenues dans un article du Point. Philippe Martel ficherait le parcours de journalistes français, fiches très utiles pour Marine Le Pen si elle devait déstabiliser un ou une interviewer/euse  afin de se sortir d'un mauvais pas.

Selon Le Point, Philippe Martel aurait ainsi indiqué :

« De toute façon, les Français vous détestent. Notre plan média, c'est de vous attaquer à mort. La presse nous est défavorable, pourquoi continuer à collaborer avec elle ? Il faut dire les études que vous faites, les appartements que vous habitez ». « Vous avez vu comment Marine a attaqué Apolline de Malherbe ? Ça n'est rien, ça n'est que le début. »

L'intéressé s'est empressé de démentir avoir tenu de tels propos. Vrai ou faux, Marine Le Pen a bien tenté de déstabiliser  Apolline de Malherbe au cours d'une interview :

Ce type d'informations sur une personne, publique au surplus comme un ou une journaliste, doit pouvoir aisément se trouver via un moteur de recherche.

Mais, et voilà le petit dessin, imaginez un monde dans lequel une femme politique d'extrême droite qui fouille le passé des journalistes qui l'interrogent avant de les rencontrer pour les attaquer en direct pendant l'interview sur ce passé, serait au pouvoir. Oui, présidente de la république.

Mais pas uniquement présidente. Présidente de la république avec à sa disposition un outil de surveillance global, mis en place par ses prédécesseurs et dont elle hériterait. Un peu comme un fichier Tulard, mais en beaucoup mieux. Un fichier dans lequel on pourrait entasser toute la vie d'une personne, ses belles actions, comme ses petits secrets, ses erreurs de jeunesse, ses préférences politiques, sexuelles, philosophiques... Tout cela ressortant de ses interactions digitales avec ses semblables. Un rêve. Ou un cauchemar, selon de quel côté on se place. Du côté de Philippe Martel et Marine Le Pen ou du côté des citoyens. Imaginez les pressions qu'il serait possible d'exercer sur chaque citoyen avec un tel outil, même dans une démocratie, dirigée par quelqu'un qui déciderait d'utiliser un tel outil...

La presse ne joue plus très souvent son rôle de quatrième pouvoir, mais là, dans une telle configuration, il faut bien l'avouer, elle ne pourrait plus jamais le faire sereinement. Car nous, journalistes, sommes tous zoophiles, tendance teckels morts... Ou quelque chose du genre. Tout comme Marine Le Pen et Philippe Martel. Ce n'est pas un délire, j'avais démontré ceci et suis prêt à le refaire, au cours d'une très sérieuse conférence à Pas Sage en Seine (PSES) en 2012.

L'existence d'un outil permettant de répertorier cette préférence sexuelle est une aberration. La possibilité que quelqu'un puisse l'utiliser est une abomination.

Pensez-y monsieur Hollande, vous qui approuvez la vente d'un Eagle au Maroc par Amesys. Vous qui approuvez la maintenance des outils d'Amesys au Gabon, au Qatar, en Arabie saoudite, aux Emirats Arabes Unis. Vous qui laissez la DGSE avoir des relations particulièrement étroites avec Qosmos (la business unit BUK). Vous qui ne remettez pas en cause la participation de la Banque publique d'investissement dans Bull et Qosmos...

Il est encore temps.

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