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par Antoine Champagne - kitetoa

Des pompiers blessés et une vidéo du Monde pour comprendre

Un an après...

La répression de la manifestation des pompiers à Paris et une enquête vidéo du Monde sur un blessé à Bordeaux ont permis à certains de prendre conscience des dérives de l'exécutif. Un an de violences qui sont passées sous le radar de tant de personnes...

Les balles de LBD 40 qui ont fait tant de dégâts. - © Reflets

"Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit" avait lancé, définitif, Emmanuel Macron le 7 mars. Cette incapacité à "voir" ce que tous les journalistes présents sur les manifestations constataient, à voir ce que toutes les vidéos donnaient à voir, Emmanuel Macron s'y est accroché. Tout comme le reste du gouvernement. Tous ont répété qu'il n'y avait pas de violences policières à l'occasion de gestion des manifestations des gilets jaunes. Ajouté à cela, l'apathie de l'IGPN, a fait son oeuvre : certains policiers ont continué de se laisser aller à la violence. Toutes ces non violences policières, cet usage "légitime" de la force, a culminé avec la mort de Steve Maia Caniço.

Les journalistes indépendants qui couvrent les manifestations depuis un an sont unanimes : les moyens utilisés pour le maintien de l'ordre sont disproportionnés. Pour autant, le reste de la population, la majorité qui ne manifestent pas, ne s'offusque pas plus que cela du bilan des non violences policières et de l'usage légitime de la force : 2 décès, 315 blessures à la tête, 24 personnes éborgnées et 5 mains arrachées. Le journaliste David Dufresne qui documente les cas de blessures affiche une litanie de chiffres plus désespérants les uns que les autres : 2.448 blessés, 561 signalements déposés à l'IGPN, 313 enquêtes judiciaires de l'IGPN, 8 enquêtes administratives, 15 enquêtes judiciaires de l'IGGN, 180 enquêtes transmises au Parquet, 19.071 tirs de LBD, 1.428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées, 5.420 tirs de grenades de désencerclement , 474 gendarmes blessés et 1 268 policiers blessés. Pour l'instant, aucune enquête ouverte pour ces cas de violence ou d'usage illégitime de la force n'a abouti.

En dépit des condamnations par les instances internationales (l'ONU, le Conseil de l'Europe, le Parlement Européen), de l'alerte sonnée par les journalistes toute une partie de la population ne voit rien. Abreuvée d'images distordant la réalité par la télévision, elle ne peut se faire à l'idée que les forces de l'ordre ont pu blesser grièvement, sans raison, des citoyens. Ils étaient forcément en train de casser quelque chose, de brûler une voiture, de jeter des cocktails Molotov sur la police... La plupart du temps, non. C'est sur cette violence illégitime que nous avions écrit en janvier 2019. A priori, la première enquête poussée sur les blessés qui ne le sont pas par hasard. Cet article, comme ceux qui suivront sont passés complètement sous le radar de la population, évidemment, et des confrères journalistes qui ne les ont bien entendu pas relayées. Pourtant, nous avions donné des précisions utiles sur le LBD 40 et son viseur holographique EOTech qui rend les tirs particulièrement précis.

Les pompiers, un symbole

Qui n'aime pas les pompiers ? Quasiment personne. Contrairement à une idée reçue, la majorité de leurs interventions ne concernent pas les feux. Ils sont surtout présent pour l'aide aux victimes. Ce sont les pompiers qui nous ramassent dans la rue ou dans les bâtiments lorsque nous sommes victimes d'un accident, et qui nous évacuent vers les hôpitaux. Voir les pompiers se faire traiter comme des gilets jaunes lors de leur manifestation le 15 octobre a "saisi" de nombreux Français. C'est un symbole qui est touché. Comment peut-on matraquer, gazer ou tirer au LBD 40 sur les gentils pompiers ? Les gentils pompiers, ils ne pouvaient pas être en train de casser quelque chose, de brûler une voiture, de jeter des cocktails Molotov sur la police...

Bien sûr, il y aura ceux qui continueront de penser que cette violence des forces de l'ordre ne touche que quelques personnes qui "l'ont bien cherché" en raison du "désordre" qu'elles ont provoqué".

Jusqu'au jour où ils seront victimes de cette violence, ce qui ne manquera pas d'intervenir si l'on continue sur cette voie.

Dire qu'il aura fallu que des pompiers se fassent violenter, que le Monde publie une enquête sur une personne très grièvement blessée par les forces de l'ordre, sans aucune raison, pour que quelques uns s'éveillent... Et ce, plus d'un an après que nous ayons été légion à sonner l'alarme...

Pendant un an, nous avons suivi quasiment toutes les manifestations et en avons rendu compte dans nos colonnes. Deux points essentiels à nos yeux en ressortent :

1) L'utilisation des gaz lacrymogènes aurait toujours pu suffire pour conserver la maitrise des événements. Les forces de l'ordre qui ont utilisé les LBD 40 l'ont fait en sachant que cela n'était pas nécessaire. Vaut-il mieux une poubelle brûlée ou un oeil perdu ? 2) les policiers en civil, souvent les plus violents, ne portent pas leur RIO et sont masqués ce qui complique leur identification lorsqu'une violence illégitime est constatée.

Quelques images de l'année écoulée attestent de ce deuxième point (les RIO doivent normalement apparaître sur les brassards) :

Manifestation du 5 janvier 2019 - © Reflets
Manifestation du 5 janvier 2019 - © Reflets

Manifestation du 5 janvier 2019 - © Reflets
Manifestation du 5 janvier 2019 - © Reflets

Manifestation du 19 janvier 2019 - © Reflets
Manifestation du 19 janvier 2019 - © Reflets

Manifestation du 26 janvier 2019 - © Reflets
Manifestation du 26 janvier 2019 - © Reflets

Manifestation du 26 janvier 2019 : Jérôme Rodrigues est à terre, il vient de perdre l'oeil - © Reflets
Manifestation du 26 janvier 2019 : Jérôme Rodrigues est à terre, il vient de perdre l'oeil - © Reflets

Manifestation du 26 janvier 2019 - © Reflets
Manifestation du 26 janvier 2019 - © Reflets

Manifestation du 2 février 2019 - © Reflets
Manifestation du 2 février 2019 - © Reflets

Pas la tête, on a dit... - 9 février 2019 - © Reflets
Pas la tête, on a dit... - 9 février 2019 - © Reflets

Manifestation du 9 février 2019 - © Reflets
Manifestation du 9 février 2019 - © Reflets

Sous la tour Eiffel, le 9 février 2019  - © Reflets
Sous la tour Eiffel, le 9 février 2019 - © Reflets

Le gang des cagoules le 6 mars 2019 - © Reflets
Le gang des cagoules le 6 mars 2019 - © Reflets

Manifestation du 16 mars 2019 - © Reflets
Manifestation du 16 mars 2019 - © Reflets

Manifestation du 16 mars 2019 - © Reflets
Manifestation du 16 mars 2019 - © Reflets

Manifestation du 23 mars 2019 - Pas de RIO, pas de brassard... - © Reflets
Manifestation du 23 mars 2019 - Pas de RIO, pas de brassard... - © Reflets

Manifestation du 23 mars 2019 - On affiche son groupe sanguin, pas son RIO - © Reflets
Manifestation du 23 mars 2019 - On affiche son groupe sanguin, pas son RIO - © Reflets

Manifestation du 13 avril 2019 - © Reflets
Manifestation du 13 avril 2019 - © Reflets

Manifestation du 21 septembre 2019 - © Reflets
Manifestation du 21 septembre 2019 - © Reflets

2019, année du LBD et des gaz lacrymos - © Reflets
2019, année du LBD et des gaz lacrymos - © Reflets

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